Un lieu prend vie dès lors qu’il est nommé. Le nom singularise un espace autant qu’il l’intègre dans son environnement urbain. Dès lors, que signifient donc tous ces Fab et tous ces Lab qui émergent au cœur des villes?
Fab, lab : l’apocope claque. Les mots font pop. Ils disent la modernité autant que leur bilinguisme sert la promesse d’un développement international. La Fab, la Fondation Agnès B pour l’art contemporain, vient d’être inaugurée dans le 13e arrondissement, un quartier où depuis quelques années le street art a partie liée avec la topographie.
Fab, lab, l’apocope claque !
Subtilement, l’apocope est ici également acronyme (A et B pour Agnès B), soulignant ainsi l’hybridité du lieu, galerie d’art, « fabrique culturelle et solidaire » et boutique. Dans le 5e arrondissement, l’ouverture du Philanthro-Lab est promise pour la fin 2020. S’y retrouveront mécènes et associations pour expérimenter de nouvelles façons d’exercer la philanthropie. En quelques années, ces deux mots ont séduit de plus en plus de nouveaux créateurs d’espaces, promoteurs ou architectes. Parmi près de 400 noms proposés lors des appels à projets urbains innovants, Réinventer Paris et Métropole du Paris, on trouve ainsi pêle-mêle des Wunderlab, Sqylab, Artlab, GamixLab, BuroLab mais aussi des Fabriqueurs ou un Explolab Factory.
Bpi france a ainsi créé le label « la French FAB »
Aujourd’hui, la dénomination des lieux et des concepts entre à part entière dans les stratégies de marque et de communication, que les acteurs soient privés ou publics. En 2017, Bpi france a ainsi créé le label « la French FAB », réunissant sous le même étendard des industries françaises à même de rayonner hors des frontières. Presque symétrique-ment, la nouvelle Banque des Territoires (Caisse des dépôts et Consignations) a créé Le Lab des territoires.
Lab : un imaginaire de l’expérimentation sans a priori
Les mots ont leur part d’idéal voire d’utopie. Devenant « Lab », le laboratoire porte un imaginaire de l’expérimentation sans a priori. Historiquement, le lieu était plutôt celui d’une élite, un lieu secret de connaissances. Là, par l’effet de l’apocope, il se popularise, mais, en contrepartie, du monde savant il se déplace vers le monde du laborieux. Il demeure un lieu de mélanges et d’assemblages de toutes sortes. En s’appuyant sur un lexique ancien, celui de la fabrique, autrement dit de l’artisanat à une échelle manufacturée, les Fab racontent la création et l’industrie 4.0. Le mot évoque la créativité, l’innovation et le partage, un gage de qualité aussi (on parlera de marque de fabrique). L’apocope permet le mystère, derrière le ou la fab, le fabuleux. Sur le fond, il faut mettre cette tendance en regard de l’engouement nouveau pour l’apprentissage, perçu comme un espoir d’épanouissement personnel par des générations en quête de sens, et de l’émergence de nouveaux écosystèmes de parties prenantes au cœur des villes.
Ces nouveaux lieux incubateurs procèdent de l’esprit philanthropique du XIXe siècle
Ainsi au XIXe siècle, les philanthropes ardents défenseurs d’une instruction industrielle et d’une société plus égalitaire par l’éducation contribuèrent notamment à la création des écoles des arts et métiers ou des associations d’enseignements polytechniques. D’une certaine manière, ces nouveaux lieux incubateurs procèdent du même mouvement. Ainsi nommés, ils évoquent la vie sociale et animée d’un Paris industrieux, fait d’ateliers et de petites industries, un Pa- ris populaire où chacun peut avoir sa chance.