La réalité virtuelle fait enfin son entrée dans le monde des études marketing, et, plus particulièrement, pour les tests de produits auprès des consommateurs.
Les nouvelles solutions technologiques qui s’offrent aux chercheurs en marketing donnent accès à un terrain de jeu très vaste, depuis l’immersion des consommateurs dans des lieux où des écrans relayent des vidéos avec diffusion de senteurs spécifiques, jusqu’à l’utilisation de casques de réalité virtuelle permettant une immersion du consommateur dans un environnement ultra-réaliste pour une expérience sensorielle totale.
Le contexte de consommation a un impact certain sur l’évaluation des produits
Comprendre l’expérience sensorielle vécue par un consommateur lors de son interaction avec un produit nécessite de prendre en compte l’ensemble des facteurs pouvant avoir une influence sur sa perception. Et lorsqu’il s’agit d’identifier tous les paramètres susceptibles d’avoir un impact sur la perception, et donc l’appréciation d’un produit, la liste est longue. En effet, le concept de contexte de consommation et d’évaluation englobe des facteurs aussi variés que les éléments physiques dans lesquels les produits sont testés, c’est-à-dire notamment l’ambiance du lieu (Bell et al, 1994), l’éclairage (Oberfeld et al, 2009) ou encore l’environnement sonore et musical (Woods et al, 2011; Fiegel, 2014). Mais cela inclut également la façon dont les produits sont présentés ainsi que les contenants dans lesquels ils sont évalués, par exemple, la vaisselle pour les produits alimentaires (Piqueras-Fiszman, 2012; Van Ittersum et Wansink, 2012; Spence et Wan, 2015) ou encore le contexte social dans lequel est évalué le produit (Ellison, 2014). Enfin, les autres informations concernant le produit telles que celles portées sur les emballages ou étiquettes sont également des sources d’influence certaine lors de son évaluation.
Il est donc fondamental de maîtriser ces paramètres afin de confronter le consommateur à un produit qui se situe dans un contexte le plus proche possible d’une situation naturelle. Les tests en laboratoire sensoriel, souvent utilisés au cours du développement produit, permettent de contrôler un certain nombre de ces facteurs expérimentaux mais ils placent le consommateur hors de son contexte d’évaluation réelle. A l’inverse, les tests à domicile permettent aux sujets d’évaluer le produit dans son environnement habituel de consommation mais les facteurs expérimentaux ne sont pas contrôlés. C’est pour ces raisons que les chercheurs en études produits ont compris l’intérêt de proposer des contextes de dégustation ou d’évaluation les plus réalistes et écologiques possibles.
Des techniques de plus en plus immersives
Afin d’évoquer une ambiance la plus réaliste qui soit, différentes techniques sont pratiquées aujourd’hui. L’une d’entre elles, la méthode des scénarios, fait appel au vécu du sujet en lui proposant des scénarios prédéfinis de consommation du produit en amont de son évaluation (Boutrolle et al., 2007; Hein et al., 2010) ou en lui demandant d’imaginer et de formaliser le scénario le plus pertinent selon lui pour évaluer le produit.
Une autre méthode consiste à insérer physiquement le consommateur dans un environnement en rajoutant des éléments visuels, olfactifs, ou gustatifs dans le lieu d’expérimentation dédié à l’évaluation du produit (Hersleth et al., 2003, Petit et Sieffermann, 2007; Sester, 2013) et/ou à permettre un choix entre divers produits (King et al., 2004, Sester et al., 2013).
Cette insertion physique peut être plus ou moins réaliste et immersive, ce qui introduit une dernière catégorie de méthodes : celles en réalité virtuelle ou augmentée. Quelques chercheurs (Porcherot et al., 2015; Bangcuyo et al., 2015 ; Kim et al., 2016) ont ouvert la voie à des tests de produits dans des environnements virtuels totalement immersifs. Ceux-ci reproduisent de manière très fidèle les lieux de consommation habituels des produits et permettent au consommateur d’entrer dans des univers hyper-réalistes et d’agir, voire interagir, avec des avatars dans ces mondes virtuels. Ainsi, diverses configurations sont-elles possibles. Le consommateur peut se retrouver dans une pièce dans laquelle des vidéos sont projetées sur des écrans, reproduisant de manière très réaliste le lieu de consommation, comme les vidéos de coffee shop diffusées par Bangcuyo et al. (2015) sur des écrans haute-définition dans un espace où une subtile odeur de gâteaux à la cannelle était également diffusée lors de tests de cafés.
Mais il est également possible de réaliser ces tests de produits avec des casques de réalité virtuelle qui mixent environnements visuel et sonore et qui permettent, après disparition de l’effet « whaouh », de faire évaluer aux consommateurs des produits dans un monde ultra-réaliste où il est possible de se déplacer, de rencontrer des avatars, voire de manipuler des objets.
La réalité virtuelle saisit les expériences des consommateurs dans des situations réelles
Ces nouvelles générations de tests permettent au consommateur de s’engager pleinement dans l’évaluation des produits, ce qui leur donne un caractère plus robuste et prédictif. De la représentation sous forme de vidéo 360° jusqu’à la modélisation en 3D de l’environnement virtuel, ces techniques permettent de tester toutes sortes de produits alimentaires, mais aussi non alimentaires comme des parfums dans des lieux très réalistes : il est maintenant possible d’évaluer dans un décor de plage virtuelle le parfum d’une crème solaire en étant allongé sur une chaise longue !
Il est aisé d’imaginer les avantages d’une telle technologie : pour des études in-situ, complexes et coûteuses à mettre en place, elle représente une chance de pouvoir faire évaluer des produits dans des conditions très proches d’une situation naturelle… bien évidemment, une fois que l’on a fait abstraction du casque de réalité virtuelle ! Mais les développeurs travaillent aujourd’hui à une vitesse telle, que de nouvelles solutions techniques plus légères, sans fil, avec caméras intégrées apparaissent et permettent de faciliter l’expérience sensorielle. Par ailleurs, la commercialisation de tels casques auprès du grand public va progressivement familiariser les consommateurs avec ce matériel et permettre de dépasser l’effet de surprise, qui peut impacter les résultats des tests produits.
(*) Elle interviendra lors de la 6ème édition du Printemps des études jeudi 20 avril à 15h45 au Palais Brongniart.