Ravagée par un incendie, The Glasgow School of Art est en passe de renaître de ses cendres. Grâce à l’audace d’une agence de communication et la solidarité de 25 artistes à la réputation internationale. Une opération gagnante sur tous les fronts.
Après un Wood Pencil aux D&DA et un prix Effie, « Ash to Art » est en bonne position pour être encore distinguée, parmi 38 autres campagnes, par The IPA (Institute of Practioners in Advertsing) qui récompense aussi l’efficacité des opérations de communication au prisme de leur créativité. Mérité, car pensée par J.Walter Thompson London, cette campagne événementielle et culturelle, qui s’est déroulée sur plus de 2 ans, a démontré toute son utilité et son ingéniosité en permettant à The Glasgow School of Art de collecter près de 706 438 £ (soit 804 000 euros).
Non pas pour lancer un programme de formation ou enrichir ses étagères de nouveaux manuscrits mais tout simplement pour reconstruire sa bibliothèque contenant des documents précieux et historiques ainsi que les travaux d’étudiant comptant pour leur futur diplôme. En effet, le bâtiment de cette institution emblématique de Grande-Bretagne et réputée pour l’excellence de son enseignement des arts ainsi que pour son architecture du début de XXème siècle signée Charles Rennie Mackintosh, a été ravagé par un incendie en mai 2014.
Un morceau de charbon de bois comme source d’inspiration
Pas de fatalité pour l’agence de communication qui a séduit les dirigeants de l’école avec une idée originale et en totale adéquation avec son univers : demander à 25 artistes renommés -dont 7 Turner Prize et 2 Knigthoods (équivalent de nos Chevaliers des Arts et des Lettres)- partout dans le monde de créer une œuvre d’art à partir d’un des débris sortis des décombres de la bibliothèque de l’école. « Nous avons reçu beaucoup de propositions, mais celle-ci nous a immédiatement plu par son audace », explique Alan Horn, directeur de The Mackintosh Campus Appeal.
Une vente aux enchères pour collecter des fonds
Chacun des objets carbonisés -délivrés dans du papier de soie au creux d’une jolie boîte- était muni d’une étiquette portant la mention « Bookcase. Charles Rennie Mackintosh. C. 19109 », renforçant ainsi le côté émotionnel et symbolique de la démarche. Suscitant immédiatement un engouement pour le projet auprès des artistes qui ont pour certains étudié dans cette école, et un élan de solidarité général au Royaume Uni et à travers 28 pays.
« La bibliothèque de l’école est un talisman. Nous avons tous été très touchés par sa destruction. De plus, c’était une excellente idée d’utiliser des éléments du bâtiment transformés en charbon de bois. S’en servir comme fusain ou support pour nos œuvres était comme un rite de passage de l’école à l’école d’art qui renaissait de ses cendres tel un phénix », confirment les artistes, Tacita Bern, Hugo Boos et Kurt Schwitters. De son côté, Grayson Perry est tout aussi enthousiaste : « J’ai tout de suite aimé cette idée de faire face à la tragédie et à la difficulté qu’elle engendre. Et j’ai aussi beaucoup aimé cette idée d’utiliser du charbon issu du lieu du drame. C’était très intelligent et rafraîchissant, et cela m’a aussitôt inspiré. D’ailleurs, on nous a tous demandé de reproduire nos oeuvres sur des T-Shirts ou des mugs… ». Et de fait en réinterprétant ces reliquats brûlés, ils leur ont redonné corps tout en leur permettant de livrer leur message de (re)création et leur attachement à cette insititution.
Un édifice emblématique et survivant
Sculpture, dessin, mobilier, gravure, peinture, céramique, fusain, photo… ont ensuite été réunis le temps d’une exposition avant d’être vendus aux enchères chez Christie’s à Londres. Suscitant en 3 jours l’intérêt de 10000 personnes en plus de collecter une coquette somme.
« Ces artistes à la réputation internationale, ont produit des œuvres artistiques aussi inspirées que diverses dans les moyens utilisés. Nous invitant à réfléchir avec gravité et mesure sur ce que représente la destruction d’un tel édifice », souligne Leonie Grainger, directrice de la section Post-War and Contemporary Art chez Christie’s. Comme un devoir de mémoire pour mieux aborder l’avenir grâce à de futurs artistes qui vont pouvoir retourner à leurs crayons.