“En 2052, nous vivons dans un monde neutre en carbone et nous sommes en bonne voie pour stabiliser enfin le réchauffement du globe autour de 1,7°C,” imagine, optimiste, Céline Guivarch sur la scène de l’Accor Arena. Mais pour y parvenir, il a fallu des transformations “radicales” pendant les trente années qui ont précédé 2052. Des transformations qui se sont imposées comme des évidences face à la multiplication des canicules, sécheresses et inondations.
Les entreprises en première ligne
Ces transformations ont débuté par les entreprises, qui ont mené un travail drastique de réduction de leur bilan carbone, en remplaçant les déplacements en avion par des déplacements en train ou des visioconférences, en offrant des vélos de fonction plutôt que des voitures de fonction ou en repensant leurs bâtiments. Surtout, elles ont revu leurs chaînes logistiques pour les raccourcir et ont imposé des critères environnementaux à leurs fournisseurs.
“Certains entrepreneurs visionnaires ont complètement transformé le cœur même de leurs activités pour les rendre compatibles avec la neutralité carbone. En faisant cela, ils ont redonné du sens et de la motivation à leurs collaborateurs qui avaient envie de déserter,” explique la scientifique du climat. En parallèle, évidemment, “de nombreuses activités ont périclité, celles qui n’ont pas su anticiper les transformations et les régulations.”
Le mouvement a aussi été impulsé par les citoyens, dont la détermination a convaincu les élus de transformer radicalement leur ville. “Développer les transports en commun et les infrastructures cyclables, reprendre de l’espace qui avait été abandonné aux voitures, relocaliser les activités dans les centres villes, ramener de la végétation… Tout cela a généré des oppositions et a demandé du temps et des investissements, mais nos villes sont devenues plus vivables.”
Un rôle à jouer pour les médias et la publicité
Pour la chercheuse, les médias ont aussi un rôle à jouer dans cette “métamorphose” de la société, en contribuant à changer les imaginaires et la vision du monde. “Dans le courant des années 2020, il est devenu antisocial de posséder un SUV ou de partir en week-end en avion. Nous avons aussi construit un modèle moins matérialiste avec le développement de systèmes de location, de prêts, de réparations, de seconde main. On a éliminé le gaspillage alimentaire à tous les niveaux. On est revenu à une alimentation moins carnée.” Le tout, notamment, via une régulation de la publicité et des investissements importants de l’Etat pour faciliter les reconversions et la transformation de la société.
Avec la réduction de l’empreinte carbone, vient également tout un ensemble d’autres effets bénéfiques : un air plus respirable, une meilleure santé et du bien-être, entre autres. “Grâce à cela, les maladies cardiovasculaires et certains cancers ont régressé et on est en bien meilleure santé. L’agriculture s’est transformée vers l’agroécologie et l’agroforesterie. On a mis fin à la déforestation et on a restauré les écosystèmes dégradés. Bref, en 30 ans, nous avons tout transformé.” Mais ce, au prix de luttes collectives et de renoncements, comme elle le reconnaît. “Il a fallu renoncer à certaines pratiques, abandonner la surconsommation, le superflu, apprendre à faire autrement. Mais nous avons préservé l’essentiel et assuré un avenir vivable aux générations futures.“
Une vision et des solutions qui s’appuient sur le consensus scientifique
Une vision trop idéaliste pour être réaliste ? Elle est pourtant nécessaire. “Mon histoire n’est pas qu’une fiction. Elle s’appuie sur le consensus scientifique. […] Seule l’atteinte de zéro émission nette de CO2 arrêtera la dégradation de la situation. Il est urgent que nous agissions pour éviter les effets les plus graves du changement climatique”, alerte Céline Guivarch, en concluant que “les solutions sont connues et nous avons les moyens de les mettre en œuvre tout en assurant le bien-être de tous.”