Certains programmes – un documentaire, une émission, une fiction – nous marquent plus profondément, plus durablement que d’autres. Pour quelles raisons ?
Cela s’explique simplement par la capacité de ces moments de télévision à entrer en résonance avec notre histoire personnelle ou collective. C’est la magie d’une cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes et le suspense ressenti avec les candidats de Fort Boyard face aux énigmes du Père Fouras. Ce sont aussi les émotions partagées devant les exploits des Bleus en quête du Grand Chelem et les nombreuses discussions qui ont suivi le documentaire fascinant de Guy Lagache, Un Président, l’Europe et la guerre.
André Malraux différenciait « la télévision pour passer le temps » et « la télévision pour comprendre le temps ». Ces instants sont à la fois des témoins et des prescripteurs de leur époque. Ils marquent les générations comme des points de repère communs, de l’immuable dans l’éphémère.
Pour cela, ils savent retenir l’Attention au sein d’une offre de contenus quasi infinie, créer du souvenir, de la réflexion dans un flux continu et vertigineux d’images et susciter la conversation au milieu du bruit et de la frénésie. C’est bien cette Attention qui est, comme l’explique le spécialiste et champion de la mémoire Sébastien Martinez, la condition première et déterminante pour qu’un public accroche et mémorise un contenu.
Comment alors cultiver l’Attention ?
En 1971, le prix Nobel d’économie Herbert Simon démontrait déjà comment l’abondance d’informations entraîne une pénurie de l’Attention. Or, en cinquante ans, la multiplication des contenus a été exponentielle jusqu’à ce que ces derniers soient désormais partout et sans cesse. La question est donc plus légitime que jamais. Elle est celle du passage d’un état hypnotique et passif face aux sollicitations incessantes – on ne fait que regarder sans voir, entendre sans écouter – à un processus cognitif conscient de concentration, d’activation de la pensée et de recherche de sens.
Parce qu’ils ont le pouvoir de surprendre et d’emmener les publics en dehors des bulles informationnelles produites par les algorithmes, nos documentaires, nos émissions et nos fictions invitent à la prise de recul, à la réflexion, au décryptage. Ils sont la base de discussions, le préalable à des échanges contradictoires respectueux en établissant les cadres du débat commun. Ces formats longs captent un public alerte, intéressé, enclin à la recommandation. Ils provoquent un mouvement chez ceux qui les regardent en améliorant la connaissance, modifiant le regard, transformant le comportement.
Au sein de notre groupe France Télévisions, nous sommes attentifs à la diversité de nos programmes et nos rendez-vous, nos créations, originales et incontournables, créent régulièrement l’événement. Elles nous emmènent dans des récits qui réveillent nos imaginaires ou éveillent nos consciences. Elles suscitent toutes les émotions, nous ressemblent et nous rassemblent, nous réconfortent ou nous font rêver, nous alertent ou nous bousculent.
Ce n’est donc plus l’exposition à un programme, à une image qui est la valeur cardinale mais l’Attention car elle seule crée l’impact.
Qu’est-ce que cela signifie sur le plan de la communication des marques et des créations publicitaires ?
Naturellement, la qualité du programme dans lequel s’insère le message est essentielle. Elle détermine la nature du lien entre l’émetteur et le récepteur, l’intensité d’écoute et le niveau de confiance accordé. C’est dans cette optique que nous avons développé dès 2018 chez FranceTV Publicité, le Quality Rating Point, un indicateur mesurant la qualité du contexte programme pour les messages publicitaires. Basé sur le baromètre QualiTV d’Harris Interactive, il prend en compte les niveaux de satisfaction, d’attention et de recommandation des publics face à un contenu.
L’expérience du public est ensuite fortement contributrice de l’Attention et nous le constatons quotidiennement par la maîtrise du temps publicitaire sur les chaînes et au cœur des plateformes de France Télévisions. Nous sommes déjà très attentifs au ratio spots / programmes en recherchant une forme d’équilibre pour préserver l’acceptabilité de nos téléspectateurs et internautes, et évidemment dans une perspective de plus grande efficacité des messages de nos annonceurs.
En 2023, nous souhaitons aller plus loin dans la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans l’Attention. C’est pour cela que nous nous sommes engagés dans un programme de recherche qui se déploiera sur deux ans et dont l’objectif final est la création d’un standard français de l’Attention publicitaire multicanal.
Cette démarche passe d’abord par l’analyse et la consolidation des études internationales menées sur le sujet par des pays tels que l’Australie, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Nous sommes accompagnés dans ces travaux par l’EGTA, le syndicat européen des régies TV et radio. La deuxième phase de ce programme consistera à construire une définition nationale et reconnue de l’Attention, en déterminant les critères qui y contribuent le plus fortement. Elle est conduite avec les agences médias, dont l’expérience est précieuse en la matière, dans un processus de co-construction qui nous tient à cœur et avec l’expertise du CESP. Enfin, pour mieux appréhender tous les mécanismes sociologiques de l’Attention, nous travaillons étroitement avec ERANOS spécialisé dans la Transformation Sociétale. Notre objectif est de modéliser une mesure de l’Attention pour apporter de nouveaux critères aux annonceurs en recherche d’impact.
Les résultats de ce chantier inédit en France seront dévoilés lors de notre 1ère édition de l’« Attention Day », à laquelle nous vous proposons de participer le 29 juin prochain.
Crédit photo ; Virginie Bonnefon