Le dernier Super Bowl nous a, une nouvelle fois, prouvé à quel point l’humour avait disparu des publicités. Cette prudence des agences est contre-productive. Du courage, que diable...
Mettre deux acteurs, en l’occurrence Jon Hamm et Brie Larson, dans un frigo pour vanter une mayonnaise (vous avez la blague ? Jambon, fromage, mayo…). Transformer Sylvester Stallone en crotte de nez expulsée par son propre visage gravé dans la roche tel Abraham Lincoln sur le Mont Rushmorepour faire la promo d’une plateforme de streaming. Et tout ça en payant 7 millions de dollars la diffusion du spot du 30 secondes… Cette année, Lagaf et Bigard auraient pu devenir créatif pour les agences de publicités recrutées pour le Super Bowl. Alors oui je sais, l’humour est une question de goût. Une blague peut faire rire Paul sans forcément amuser Jean. Mais là, tout de même, le cru 2023 des pubs diffusées lors la finale du championnat de football américain ressemble plus à une piquette acide qu’à un vin de garde de légende.
Dans le passé, les marques savaient nous faire sourire voire même franchement rigoler durant la mi-temps du Super Bowl. Ce spot d’E*trade datant de 2000 vise juste.
Le plaquage dans la boue de Betty White pour Snickers est aussi resté dans les mémoires.
La partie de jambe en l’air d’une caissière de supermarché pour Doritos n’a pas, non plus, pris une ride.
Vraiment ? Aujourd’hui, montrer un singe habillé, « violenter » une mamie de 88 ans ou utiliser le sexe pour vendre est tout simplement inimaginable. Sans vouloir jouer au vieux schnock, qui répète sans cesse que tout était mieux avant, le constat semble évident : l’humour est de moins en moins présent dans les publicités.
Sexisme et racisme
Dans le passé, tout semblait permis pour le meilleur mais aussi parfois, il faut bien le reconnaître, pour le pire. Silva Thins vantait ses paquets de blondes en affirmant : « Les cigarettes sont comme les femmes. Les meilleures sont minces et riches. » Dans les années 80, la femme Rodier imaginée par BDDP, répliquait lorsqu’elle se faisait alpaguer par les éboueurs : « C’est quand ils ne siffleront plus que je ferai la gueule ». Si le sexisme a longtemps eu la vie dure dans la pub (en 2017, les affiches des salles de sport Vita Liberté pensaient amuser les passants avec ce message « vous êtes grosses, vous êtes moches… payez 19€90 et soyez seulement moches ! »), le racisme a aussi été fréquemment utilisé par les pubards. Du « y ‘a bon Banania » au crayon noir à l’accent « michel leebesque » des cahiers Super Conquérant, les limites du bon goût ont fréquemment été franchies.
Mais ne serait-on pas passé aujourd’hui à l’extrême inverse ?
« Il y a eu un tournant, depuis dix ans, une crispation, un refus d’utiliser l’humour dans les médias de masse comme la télévision, affirmait dans les Echos, Eric Hélias, directeur général chez Young & Rubicam.L’humour est devenu un risque que les annonceurs ne veulent plus prendre et il est abandonné au profit de l’information commerciale, plus sérieuse. » Cette prudence peut toutefois être contre-productive.
Les consommateurs veulent rire
75% des consommateurs affirment aujourd’hui encore apprécier les pubs rigolotes, selon une étude de Kantar. « La publicité est, et a toujours été, merveilleusement simple, affirme cette enquête. Soyez audacieux et n’hésitez pas à donner vie à votre marque unique en faisant sourire et rire les gens. Qu’il s’agisse de martiens extraterrestres ou de suricates russophones, la création la plus puissante a toujours été faite de ce qui n’a pas tout à fait de sens… et il en sera toujours ainsi. »« Amen to that », pourraient affirmer nos amis anglo-saxons. Que ces douces paroles pleines de bon sens inspirent les créatifs pour le prochain Super Bowl. L’espoir fait vivre.
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