Dans leur dernier bouquin, Jean-Claude Carrière et Umberto Eco l’affirment : «N’espérez pas vous débarrasser des livres». Mais au-delà du livre lui-même, il semblerait bien que le papier et le crayon fassent en effet un come-back en force. On peut désormais dessiner sur les murs de chez soi les meubles que l’on souhaite y faire apparaître, mixer sur une feuille A4 (avec une bonne dose d’électronique derrière) et éditer ses mails sous la forme d’un recueil papier à poser sur sa table de chevet.
TANGIBILISER L’IMMATERIEL
On l’avait déjà écrit dans ces colonnes il y a quelques temps: la tendance est à la re-matérialisation. Les excès de la virtualisation conduisent à un regain d’intérêt pour la vraie vie, d’où un métissage techno qui donne naissance à des hybrides bizarroïdes (voir le précédent article). Dernier cas en date: l’appareil photo-imprimante Instagram Socialmatic, concept dévéloppé par le studio de design napolitain ADR, qui imprime lui-même les clichés comme un bon vieux Polaroïd…sur du papier glacé.
Cette «tangibilisation» format papier va jusqu’à toucher le symbole suprême du monde immatériel: l’email. Tous nos messages électroniques peuvent désormais faire l’objet d’un recueil papier bien concret grâce à Memeoirs. Sur le même principe que l’appli SocialMemories qui transforme un profil Facebook et son historique en un beau livre aux 28 pages, Memeoirs permet de garder trace de toutes les petites conversations du quotidien. Il suffit d’ouvrir sa boite email, de noter l’adresse email du correspondant choisi, la période et on obtient un livre de ses plus beaux échanges…La couverture, le titre, etc. sont laissés au choix de «l’auteur».
DESSINER C’EST GAGNER
Et si chaque centimètre carré de surface d’un mur, d’une feuille ou d’une table pouvait devenir une table de mixage pour DJ à condition de bien vouloir la dessiner? C’est grosso modo la promesse développée par le projet de Bill Keyes, SketchSynth (comprendre synthétiseur à dessiner). Le brief est simple : à l’aide d’un marqueur, l’utilisateur dessine sur une feuille de papier (ou toute autre surface) une table de mixage avec trois types de boutons différents. En plaçant la surface utilisée sous une caméra spéciale, les boutons s’illuminent et deviennent opérationnels. Il n’y a plus qu’à brancher les platines et à hurler dans le micro ! Il faut le voir pour le croire :
Dans la même veine, on constate un engouement croissant pour la personnalisation des objets via le crayon. C’est ce que permet notamment la DrawLamp: dessiner la lampe désirée. Cette lampe d’un nouveau genre est constituée d’un abat-jour de céramique sur lequel il est possible de dessiner, écrire et effacer. On peut donc créer une lampe différente chaque jour. En bref, avoir une œuvre d’art dynamique et interactive à la maison.
Rien n’interdit de penser que demain, les DJ mixeront avec des feuilles A4 et que chacun d’entre nous dessinera sur les murs de son salon les meubles qu’il veut avant que ceux-ci ne se matérialisent sous ses yeux. Au-delà du papier qui sera le support-référence, chaque surface deviendra alors une interface. Un stylo et un bout de papier, voilà les outils de demain.
Alexis Botaya
Soon Soon Soon