Les ronds-points se sont vidés mais Episto n’a pas oublié cette période. « Les gilets jaunes nous ont bien aidé, reconnaît Jérémy Lefebvre. C’est grâce à eux que nous avons réalisé que notre intuition pourrait devenir un réel business. » Cet ingénieur et deux de ses copains trentenaires, Alexis Watine et Florent Sciberras, ont lancé en janvier 2019 un chatbox afin de permettre aux internautes de participer au Grand Débat National
initié par le gouvernement. « Nous regardions la télévision lorsque nous avons vu un maire se rendre sur un rond-point et écrire sur un cahier les suggestions faites par les personnes qu’il avait en face de lui, nous expliquait alors Alexis Watine . Avec notre background de tecky, nous avons alors eu l’idée de créer un outil bien foutu qui permettrait de recueillir les idées des citoyens sur une plus grande échelle. » En quelques semaines, 16.000 citoyens ont accepté de répondre sur leur smartphone au questionnaire imaginé par les trois jeunes entrepreneurs. « Nous avons fait un véritable carton, se souvient Jérémy Lefebvre. Nous avons reçu pas moins de 360.000 réponses en très peu de temps. Nous nous sommes alors demandés si les internautes accepteraient de répondre également à des questions plus marketing. Consentiraient-ils à nous dire ce qu’ils pensent de tel ou tel packaging ou de telle ou telle marque ? Nous avons créé une société que nous avons baptisé Episto et nous avons lancé nos premiers tests en avril 2019. Très rapidement, nous avons réalisé que les gens étaient prêts à donner leur avis car cela leur donnait l’impression d’être écoutés. »
Un modèle inspiré par Whatspp
Le modèle lancé par la jeune pousse est aussi simple qu’efficace. L’achat d’encarts sur les réseaux sociaux lui permet « d’appâter » les curieux. Des bandeaux demandent aux internautes s’ils souhaitent s’exprimer sur un sujet ou sur un autre et en un seul clic, le « sondé » se retrouve connecté sur le questionnaire imaginé par Episto. L’interface imaginée par la start-up est facile à utiliser. Son format est semblable à celui des messageries instantanées comme Whatsapp et Messenger. « Il ne faut en moyenne pas plus de dix minutes pour répondre à un questionnaire, précise Jérémy Lefebvre. Nous ne rétribuons pas les personnes qui participent à nos enquêtes. Ils nous donnent de leur temps libre car ils apprécient de s’exprimer sur des sujets qui les intéressent. Et puis, nous allons les chercher sur les réseaux sociaux à des moments durant lesquels ils sont, pour la plupart d’entre eux, oisifs. »
Les clients se bousculent
Les clients d’Episto sont des instituts de sondages comme Kantar, Ipsos, OpinionWay, des agences dont Dentsu, des cabinets de conseil tels Roland Berger ou EY mais aussi des marques comme Decathlon, Bonduelle et PepsiCo. Deux ans et demi après sa création, l’entreprise a interrogé des coiffeurs au Brésil, des consommateurs de lait en Ouzbékistan, des lycéens, des sages-femmes, des électeurs du 15ème arrondissement, et même un médaillé olympique lors d’une étude sur l’athlétisme. « Nos tarifs varient de 3000 à plusieurs dizaines de milliers d’euros en fonction de la cible et du nombre de répondants souhaité », révèle Jérémy Lefebvre.
Une nouvelle ère commence
Pour développer sa technologie et financer sa croissance, la jeune pousse, qui emploie douze personnes et qui devrait doubler de taille dans les douze prochains mois, vient de lever 1,6 million d’euros auprès des fonds Takara et B.A. « Dans les sondages d’opinion, les années 70 ont été celles des face-à-face, les années 80 celles du téléphone, les années 2000 celles des panels et nous entrons aujourd’hui dans l’ère des réseaux sociaux », juge Jérémy Lefebvre. Merci, les gilets jaunes…