Et si au lieu de déshabiller Pierre, on pensait plutôt à dévêtir Paul ? Quand il s’agit de faire des économies ô combien nécessaires pour tenter de limiter notre déficit budgétaire, l’Etat français n’hésite pas une seconde et taille à la serpe dans les dépenses en faveur de la protection de l’environnement. Mère Nature est devenue une variable d’ajustement. Et si au lieu de se moquer du réchauffement climatique, nos gouvernants cherchaient à réduire leurs cadeaux fiscaux « anti-écolos ». Pas bête, non ?
Sorry Greta…
Les spécialistes les appellent les « dépenses brunes ». Dans son projet de loi de finances 2024, Bercy reconnaît engloutir 13,1 milliards d’euros pour soutenir des programmes ou des pratiques qui sont néfastes pour la planète. Cette liste pourrait donner des cauchemars à Greta Thunberg. 2,2 milliards d’euros de bouclier tarifaire destinés à pallier l’augmentation des prix de l’électricité, 7,9 milliards d’euros de niches fiscales (en hausse de 350 millions depuis 2023) dont 4,6 milliards pour les transports et 900 millions pour le bâtiment. Le tarif réduit sur le gazole non routier (hors agriculture) et sur l’énergie pour les entreprises soumises au quota carbone coûte, à lui seul, 1,8 milliard aux caisses publiques. Ces chiffres seraient, de surcroît, inférieurs à la réalité, selon certains experts. Le greenwashing n’est jamais loin.
15,4 milliards de dépenses publiques polluantes
Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), ces dépenses brunes représenteraient 15,4 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat. Cette association d’intérêt général fondée par la Caisse des Dépôts et l’Agence Française de Développement ajoute à son bilan la fiscalité allégée pour le gazole et la TVA réduite sur les billets d’avion (10% pour les vols domestiques et 0% à l’international), soit une note complémentaire de 2,3 milliards d’euros. Le gouvernement tente, par moments, de réduire certains de ces cadeaux fiscaux avant, souvent, de faire marche arrière comme ce fut le cas au début de cette année lorsque le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé qu’il supprimait la hausse de la taxe sur le gazole non routier agricole.
Des coupes en veux-tu, en voilà…
Pour faire des économies et garder un déficit public proche de 4,4% du produit intérieur brut (PIB), l’Elysée et Matignon préfèrent donc réduire leurs dépenses en faveur de l’environnement. Les animaux et les arbres ne peuvent pas bloquer les autoroutes ni manifester sur les carrefours… Le 22 février, le gouvernement a publié dans le Journal Officiel un décret annulant 10 milliards d’euros de dépenses. Parmi ces coupes, le programme « écologie, développement et mobilité durables » a vu son enveloppe réduite de 1 milliard d’euros tandis que le « fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires » a perdu plus de 400 millions. Ces réductions ne sont pas dues au hasard car figurez-vous que la pollution remplit les caisses de l’Etat. Et oui…
La pollution rapporte gros à l’Etat
Les taxes sur les énergies fossiles rapportent une quarantaine de milliards d’euros par an, et les trois quarts de cette épaisse enveloppe vont alimenter le budget public. Ces recettes sont conséquentes quand on les compare à l’impôt sur les sociétés (62 milliards d’euros), à la taxe sur le revenu (89 milliards d’euros) ou à la TVA (100 milliards). « On a un modèle économique dépendant des énergies fossiles, et donc un système de financement de l’Etat qui est lui aussi dépendant de ces dernières », déplorait dans Le Monde Damien Demailly, le directeur général adjoint de l’I4CE. On comprend mieux pourquoi les dépenses brunes sont si vitales pour Bercy. Et tant pis pour la planète sur laquelle nous vivons… encore.