18 avril 2025

Temps de lecture : 3 min

Entre virage digital et injonctions vertes : la beauté sous tension

Le marché de la beauté connaît une croissance inédite en 2024, porté par des investissements publicitaires en hausse et de nouveaux canaux digitaux. Mais derrière ce dynamisme se dessinent des tensions culturelles, économiques et environnementales qui rebattent les cartes du secteur. Ce que révèle une étude de Kantar Media.

Alors que l’économie mondiale continue de se transformer, le marché de la beauté s’impose comme un baromètre révélateur de nos aspirations, contradictions et nouveaux comportements. En 2024, cette industrie multifacette affiche un dynamisme remarquable, tout en révélant de profondes disparités entre les segments, les circuits de distribution et les attentes des consommateurs. L’étude publiée en avril par Kantar Media vient éclairer ces mutations en se concentrant sur le marché publicitaire de l’hygiène-beauté en France, cinquième secteur en volume d’investissements médias.

Une croissance retrouvée… mais inégalement répartie

D’après Kantar, les investissements publicitaires bruts du secteur hygiène-beauté ont bondi de 7 % en 2024, atteignant 2,7 milliards d’euros sur les cinq grands médias. Une progression largement supérieure à la moyenne nationale (+0,7 %), qui traduit un regain d’activité après une année 2023 plutôt atone. Cette croissance, cependant, ne concerne pas tous les segments : les soins du visage et du corps (portés par Lascad et Beiersdorf notamment) affichent +9 %, et l’hygiène grimpe même de +14 %, grâce aux déodorants masculins et dentifrices. Le maquillage, en revanche, accuse un recul de -5 %, plombé par la chute des ventes de rouges à lèvres (-41 %) et fonds de teint (-15 %).

Circuits de distribution : la revanche du mainstream

Longtemps en perte de vitesse, la grande distribution reprend des couleurs avec une croissance à deux chiffres (+13 %), tandis que le circuit sélectif recule. Les pharmacies, elles, poursuivent leur ascension (+16 %), confirmant leur place de canal stratégique, notamment pour les marques positionnées sur le bien-être et le naturel. Autre fait marquant : la montée en puissance de petits annonceurs sur les plateformes sociales et en digital. Ces nouveaux entrants, souvent invisibles dans les médias classiques, misent sur le display et l’influence pour capter des parts de marché à moindres coûts.

Social media : nouvelle arène stratégique

Sur les réseaux sociaux, les marques de beauté redoublent d’efforts. Selon Kantar, il y a désormais plus d’annonceurs actifs sur les quatre principales plateformes sociales que sur les cinq grands médias réunis. TikTok, Instagram et YouTube se sont imposés comme de véritables laboratoires de test, d’engagement communautaire et de prescription. Pour les grands groupes comme pour les jeunes pousses, ces canaux offrent un accès direct à des audiences ciblées, parfois plus sensibles à la transparence ou à la narration de marque qu’aux campagnes TV classiques.

Dopé par l’innovation… mais confronté à des paradoxes

À l’échelle mondiale, le marché de la beauté a atteint 587 milliards de dollars en 2024, en hausse de 10 % par rapport à l’année précédente (MBADMB). Cette croissance est soutenue par l’innovation technologique (réalité augmentée, diagnostic IA, personnalisation), mais aussi par une demande croissante de produits clean, naturels et écoresponsables. 64 % des Français privilégient aujourd’hui les ingrédients naturels (Independant.io), et 67 % recherchent des produits durables.

Mais cette quête de “beauté consciente” reste parfois en contradiction avec les pratiques industrielles du secteur. La multiplication des gammes, le greenwashing, l’opacité des chaînes d’approvisionnement ou encore la surconsommation alimentée par les influenceurs interrogent la capacité réelle du secteur à se réinventer en profondeur.

Quand la cosmétique interroge nos représentations

Derrière ses paillettes et ses promesses, la beauté n’est pas un simple secteur de consommation : c’est un miroir social, culturel, politique. Ce que nous mettons sur notre peau raconte aussi ce que nous voulons être – ou paraître. Dans un monde tiraillé entre performance et conscience, technologie et sobriété, inclusion et standardisation, le marché de la beauté doit choisir ses batailles.

Et si l’enjeu, demain, n’était plus seulement d’embellir les corps, mais de réconcilier les identités ? Cette ambition, NYX l’a brillamment incarnée avec sa campagne « True ID Card », imaginée par Buzzman. À travers cette opération, la marque proposait aux personnes trans et non-binaires de générer une carte d’identité numérique reflétant leur véritable genre, leur véritable image — une manière forte et symbolique de réparer le décalage entre identité administrative et identité vécue.
Nous avons d’ailleurs consacré un article complet à cette initiative (à lire ici), tant elle illustre ce virage culturel pris par l’industrie cosmétique.

Le message est limpide : au-delà de la crème ou du rouge à lèvres, la beauté devient un langage. Un langage intime et universel, politique et sensible, qui dit nos évolutions, nos tensions, et notre besoin de nous raconter autrement.

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