Comment identifier et combattre un besoin irrépressible de plaisir. Et tout d’abord, comment, reconnaîre que cette envie quotidienne est devenue une drogue qui finit par ronger le quotidien d’une personne. La City, University of London revient dans une étude sur un thème trop peu abordé dans l’industrie de la communication, et surtout, au-delà du constat, elle y apporte une solution…
La recherche du plaisir est clairement un des buts ultimes de la vie. Cet état de quiétude théorisé par Freud est aussi un objectif éreintant car il faut voir, toucher, prendre, aimer, être aimé, avoir, manger jusqu’à la nausée en permanence. Et cette frénésie de bonheur n’est pas, avec l’entertainment mixé à la publicité, prête à se réfréner. Le consommateur est submergé au quotidien de style de vie inventé et fantasmé par l’industrie de la communication. Or, à force d’être irradié de message grisant, distrayant voire bandant, il en devient drogué. Une addiction qui le ramène, aussi, à sa condition de citoyen besogneux…
Pourtant, il existe un palliatif à cette recherche obsessionnelle du plaisir qui s’agit, selon une étude réalisée par la City, University of London, des arts ! Et oui une bonne cure d’activités artistiques éviterait aux pupilles de se dilater et aux yeux de briller sans raison. La peinture, la musique ou la danse pourraient aider à répondre au problème de la recherche obsessionnelle du plaisir auquel se confronte notre société et nous inciter à faire des choix meilleurs et plus sains, selon le Dr. Julia F. Christensen enseignante et chercheuse au sein de l’Unité de recherche en neurosciences cognitives du Département de psychologie de la City . Dans un article récemment publié par Proceedings of the Royal Society B, elle estime que la vision des arts est souvent considérée comme sans aucune utilité. Alors qu’ils peuvent stimuler de vastes réseaux de neurones, ce qui pourrait contrecarrer les effets néfastes d’activités qui nous offrent uniquement un « coup de plaisir »… La City décrypte très bien la condition dans laquelle l’industrie du divertissement et de la publicité plonge sa cible et fait tout pour la retenir. Décryptage…
Prend ta dose de plaisir
De plus en plus de recherches montrent que, pratiquées en excès, les activités qui procurent un plaisir immédiat pourraient avoir des effets négatifs sur notre santé. Elles provoquent un changement dans les mécanismes neuronaux qui influencent ensuite les choix que nous faisons dans notre vie. Des preuves scientifiques montrent que les toxicomanies et les dépendances comportementales s’appuient sur les mêmes réseaux de neurones, de sorte que les activités visant uniquement le plaisir nous rendent accros à cette émotion de courte durée.
De cette façon, beaucoup de plaisirs faciles d’aujourd’hui ont le potentiel de créer des addictions comportementales. Citons seulement l’utilisation d’une application d’un réseau social sur le smartphone (nous sommes collés à l’icône de notifications pour voir si nous avons reçu un nouveau « like »), le jeu (« Je gagnerai au prochain jeu à coup sûr »), les sports, la pornographie, les aliments hyper-savoureux, les jeux vidéo et l’Internet.
Cela peut conduire à un comportement de choix biaisé, car il sera orienté pour atteindre les objectifs de maximisation du plaisir à court terme. Chercher le plaisir « ici et maintenant », est la caractéristique d’un cerveau accro. Notre prise de décision s’écarte ainsi des objectifs maximisant la prospérité à long terme et le bien-être général, qui sont contrôlés dans le cerveau par un ensemble de systèmes différents.
Dans le cerveau sain, deux systèmes de base interagissent en relation avec la récompense et la prise de décision. Le « système A » vise à maximiser la récompense immédiate, tandis que le « système I » vise à maximiser les récompenses et la prospérité futures. Le » système A » veut immédiatement le plaisir, tandis que le » système I » relie tous les stimuli à l’expérience et à la valeur accordée, afin de favoriser des choix optimaux « tout compte fait ». Cela peut inclure une régulation négative du » système A « , pour différer la gratification immédiate et permettre ainsi une récompense à long terme.
Selon Julia F. Christensen : « La société d’aujourd’hui est à la recherche du plaisir. Nous nous attendons à obtenir des expériences agréables rapidement et facilement. Nous sommes habitués à des aliments et à des boissons hyper savoureuses et nous pouvons avoir accès à la pornographie, à des jeux et à des gadgets chaque fois que nous le souhaitons. Le problème est que, avec ce type de comportement de choix qui maximise le plaisir, nous pouvons devenir des accros insensés, renoncer à notre libre arbitre pour le prochain « shoot » de dopamine. Nous donnons ainsi la priorité à des activités privées de toute signification, comme la malbouffe, qui n’a pas de valeur nutritionnelle. Mais des données récentes suggèrent que les arts peuvent aider à contrecarrer cela ».
Les arts procurent un bonheur intense qui dure
Il semblerait que les arts peuvent aider à réduire les effets néfastes des désirs et des envies dysfonctionnelles que nous éprouvons lorsque nous nous engageons trop longtemps dans des activités vides de sens, dont le seul but est l’obtention du plaisir. Les arts recentrent notre esprit en le mettant dans un état cohérent qui active à la fois les systèmes A et I.
Les arts pourraient renforcer les liens entre les systèmes A et I, ce qui peut aider à entretenir des systèmes corporels sains en maximisant nos choix, et assurer ainsi une prospérité à long terme. Les preuves scientifiques suggèrent également que l’engagement dans des activités artistiques pourrait diminuer la probabilité de développer en premier lieu des addictions comportementales. Il est important de souligner que la pratique des activités artistiques peut manifestement influencer les systèmes A et I aussi bien chez les profanes que chez les experts.
En conséquence, il faut expérimenter des activités telles que la peinture ou la danse à la fois agréables et enrichissantes (par le biais du système A), mais aussi porteuses de sens car elles mettent en jeu nos souvenirs personnels, notre expérience de vie et notre estime de soi (I-system). L’expérience artistique n’est donc pas seulement amusante, mais plutôt bonne pour notre vie en général.
Dr Christensen affirme enfin : « Bien qu’il y ait plus de recherches à faire, ce que nous avons vu, c’est qu’il y a un travail prometteur montrant les avantages des activités artistiques lorsqu’il s’agit de combattre les comportements de recherche du plaisir omniprésents actuellement dans la société, dont beaucoup peuvent avoir des impacts négatifs sur nos vies. La meilleure recommandation est de planifier des périodes sans les activités susceptibles de provoquer des dépendances comportementales. Notre cerveau ne nous aidera pas à résister à la tentation du moment, il est préférable de planifier à l’avance. De plus, en nous impliquant davantage dans les activités artistiques, nous pouvons éventuellement contrecarrer certains des effets négatifs et engager nos cerveaux à vivre des vies réellement épanouissantes et pleines de sens ».