Vous avez 5 min pour lire ce texte et vous voyez déjà votre smartphone qui vibre ! C’est votre prochain rdv qui commence dans dix minutes… Deux mails arrivent, une promotion personnalisée pour des nouvelles chaussures pendant 24h, un nouveau follower sur Twitter… et si votre confort technologique se retournait contre vous ? Les alliés de la veille peuvent devenir les ennemis de demain. Les marques et les individus se sont emparés de nouvelles opportunités de communication à une telle vitesse qu’ils en ont oublié l’essentiel ! Car pour être désirée, assimilée et engageante, la marque doit être divertissante. C’est le résultat d’une enquête d’Edelman/Matter où l’on apprend que 30% des consommateurs attendent des marques qu’elles les divertissent. Ainsi, nous vous proposons un néologisme qui incarne la volonté des marques de réenchanter par le divertissement, le quotidien des ultras connectés que nous sommes.
L’User Entertainment (UE) : Derrière ce terme se cache la formule gagnante pour s’intégrer dans l’expérience individuelle sans perturber. Cette posture de marque est un savant dosage d’analyse de l’expérience de consommation, couplée à des insights toujours plus proches de la réalité individuelle. L’UE est protéiforme, d’où notre parti pris de classer nos exemples en 5 catégories.
1) EXTENSION DU DOMAINE DE MARQUE
Heinz Lunch generator
La célèbre marque ketchup a créé une plateforme qui permet de concevoir des menus selon son humeur et son appétit. Cette opération semblable à du brand content, est un moyen pour la marque de parler d’autres choses que de ses produits. Encore mieux, cette plateforme digitale, de par sa conception, lui permet de renforcer sa présence sur le web, tout en étant utile. Ici, la marque évite le piège du brand content qui consiste à fournir des contenus qui ne sont pas utiles à sa cible. Heinz rend service, et ce, de manière agréable, grâce à de simples algorithmes.
2) QUAND LE DIVERTISSEMENT DEVIENT UNE MARQUE
Candy Crush vous envoie chez le dentiste
Après nous avoir usé les yeux sur nos écrans, Candy Crush s’attaque à nos dents avec la création d’une gamme de bonbons réels. Le jeu surfe sur son succès planétaire, et devient une licence qui s’autorise tous les écarts, jusqu’à la création d’une marque de chaussettes vendue sur Happy Socks.
Manger comme le roi
Le château de Versailles a construit une marque forte lui permettant de préempter de nouveaux territoires relatifs à la tradition française. La gastronomie apparaît comme la suite logique d’une marque déjà bien diversifiée. Avec une ligne de produits d’épicerie fine, le palais de Louis XIV espère conquérir les papilles des ses 4 millions de visiteurs annuels.
3) C’EST MIEUX QUAND C’EST FUN
Les pionniers de l’UE
Les marques incitent de plus en plus leurs consommateurs à jouer. À jouer le jeu, ou à jouer à un jeu, chacun jugera, mais toujours est-il que la « gamification » de l’expérience est un formidable levier pour engager et améliorer son image. Ma « Contrexperience » est une des campagnes les plus réussies. Deux ans après son lancement, l’opération est encore diffusée sur nos écrans. Avec son slogan : « Ce serait plus facile, si c’était plus fun », la marque reste cohérente dans ses intentions de divertissement. Old Spice, Axe, Red Bull sont des marques qui revendiquent leur différence, avec des contenus qui se regardent comme des programmes TV. Elles produisent un contenu divertissant, en s’imprégnant des méthodes de l’industrie audiovisuelle et cinématographique.
Si le divertissement semble fonctionner pour les produits de grande consommation, comment des secteurs plus institutionnels s’emparent-ils de l’UE ?
Ne restez pas de marbre
L’Armée du salut a récemment communiqué sur un sujet sensible : l’exclusion. L’institution a choisi d’habiller des figures historiques d’un gilet jaune. Le message était simple : « Si les combats de la 1ère guerre mondiale ont cessé il y a 95 ans, de nombreux combats demandent l’aide de tous ! ». Il y avait de quoi surprendre dans les jardins parisiens.
Ma vie en bande dessinée
Sur les réseaux sociaux pour être populaire il faut être créatif et drôle. L’application Bitstrips l’a bien compris et sa mise en forme cartoonesque à la Family Guy fait fureur sur Facebook. Chaque message devient une petite histoire. Du design de son avatar à la mise en scène de la situation, l’internaute peut être créatif en quelques clics tout en divertissant son public.
4) BRANDED ENTERTAINMENT
#entertain_me
Le concept de Branded Entertainment sera l’un des sujets majeurs du prochain Paris 2.0. Des professionnels vont échanger sur les marques qui ont compris que le divertissement de marque par l’User Entertainment, pouvait intéresser les consommateurs à leurs produits, capter leur attention, et peut-être gagner leur affection. Il s’agit de mieux les connaître pour mieux les satisfaire. Produire des contenus divertissants apparait comme la solution la plus appropriée aux usages des internautes qui passent 9 minutes par heure à se divertir en ligne (Experian). De plus, Google annonce que 77% des Américains consultent un autre écran pendant qu’ils regardent la TV. Si les consommateurs sont de plus en plus connectés, ils sont de moins en moins disponibles pour les marques.
Le Branded entertainment voit plus loin que le Brand Content
Coca Cola Zero a noué un partenariat avec PlayStation. Pour permettre à ses fans de télécharger, via son site corporate, des jeux Sony. Les clients de la marque communiquaient leur performance de joueur en ligne et augmentaient la visibilité de l’opération. Le lien avec la Paris Game Week fut l’aboutissement d’un UE pensé de bout en bout. Plus récemment, c’est la série Fantastic Man de Dior Homme qui a fait parler d’elle ( voir vidéo ci dessous ). Chaque court-métrage montre un danseur qui exécute, dans un décor urbain, une chorégraphie en solo. Les noms de ces danses évoquent le parcours d’un homme progressant dans sa vie : « Work Hard, Change History », « All of us will learn »… Si le divertissement semble antinomique du luxe, cet exemple montre qu’avec un parti pris esthétique, on peut produire des contenus qui engagent les clients sans qu’ils s’interrogent sur les intentions de la marque.
5) L’ESPOIR D’UN MONDE MEILLEUR
Les marques n’ont d’yeux que pour les célibataires
En Chine le 11/11 n’est pas l’armistice mais l’anti St Valentin. C’est le jour le plus important pour tous les acteurs de la vente en ligne. Chaque année, promotions, contenus exclusifs, opérations spéciales sont organisés pour les 180 millions de Chinois célibataires. Ce qui pouvait apparaître comme un déshonneur dans la culture traditionnelle chinoise est devenu un levier commercial pour les marques qui dépassent les ventes de Thanksgiving aux États Unis. Elles ont su rendre fun une journée plutôt déprimante.
Wall Street vole
Après la crise financière, la bourse a eu du mal à redorer son image de marque. C’est pourquoi l’introduction de Twitter au New York Stock Change a pu en interpeller plus d’un. D’abord l’engouement qu’a suscité son entrée en bourse. Jocelyn Jarnier, le managing director de Full Six Advertising et Lux by Fullsix s’interrogeait récemment sur la véritable valeur de l’oiseau bleu. Et si c’ était sa capacité à faire rêver ? Que ce soit par sa promesse (Quoi de neuf !) et son leitmotiv : « Keep it stupid», la marque réenchante le rêve capitalistique dans le Hollywood de la finance.
Buzz et contre buzz
Des pures players s’appuient sur la perception qu’ont des individus qui croulent sous les informations. L’important.fr conçoit son offre de manière résolument désign : améliorer la lecture de l’info en donnant l’essentiel. Plutôt que de véhiculer des buzz sans intérêts, le portail sélectionne son contenu parmi les tweets des twittos et le fil Twitter des journaux du monde entier. La marque média donne l’impression de faire le bon choix et d’améliorer notre quotidien. L’important.fr pense UE dans le sens où il procure de l’utile dans un contexte de désenchantement journalistique.
CONCLUSION :
L’User Entertainment semble la solution la plus adaptée aux usages contemporains. Connectés, multi tâches et exigeants, les consommateurs actuels attendent des marques qu’elles fassent plus que des produits ou des services. Que ce soit par la production de contenus, la conception d’une expérience ludique, du co-branding avec des professionnels de l’entertainment, l’UE doit pousser l’expérience de marque au delà de la consommation.
Cette nouvelle frontière de l’expérience s’inscrit dans une double logique : simplifier et réenchanter le quotidien. L’impression que le monde nous échappe, et que nous ne profitons pas de tout de ce que nous offre la vie est universelle. Ainsi l’UE apparaît comme le ciment qui liera les marques à leurs clients au delà de l’acte d’achat.
Grégori Vincens, Président 4uatre
Visuel : » The greatest show on earth » par Kenneth Feld (1989)