INfluencia : pourquoi était il important de compléter le premier volet de votre campagne dévoilée début juin, qui faisait la part belle à la vidéo, par un deuxième déploiement en affichage ? Était il nécessaire d’exister sur tous les canaux pour asseoir la nouvelle plateforme de marque d’Uber Eats ?
Sofiane Ouaddah : on pourrait te répondre littéralement en te disant que « c’était dans le brief » (rire). Dans le sens ou l’on nous aurait juste demandé de décliner par l’affichage ce que l’on avait déjà produit en vidéo. Mais la vérité, c’est qu’en fonction de l’un ou de l’autre tu exprimes des choses totalement différentes. Avec la vidéo nous cherchions surtout à incarner la mauvaise fois des Français qui n’assumeraient pas d’avoir recours à la livraison. Avec l’affichage nous allons plus loin pour en expliquer les raisons. Les deux se complètent. D’autant plus qu’avec l’arrivée du beau temps, les gens sont beaucoup plus dans la rue donc la communication extérieure nous paraissait pertinente pour toucher plus de monde.
Julien Doucet : exactement. Les deux supports ne remplissent pas la même fonction. En plus de démontrer cette mauvaise foi apparente dont te parlait Sofiane, il nous fallait expliquer pourquoi les Français finissent malgré tout par commander afin de montrer que nous sommes tous pareils. De plus, en incorporant sur les affiches notre signature à l’accroche, cela nous permettait de la mettre en avant.
Lilian Moine : je ne sais pas si tu as vu mais en plus des spots de 25 secondes que nous avions lancé, nous avons également décliné la campagne en billboard et en jumper ad — des capsules de six secondes maximum —. Ce que je veux dire par là c’est que toutes nos prises de paroles sont adaptées aux supports sur lesquels on les décline, tout comme pour l’affichage. En DOOH par exemple, on a conçu des accroches plus bavardes qui conviennent mieux au support.
IN : quels enseignements, vous ainsi qu’Uber Eats, avez tiré de la campagne de l’an dernier, centrée sur la nourriture, qui vous a conduit à cette nouvelle opération, beaucoup plus axée sur les consommateurs ?
J.D. : en fait, il s’agit surtout de directives internationales suite au lancement des livraisons de groceries. Notre dernière signature « parlons bouffe » marchait moins bien à partir du moment ou l’on peut se faire livrer des couches ou des piles. Mais nous avons toujours voulu garder une certaine spécificité « à la française ». L’an dernier par exemple, nous avons eu beaucoup de mal à vendre le mot bouffe, qui est super franchouillard, aux américains. Cette année on évoque cette mauvaise foi typiquement française, là ou les américains assument totalement, et depuis longtemps, d’avoir recours à la livraison.
L.M. : en France, nous avons une vraie culture de la bouffe, du faire soi même. On peut vite être pointé du doigt en ayant recours à des services comme Uber Eats. Il fallait donc montrer que cette marque, américaine qui plus est, pouvait être à l’écoute des Français.
S.O. : même quand la marque ne faisait que de la bouffe, elle n’était pas vraiment adorée à l’intérieur de nos frontières. Les Français, et c’est très clair, n’aimaient pas Uber Eats. Maintenant qu’ils se sont étendus à d’autres territoires, le message que nous voulions faire passer est : « ok vous étiez réticents, mais regardez tout ce que vous pouvez vous faire livrer. Vous n’avez quasiment plus aucune raison de sortir vous-même faire vos courses ».
IN : avec l’essors de la livraison lié aux multiples confinements, est-il vraiment nécessaire, deux ans après, de déculpabiliser les clients d’y avoir recours ?
S.O. : oui car cette hypocrisie du « faites ce que je dis pas ce que je fais » est toujours palpable. Pour répondre plus précisément à ta question, oui, il faut encore déculpabiliser les gens car ils commandent toujours en cachette.
L.M. : mais on ne voulait pas trop forcer non plus. Cela n’aurait pas été intelligent de notre part de prôner la surconsommation Uber Eats. Nous voulions juste expliquer aux Français : « il n’y aucun mal à commander de temps en temps. Si vous avez eu une journée de merde, par exemple, vous avez le droit de vous faire ce petit plaisir ».
J.D. : et d’ailleurs avec cette conjoncture du covid, tout le monde a au moins commandé une fois chez Uber Eats. Nous on arrive pour leur dire : « on sait très bien que vous l’avez déjà fait, donc assumez, il n’y a aucun mal à ça.
IN : depuis quand travaillez-vous avec Uber Eats ?
J.D. : cela fait maintenant deux ans qu’ils sont arrivés chez nous.
IN : pouvez vous nous parler du chemin parcouru par Uber Eats depuis les débuts de votre collaboration sur le sol français ?
S.O. : un évènement a vraiment aidé la marque est c’est bien sûr le contexte sanitaire. Julien le disait tout à l’heure. On a eu beaucoup de chance de sortir notre campagne « parlons bouffe » à ce moment là. Elle a permis de changer la perception des Français à l’égard de la marque, en montrant que cette dernière pouvait notamment sauver nos restaurants. Les clients se sont rendus compte qu’au delà des grosses chaines, Uber Eats proposait également du Alain Ducasse ou du Michel Sarran. La perception de la marque a changé. En termes d’utilité ou d’agrément global, quelque chose s’est passé. Et derrière on a continué à tirer le fil, avec notamment cette nouvelle campagne.
IN : en quoi la France est un marché plus compliqué à conquérir que ceux de nos voisins européens ?
S.O. : tout simplement car la France est véritablement le pays de la gastronomie. Nos parents ont par exemple été bercés par l’idée qu’aller manger dans un restaurant était la crème de la crème. Les mentalités sont donc, par nature, beaucoup plus encrées et difficiles à faire bouger.
IN : cette nouvelle signature « Uber Eats, ça arrive » ne risque-t-elle pas de banaliser la marque ?
J.D. : oui mais c’est un peu un parti pris. Le constat est simple : les personnes qui commandaient Uber eats n’auraient jamais eu aucun problème à commander des groceries. Nous avons donc préféré nous adresser aux, disons, 80% qui commandaient très peu, voire pas du tout, plutôt qu’aux 20% les plus fidèles, en leur expliquant : ok, vous ne commandez pas beaucoup mais ce n’est pas grave. Sachez juste qu’à partir de maintenant, vous pourrez y trouver autre chose ». Ce qui nous paraissait être la meilleure approche pour, in fine, changer la perception des clients récalcitrants.