En attendant la Coupe du Monde, l’Arcom crie haro sur les paris sportifs
À deux semaines du coup d’envoi de la compétition, et d’une probable désillusion de notre équipe nationale – on ne risque pas de parier notre PEL sur la bande à DD – l’Arcom, ex-CSA, durcit ses règles encadrant la publicité pour les paris sportifs. Un nouvel arsenal juridique plus à même de lutter contre « l’intensification de la communication publicitaire », typique à l’approche d’une grande compétition sportive.
L’épidémie était largement passée sous silence. Pourtant, grâce aux innombrables campagnes publicitaires qui viennent parasiter les mi-temps des matchs et bien aidé par le confinement – il fallait bien tuer l’ennui… –, les paris en ligne se démocratisent à vue d’œil. Au premier trimestre de l’année 2021, plus de 2,2 milliards d’euros ont été misés en France, selon les informations collectées par Libération dans un article daté de juillet 2021. Un investissement qui ne porte que trop rarement ses fruits, d’autant plus quand on sait que la plupart des opérateurs virent de leur plateforme les joueurs les plus « chanceux ». Selon une enquête de l’Observatoire des Jeux en 2019, seulement 0,02 % des joueurs – soit 550 personnes – gagnent au moins 10 000 euros par an grâce aux paris sportifs. 6 % des adeptes de jeux d’argent et de hasard auraient même des pratiques jugées problématiques en la matière.
Se donner les moyens de ses ambitions
Pour endiguer la vague, l’Arcom – l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique –, ex-CSA, publiait ce dimanche 6 novembre un texte portant sur les thématiques de la protection des mineurs et de la lutte contre l’addiction. Le gendarme de l’audiovisuel et du numérique étend ainsi les règles encadrant la publicité audiovisuelle pour les paris sportifs et autres jeux d’argent aux plateformes de streaming et de replay. Le texte « a également vocation à s’appliquer aux services de médias audiovisuels à la demande », expliquent ses auteurs. Les dispositions relatives à ces plateformes « entreront en vigueur à l’issue » d’une procédure de notification auprès de la Commission européenne.
Dans un communiqué, l’AFP rappelle que « les conditions de diffusion des communications – messages publicitaires, parrainages, placements de produits – liées aux jeux d’argent et de hasard restent les mêmes. Ces pubs sont notamment interdites sur les télés, radios et plateformes destinées aux mineurs ». Pour les chaînes tous publics : « elles sont interdites pendant trente minutes avant et après la diffusion de programmes destinés aux plus jeunes ». Concernant les plateformes « ne s’adressant pas spécifiquement aux mineurs mais comportant un espace qui leur est dédié, l’interdiction (…) s’applique à l’ensemble de cet espace ». Après avoir sondé 5 000 jeunes de 15 à 17 ans, qui se déclaraient « submergés » par les spots et contenus sponsorisés en faveur des opérateurs de jeux en ligne, l’Autorité Nationale des Jeux s’était révoltée publiquement en février dernier contre l’impact du matraquage publicitaire auprès des mineurs.
« Les parieurs sportifs, à l’heure actuelle, sont très différents des autres joueurs. Je ne pense pas que nous ayons fait un bon travail pour essayer d’atteindre cette nouvelle population de parieurs à haut risque ».
Vous l’aurez deviné, cette explosion des paris sportifs en ligne, notamment auprès des plus jeunes, est mondiale et ne se cantonne pas seulement aux fans de Gilles Simon – c’est un peu notre hommage – et de Pierre Gasly que nous sommes. Selon une enquête réalisée par des chercheurs de l’Université du Nevada, environ 1 Américain sur 50 aurait des comportements problématiques liés aux paris en ligne. Cette nouvelle étude confirme les observations du NCPG – le National Council on Problem Gambling –, qui précise que les paris sportifs constituent un risque particulier pour les jeunes hommes à revenus élevés ayant fait des études supérieures. Ils sont environ deux fois plus susceptibles que les diplômés de l’enseignement secondaire de s’adonner à cette pratique, a déclaré Keith Whyte directeur de l’autorité.
« Les parieurs sportifs, à l’heure actuelle, sont très différents des autres joueurs. Je ne pense pas que nous ayons fait un bon travail pour essayer d’atteindre cette nouvelle population de parieurs à haut risque ». Visiblement pas. L’une des hypothèses justifiant cette recrudescence chez les jeunes hommes éduqués issus de classes sociales supérieurs est que les plateformes de paris en lignes sont plus que jamais vampirisées par les data et les statistiques en tout genre. Leur nouvelle identité et mode opératoire, presque mathématique, a plus de chance d’attirer des utilisateurs formés à la pensée analytique, un savoir que l’on acquiert généralement à l’université. Ces mêmes jeunes hommes sont plus susceptibles de vivre leur vie sur leur téléphone portable, où se trouvent les nouvelles applications de paris, avec un pari toujours à portée de clic.
Ken Winters, expert en toxicomanie et chercheur à l’Oregon Research Institut, conclue en expliquant que ces jeunes gens « ont maintenant la possibilité d’aller en ligne et de faire tout cela électroniquement, ils n’ont pas besoin de se déplacer et peuvent même obtenir toutes les données qu’ils veulent. Ils combinent leur intérêt pour le sport avec leur connaissance et leur habileté à jouer avec les chiffres. C’est une recette merveilleuse pour que les paris sportifs se développent et deviennent plus populaires ». A bon entendeur : un but d’Mbappé n’est jamais acquis, surtout contre le Danemark.
Les Newsletters du groupe INfluencia : La quotidienne influencia — minted — the good. Recevez une dose d'innovations Pub, Media, Marketing, AdTech... et de GOOD