Que dit cette élection présidentielle américaine ? Sur quel(s) terrain(s) s'est-elle jouée ? Pourquoi Kamala Harris n'a pas réussi à succéder à Joe Biden ? Comment s'explique la réélection de Donald Trump ? Vers quelle transformation de l'Amérique ? Analyse détaillée.
Ce n’est pas parce que le populisme nie souvent la réalité qu’il faut nier son succès dans ces élections.
Juste avant le scrutin, j’avais donné une interview à INfluencia dans laquelle j’avais été interrogé sur les enjeux du scrutin et les stratégies de campagne des deux candidats. J’y avais exposé mes hypothèses sur cette élection, qui se sont largement révélées exactes (contrairement à mon pronostic lors du vote de 2016, je n’ai cette fois-ci pas laissé mes émotions brouiller ma réflexion). Je vais les compléter dans cet article, sans me répéter (il vous faudrait donc lire l‘interview avec INfluencia pour avoir une vue complète du sujet), à la lumière des résultats et des sondages de sortie des urnes.
Deux sentences des rivaux politiques des années 1990 permettent de comprendre ce scrutin. La première est la règle édictée par Bill Clinton pour les élections présidentielles : le futur l’emporte toujours sur le passé dans les campagnes, et un candidat perçu comme fort triomphe toujours, même s’il a tort, d’un candidat qui aurait raison mais serait perçu comme faible. La seconde émane de Newt Gingrich, l’architecte de la révolution conservatrice de 1994 : ”Quand il y a le feu chez vous, vous ne demandez pas au pompier s’il est fidèle à son épouse”.
En définitive, Donald Trump a davantage proposé une vision du futur que Kamala Harris et est apparu comme plus fort qu’elle, même s’il erre infiniment plus sur le fond. Et sa capacité perçue à éteindre l’incendie inflationniste a occulté ses dérives personnelles (e.g. condamnation pour agression sexuelle, racisme, misogynie) et politiques (e.g. double ”impeachment”, instigation d’une tentative de coup d’Etat, compromission des intérêts géopolitiques des Etats-Unis, promesse de vengeance contre ses opposants). De fait, 67% des Américains pensent que l’état de l’économie n’est pas bon. Parmi eux, 69% ont voté pour Donald Trump et 29% pour Kamala Harris.
Alors qu’une majorité d’Américains ont une opinion défavorable à son sujet, Donald Trump va être le premier politicien américain depuis Grover Cleveland en 1892 à accéder de nouveau au Bureau ovale après avoir perdu une élection présidentielle. Et il va remporter le vote populaire (le total des votes exprimés à travers le pays), ce qu’il n’avait pas réussi en 2016.
Ce seul fait démontre que Donald Trump ne représente plus une anomalie politique outre-Atlantique, comme tous ses opposants ont voulu le croire pour se rassurer et se consoler. Je souligne d’ailleurs depuis longtemps sur Superception qu’il est un symptôme, et non l’origine, des maux de l’Amérique. On pourrait en conclure que le problème est le peuple américain. Mais ce serait aller à l’encontre de la défense de la démocratie dont nous nous prévalons pour vilipender Donald Trump. Le problème, en réalité, est l’insuffisance suffisante des dirigeants politiques qui ne répondent pas aux attentes du peuple. La fatigue démocratique dont on parle beaucoup est d’abord une lassitude de l’incompétence et de l’arrogance des gouvernants. En proclamant durant toute sa campagne que Donald Trump ne représente pas ce que sont les Américains, Kamala Harris prit donc ses désirs pour des réalités.
L’indignation morale des adversaires du milliardaire, que je partage et que la couverture du Vanity Fair de cette semaine mâtine d’incompréhension, ne suffit plus aujourd’hui à comprendre le phénomène politique que Donald Trump représente. Or cette compréhension doit être au fondement de la lutte qu’il convient de mener contre lui.
Au-delà du vote populaire, son succès dans cette élection est patent (ces infographies du Wall Street Journal et du New York Times en rendent parfaitement compte). Il représente le plus grand virage à droite du pays depuis la victoire de Ronald Reagan en 1980, virage pris grâce au soutien d’un groupe d’électeurs multi-ethniques issus des classes populaires. Les deux infographies du Financial Times reproduites ci-dessous montrent les progrès du vote en faveur de Donald Trump dans ce scrutin comparé à celui de 2020 dans les Etats et les segments démographiques américains.
En particulier :
Donald Trump l’emporta au sein de toutes les catégories démographiques à la seule exception des femmes ayant obtenu un diplôme universitaire.
Il performa mieux chez les électeurs de moins de 30 ans que tous les républicains depuis George W. Bush en 2004 et Kamala Harris performa moins bien au sein de cet électorat que tous les démocrates depuis 2000. Elle recueillit 52% des voix des jeunes âgés de 18 à 20 ans contre 61% pour Joe Biden en 2020.
Kamala Harris remporta le vote féminin avec 53% des voix contre 45% pour Donald Trump. En 2020, Joe Biden l’avait conquis avec 55% des voix contre 44% pour Donald Trump. Incidemment, un quart des femmes favorables au droit à l’avortement ont voté cette fois-ci pour Donald Trump !
Un électeur de couleur sur trois a voté pour lui. En particulier, alors que Joe Biden avait remporté le vote des hommes latinos par 23 points de pourcentage en 2020, Donald Trump l’a conquis par 10 points cette année.
Seulement deux Etats (l’Utah et l’Etat de Washington) n’ont pas davantage voté en faveur de Donald Trump en 2024 qu’en 2020. Et ce dernier a remporté tous les “swing states“ (Etats-pivots) : Arizona, Caroline du Nord, Géorgie, Michigan, Nevada, Pennsylvanie et Wisconsin.
Il est évident que le fait d’élire une femme de couleur Présidente a suscité des résistances au sein de l’électorat. C’est l’un des aspects où le désastreux entêtement de Joe Biden à vouloir être candidat et son retrait très tardif jouèrent un rôle délétère : les Américains n’eurent pas le temps de s’habituer à la candidature de Kamala Harris comme ils avaient pu le faire avec celle de Barack Obama qui lança sa première campagne présidentielle en février 2007, soit presque deux ans avant le scrutin de novembre 2008.
Au-delà de la Maison-Blanche, les républicains sont en passe de réaliser un grand chelem : ils ont déjà fait basculer le Sénat en leur faveur et pourraient s’adjuger la Chambre des Représentants. Avec une Cour suprême acquise à sa cause, Donald Trump va donc bénéficier pendant deux au moins, jusqu’aux prochaines élections de mi-mandat, de presque tous les pouvoirs (sa majorité au Sénat n’est pas à toutes épreuves) pour mettre en œuvre son programme. Et il sera beaucoup moins limité, dans cette optique, par des membres de son administration pouvant privilégier l’intérêt national sur son intérêt personnel : il a retenu la leçon, à cet égard, de son premier mandat. Il faudra notamment surveiller, dans ce domaine, la personne qu’il nommera à la tête du ministère de la Justice (Attorney General). Last but not least, il est assuré d’être débarrassé des multiples procès qui remplissaient son agenda dans les prochains mois.
Dans une certaine mesure, on peut se réjouir, peut-être parce qu’il s’agit de la seule bonne nouvelle, que Donald Trump l’ait emporté assez largement pour qu’il n’ait pas besoin d’attaquer la validité du scrutin et pour que le verdict de celui-ci ait été connu rapidement, évitant à l’Amérique une crise politique, juridique et géopolitique. D’ailleurs, ceux-là mêmes, au premier rang desquels le Président élu, qui affirmaient à l’envi que le vote allait être manipulé, le trouvent désormais remarquablement légal et légitime. Les dizaines de procès que l’équipe Trump avaient préparés ont disparu comme par enchantement. Evidemment, la reconnaissance par Kamala Harris de la victoire de son rival fut la ratification démocratique ultime de ce processus que Donald Trump ne voulut pas accorder à Joe Biden en 2020 – et ne lui décerne toujours pas aujourd’hui.
Donald Trump : de la farce à la force
Le prétendu bouffon est à la tête d’un mouvement politique comme l’Amérique n’en a pas connu depuis Ronald Reagan. Et il a accompli la prouesse d’avoir été réélu après avoir survécu à nombre de scandales et polémiques dont chacun aurait suffi à achever la carrière de ses rivaux. A cet égard, l’élection de Donald Trump est le plus exceptionnel comeback de l’histoire politique américaine, plus imprévisible encore que celui de Richard Nixon après qu’il a perdu l’élection pour le poste de gouverneur de Californie.
Pour l’emporter, Donald Trump promut une restauration nationaliste de l’Amérique (”Make America Great Again”) contre sa (supposée) transformation dénaturée par les démocrates. Cette vision est moralement dépravée et mensongère à maints égards, mais elle est claire et répond aux attentes émotionnelles de beaucoup d’Américains.
L’inflation, qui fut au cœur de cette campagne, fournit une excellente illustration de ce phénomène. Factuellement, elle a régressé et les rémunérations ont augmenté durant le mandat de Joe Biden. Mais la hausse des prix demeure : par exemple, les œufs coûtent presque le triple de ce qu’ils valaient il y a quatre ans. En outre, elle est plus prégnante, parce que visible lors de chaque achat. Les Américains espèrent un retour à la normale des prix, qui ne s’est pas produit et ne devrait pas se produire davantage sous Donald Trump malgré ses contrevérités sur l’état actuel de la situation et ses promesses.
Le Président élu a un talent remarquable pour exprimer les griefs de l’Amérique à travers ses propres récriminations, alors même qu’il n’a rien de commun, socialement, avec ceux qu’il représente. Mais son besoin de reconnaissance inassouvi est un vecteur, au sens militaire du terme, pour leurs doléances. Sa victimisation est leur victimisation, et c’est la raison pour laquelle, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer sur Superception, ses nombreux problèmes judiciaires étaient autant d’atouts : Donald Trump présentait son (soi-disant) sacrifice aux mains d’une justice américaine (censément) inique comme l’expression du déclassement vécu par ses partisans. Plus il était attaqué par ”le système” et ”l’Etat profond”, plus il se rapprochait de ses adeptes dans ce qui ressemble à un culte de la personnalité quasi religieux.
C’est ainsi que nombre de citoyens les plus défavorisés affirment que Donald Trump est le seul politicien qui les comprenne et les aime. Cette dynamique n’est pas sans rappeler cette déclaration d’une électrice du Rassemblement national disant à Raphaël Glucksmann que Marine Le Pen est la seule dirigeante politique qui ”n’a pas honte de nous”. Ce trait d’union transatlantique signale aussi que le mouvement de rébellion contre les gouvernants n’est pas limité aux Etats-Unis et à Donald Trump : il s’agit largement d’un mouvement mondial.
Sur l’inflation pourtant, les paroles et les actes de Donald Trump sont en forte dissonance. Il a surtout réduit les impôts des Américains les plus riches et des entreprises lorsqu’il était au pouvoir. Cette année, il propose d’éliminer la taxe sur les pourboires, mais, Président, il s’était efforcé de permettre aux employeurs d’empocher plus facilement ceux de leurs salariés. Et pourtant, son discours a convaincu les électeurs car il a mieux su leur parler que Kamala Harris.
De l’économique à l’identité, dans ce contexte, il n’y a qu’un pas. Cette campagne aura certainement été la plus genrée de l’histoire politique américaine. Donald Trump a continûment cherché, à force d’excès oratoires, à remobiliser les hommes et à exploiter leurs frustrations face à ce qu’ils perçoivent comme les excès de la gauche américaine. L’écart entre les vues des citoyens blancs de gauche et celles du reste de la population est d’ailleurs confondant (voir le graphique du Financial Times reproduit ci-dessous). C’est tout sauf un hasard si Stephen Miller, l’un des plus proches – et détestables – conseillers de Donald Trump tweeta mardi dernier : ”Si vous connaissez des hommes qui n’ont pas voté, faites-les voter”.
Naturellement, la désinformation a joué un rôle significatif dans cette élection, même s’il ne faut pas réduire celle-ci à celle-là (c’est un sujet que je développé beaucoup plus dans mon interview à Influencia). Sans même considérer les initiatives russes dans ce domaine (dont on a moins parlé qu’en 2016 mais qui n’ont pas disparu loin de là), une fascinante enquête d’opinion conduite par Ipsos a montré que les personnes répondant de manière factuellement erronée à des questions sur l’inflation, la criminalité et l’immigration étaient plus susceptibles de voter pour Donald Trump, alors que celles y ayant répondu correctement étaient plus enclines à choisir Kamala Harris : les Américains ont l’impression que l’économie, la criminalité et l’immigration sont dans un état pire qu’elles ne le sont en réalité.
Les trois faux frères : Merrick Garland, Mitch McConnell, Joe Biden
Généralement, le candidat est le premier responsable de sa victoire ou sa défaite. Cette élection pourrait constituer une rare exception à ce truisme dans le sens où elle était peut-être ingagnable pour Kamala Harris du fait de la trahison de l’intérêt national par trois dirigeants de premier plan.
Commençons avec Merrick Garland, dont il faut se souvenir qu’il fut le candidat présenté à la Cour suprême par Barack Obama dont la nomination avait été empêchée par Mitch McConnell, alors leader de la majorité républicaine au Sénat, à travers une manipulation anticonstitutionnelle indigne. Merrick Garland restera dans l’Histoire comme un ministre de la Justice de Joe Biden indécis et froussard, incapable de prendre les décisions qui auraient dû s’imposer face aux violations de la loi et de la Constitution par Donald Trump. Il fut sans cesse en retard sur les enquêtes du Congrès au sujet de l’insurrection du 6 janvier 2021 et fit tellement traîner les procédures juridiques qu’elles vont pouvoir être éliminées facilement, organiquement et politiquement, lors du retour au pouvoir de Donald Trump.
C’est aussi au sujet du 6-Janvier que Mitch McConnell trahit l’intérêt national. Après avoir justement morigéné Donald Trump dans un discours au Sénat consécutif à la tentative de coup d’Etat, il rentra dans le rang trumpiste et défendit l’apprenti-dictateur. S’il avait mis ses actes en conformité avec ses premières paroles, il aurait pu peser, étant donné son poids politique considérable dans l’appareil (sinon dans le pays), pour que Donald Trump rencontrât son destin judiciaire et ne pût se présenter à la Maison-Blanche cette année.
Certes, Donald Trump n’étant qu’un symptôme des maux de l’Amérique (cf. supra), il aurait été remplacé par un autre candidat du même courant de pensée s’il avait été empêché pour l’élection de 2024, mais on peut penser que ledit remplaçant n’aurait eu ni son charisme ni son talent diaboliques.
À tout saigneur (de voix), tout honneur, le principal responsable de l’élection de Donald Trump se nomme Joe Biden.
En juillet dernier, j’écrivais sur le blog Superception, après le désastreux débat de ce dernier contre son rival républicain et avant l’annonce du retrait de sa candidature :
”L’attitude de Joe Biden est d’autant plus inqualifiable que :
Si l’élection du 5 novembre prochain est aussi importante pour la démocratie américaine qu’il l’affirme – et elle l’est –, pourquoi s’accroche-t-il ainsi pour des raisons d’ego, et ce alors même qu’il avait promis d’être un ‘pont’ vers une nouvelle génération démocrate il y a quatre ans, induisant qu’il ne ferait qu’un mandat ? L’importance de son ego est aussi illustrée par l’hallucinante réponse qu’il formula lorsque George Stephanopoulos lui demanda comment il vivrait une éventuelle défaite contre Donald Trump : ‘Je pense que, tant que je me suis donné à fond et que j’ai fait le meilleur travail possible, c’est de cela qu’il s’agit’. Si la démocratie américaine est en cause – et elle l’est –, l’enjeu n’est pas de savoir si Joe Biden a fait de son mieux.
Dans les sondages, il est non seulement à la traîne de Donald Trump mais aussi des sénateurs démocrates des Etats-pivots (‘swing-states’), ce qui signale que sa piètre performance n’est pas liée seulement aux positions démocrates mais aussi à sa personne.
Sa stratégie était de transformer cette élection, comme il y a quatre ans, en référendum pour ou contre Trump. Elle est aujourd’hui devenue un référendum pour ou contre lui.
Le problème de perception lié à son âge est insoluble : plus il s’expose médiatiquement, plus il crée des moments viraux sur son incapacité et, moins il s’expose médiatiquement, plus il est accusé de se cacher.
A force de se défendre, il est tombé dans le même populisme que son adversaire, s’en prenant comme lui aux ‘élites’, ce qui est stupide politiquement et déplorable moralement.
Les Républicains et Donald Trump craignent davantage Kamala Harris que lui, ce que manifeste notamment leur retenue inhabituelle dans l’exploitation de son crash dans le débat : ils ne veulent pas donner des arguments aux démocrates pour qu’ils changent de candidat.
En 1979, lorsque le Président Jimmy Carter était en difficulté et risquait de faire perdre son parti à la présidentielle, un sénateur démocrate commença à sonder ses collègues pour déterminer s’ils soutiendraient la tenue d’une convention ouverte. Il s’appelait Joe Biden.
Dernier commentaire à ce sujet : les Démocrates tombent du piédestal éthique où ils se pensaient perchés : les équipes de Joe Biden ont organisé un mensonge durable sur son état de santé, qui se révèlera l’un des pires de l’histoire américaine si Donald Trump est élu, et les leaders du Parti sont, treize jours après le funeste débat, incapables de faire entendre raison au Président alors même qu’ils ont reproché pendant des années à leurs homologues républicains de ne pas recadrer son prédécesseur.
Depuis ce débat, les médias américains dissèquent chaque pas effectué et chaque mot prononcé par Joe Biden avec toute l’ardeur qu’ils n’ont pas mise à enquêter sur son état de santé depuis deux ans. Ils veulent peut-être se faire pardonner leur échec à alerter le peuple américain sur la complexion de l’octogénaire quand c’était encore utile, c’est-à-dire quand le candidat démocrate au Bureau ovale pouvait être choisi ou changé sereinement.”
Kamala Harris hérita en effet d’une situation ingérable, dans laquelle elle dut faire campagne pour la Maison-Blanche en 107 jours, alors que, comme je le rappelais plus haut à propos de Barack Obama, les campagnes présidentielles américaines tangentent souvent les deux années.
Or, ce qui fut frappant, lors de l’annonce du retrait de Joe Biden, est que les médias et les politiques du monde entier le présentèrent comme un héros pour avoir fait prévaloir l’intérêt national sur son intérêt personnel, ce qui est aussi faux que révélateur. Faux car Joe Biden se retira sous une pression insoutenable de son camp (il n’allait plus recevoir aucun soutien politique et, surtout, financier s’il poursuivait sa campagne) et qu’il prit cette décision bien trop tard – rendons-nous compte qu’il attendit encore 24 jours après le funeste débat ! – pour que son camp ait la moindre chance de succès. Révélateur car prioriser l’intérêt national devrait être normal et non héroïque pour un dirigeant politique, du moins si l’on en croit ce qu’ils nous serinent à longueur de temps. Mais dès que l’un d’entre eux semble le faire, il est présenté comme un quasi-surhomme, ce qui révèle la réalité des choses dans ce domaine.
Même si cette candidature est la plus lourde faute de Joe Biden, ce n’est pas la seule. En effet, son état physique et cognitif l’empêcha, durant la deuxième partie de son mandat, de faire la pédagogie nécessaire sur les progrès réels procédant de sa stratégie économique (cf. supra) et sur sa politique au Proche-Orient notamment. Et, lorsqu’il communiqua, son ego, réputé outre-Atlantique depuis qu’il est entré en politique ou presque, lui interdit de reconnaître les difficultés des Américains, célébrant contre l’évidence une situation idyllique que ses concitoyens ne vivaient pas au quotidien sur l’économie ou l’immigration. C’est le même ego qui retint les démocrates de reconnaître le déclin du Président, lequel éclata au grand jour lorsqu’il était trop tard. Last but not least, c’est en partie pour préserver l’ego de son patron, et aussi parce qu’elle n’en eut pas le temps politique en une campagne si écourtée (elle aurait été accusée de déloyauté), que Kamala Harris ne se distança pas davantage de son bilan et de sa vision pour le futur. A cet égard, son interview dans l’émission The View, au cours de laquelle elle affirma qu’elle n’aurait rien fait différemment de Joe Biden en quatre ans, fournit un cadeau inespéré à la campagne de son adversaire.
En réalité, Joe Biden est un Président très impopulaire (avec un taux d’opinions favorables inférieur à 40% qui satisferaient certes beaucoup de Présidents français en fin de mandat mais qui est bas aux Etats-Unis). Il n’existe d’ailleurs pas, dans l’histoire récente, de cas d’un parti américain ayant pu gagner la présidentielle après que le Président en place eut dû renoncer à être candidat : les démocrates, déjà, perdirent en 1952 après le retrait de Harry S. Truman et en 1968 après celui de Lyndon B. Johnson.
Tout ceci n’empêcha pas Joe Biden, dans son discours post-élection jeudi dernier, de déclarer que sa Présidence avait été historique. Imagine-t-on un PDG devant quitter la tête de son entreprise après une alerte sur résultats (profit warning) majeure s’autocongratuler ainsi ? Envisage-t-on même des entrepreneurs vraiment révolutionnaires, tels que Bill Gates, Steve Jobs ou Howard Schultz, déclarer de la sorte leur contribution historique ? L’ego des politiques nous perdra.
Toujours est-il que Joe Biden, qui se croit singulier, se retrouvera seul. Alors qu’il fut un excellent Président à maints égards, son bilan sera entaché par cette faute historique.
Kamala Harris : on ne change pas une équipe qui stagne
La candidate démocrate, femme admirable à maints égards, a mené une campagne honorable dans des conditions impossibles (cf. supra).
Elle les a aggravées en commettant plusieurs erreurs, dont certaines identiques à celles qui avaient caractérisé son chemin de croix dans la primaire démocrate de 2019-2020. Déjà, elle s’était avérée incapable de formuler une vision pour l’Amérique et un message pour sa candidature. Déjà, elle n’avait pas su imposer un thème à la campagne lui permettant de se positionner comme une réponse à l’enjeu-clé du pays. Déjà, elle ne paraissait pas animée de convictions fortes, hormis sur de rares sujets (les droits civiques en 2019-2020, l’avortement en 2024). En outre, entre son programme marqué à gauche en 2019-2020 et ses propositions beaucoup plus modérées cette année, les électeurs n’ont pas compris quelles étaient ses véritables opinions, ce qui fut aggravé par son incapacité à expliquer ses changements de pied autrement qu’avec des éléments de langage triviaux et son évitement médiatique durant une bonne partie de sa campagne.
Or elle s’est retrouvée face à un candidat qui excelle dans ces trois domaines. Sa vision est indigne de l’Amérique et ses convictions incohérentes avec son histoire personnelle, mais elles sont puissantes et mobilisatrices.
Kamala Harris a fondé sa campagne sur le rejet de l’extrémisme de Donald Trump, mais n’a pas réussi à en convaincre les Américains, largement pour les raisons évoquées depuis le début de cet article. Surtout, on ne gagne pas une campagne simplement en dégoûtant l’électorat de son rival ; il faut aussi proposer à ses concitoyens un dessein et des solutions. C’est ce que Joe Biden avait réussi à faire en 2020 et que Kamala Harris, en raison de la situation dans laquelle elle fut mise et de ses faiblesses intrinsèques, ne put accomplir.
Il faut dire que Joe Biden bénéficia d’un avantage non négligeable : en 2020, sa candidature intervint après quatre années de mandat Trump. Le souvenir de ses dérives était donc encore vivace dans l’esprit des Américains. En 2024, au contraire, Kamala Harris fit campagne en soulignant les visées fascistes du républicain, alors même que l’alternance Trump-Biden, malgré l’assaut du 6 janvier 2021 sur le Capitole, montra la survie de la démocratie américaine à un mandat de Donald Trump, lequel s’en trouva ainsi relativement normalisé. Dans son discours tirant les leçons de sa défaite, Kamala Harris accrédita d’ailleurs cette vision de choses, n’appelant pas à la résistance tous azimuts contre le fasciste qu’elle avait décrit, mais expliquant que ”cela va bien se passer”.
Même s’il est réel, le danger fasciste fut moins perçu cette fois-ci. D’ailleurs, ”seulement” 55% des votants voient Donald Trump comme une menace pour la démocratie. Mieux, ou pis, 15% de ceux qui considèrent qu’il va conduire le pays à l’autoritarisme votèrent pour lui. Ce que ces données signalent, au fond, est que, quand l‘insatisfaction est trop forte, la stabilité est un risque perçu comme plus grand encore que le potentiel péril incarné par un candidat. Ce fut vrai, dans des dimensions différentes, pour Bill Clinton face à George H.W. Bush en 1992 et pour Donald Trump face à Kamala Harris cette année. Cela risque d’être vrai aussi en France d’ici peu…
Dans les deux pays, les gauches locales ont pour point commun d’avoir oublié leur vocation sociale pour se focaliser sur des objectifs sociétaux et/ou communautaristes. Bernie Sanders, la conscience de la gauche américaine radicale, a eu raison de souligner qu’“il ne faut pas s’étonner qu’un parti démocrate qui a abandonné les classes populaires constate que celles-ci l’ont abandonné”. Un sondage de sortie des urnes en témoigne : la principale raison pour laquelle les électeurs qui ont changé de vote n’ont pas choisi Kamala Harris est qu’elle ”se concentre davantage sur des enjeux culturels, tels que les questions relatives aux transgenres, plutôt que sur l’aide à la classe moyenne”.
L’influence des influenceurs
Cette élection a mis une nouvelle fois en exergue l’éloignement des grands médias américains des préoccupations des citoyens et leur perte d’influence.
Les chiffres d’audience télévisée lors de la soirée électorale sont parlants à cet égard. C’est Fox News, la principale chaîne de propagande de l’extrême-droite, qui réunit le plus de téléspectateurs (près de 10 millions en moyenne) devant ABC News (5,7 millions), MSNBC (5,5 millions), NBC News (5,3 millions) CNN (4,7 millions) et CBS News (3,5 millions). Les médias respectables font de moins en moins recette, en bonne partie car ils sont jugés par leur public comme étant de plus en plus enfermés dans leur bulle élitiste.
A ce sujet, une recherche menée au Chili a identifié ce que les citoyens attendent des journalistes : au lieu des valeurs éditoriales habituelles (e.g. factualité, objectivité, indépendance), ils recherchent des valeurs humaines (accessibilité, empathie et capacité à communiquer clairement et de manière à susciter une résonance émotionnelle). Il faut reconnaître que les médias américains rigoureux sur le plan de l’information en sont loin.
Cependant, l’influence de Fox News, est dérisoire en comparaison de celle de X en général et d’Elon Musk sur ”son” réseau en particulier : ses messages politiques y ont généré 17,1 milliards de vues depuis juillet et ses seules contre-vérités sur les élections plus de deux milliards de vues cette année, selon une étude du Center for Countering Digital Hate.
Dans l’interview qu’Influencia a réalisée avec moi, j’évoquais le rôle des “clippers“ (ces internautes qui conçoivent des clips vidéo des moments marquants des événements politiques et les diffusent sur les réseaux sociaux) et des podcasts dans ce scrutin. Plus globalement, il me semble que cette élection aura été, sur le plan médiatique, celle des influenceurs.
Donald Trump le comprit beaucoup mieux que Kamala Harris et concentra significativement sa campagne sur les influenceurs en tout genre qui lui permirent d’atteindre ses cibles électorales sans être challengé par des questions gênantes et en pouvant partager avec eux sans crainte d’être contredit des fables sur sa vie et son activité d’entrepreneur. Il participa à une vingtaine de podcasts, au premier rang desquels ceux de Joe Rogan, Logan Paul, Theo Von et des animateurs de Bussin’ With The Boys. Son seul épisode avec Joe Rogan fut vu ou écouté (partiellement ou complètement) plus de 70 millions de fois.
Le symbole médiatique de cette élection me semble d’ailleurs devoir être trouvé dans la prise de parole de Dana White, le patron de la ligue de combats ultra-violents UFC (Ultimate Fighting Championship), au milieu du discours de victoire de Donald Trump. Le seul fait qu’un tel personnage s’exprime à cette occasion est parlant en soi. Mais c’est aussi ce qu’il dit qui est révélateur : “Je tiens à remercier les Nelk Boys, Adin Ross, Theo Von, Bussin’ With The Boys et, enfin et surtout, le formidable et puissant Joe Rogan“. Tout est dit dans cette liste d’influenceurs dont une partie de l’Amérique n’a jamais entendu parler et dont une autre partie du pays ne veut pas rater une production. Puis, Donald Trump appela sur scène Bryson DeChambeau, golfeur professionnel de grand talent (il a notamment remporté deux fois l’US Open) et youtubeur : leur conversation de près d’une heure sur sa chaîne a été visionnée près de 13 millions de fois.
Il se pourrait que Donald Trump poursuive cette stratégie de contournement des médias traditionnels durant sa Présidence. Dans une nouvelle démonstration de ses inclinations illibérales, il interdit d’ailleurs l’accès à plusieurs de leurs représentants (e.g. Axios, Politico, Puck, Voice of America) lors de la soirée électorale organisée à son quartier général en “représailles pour la couverture de sa campagne“.
Kamala Harris prit également part à quelques podcasts, notamment avec Brené Brown, Alex Cooper et Shannon Sharpe. Son épisode avec la deuxième nommée recueillit une audience de plus 8 millions d’internautes. Mais elle concentra sa stratégie d’influence numérique sur des contenus courts sur Instagram et TikTok, et n’accorda pas autant de temps à des podcasteurs ou youtubeurs que Donald Trump (son épisode avec Joe Rogan, par exemple, dure plus de trois heures). Il leur dédia également du temps hors interviews afin qu’ils puissent partager leur expérience à ses côtés avec leurs publics. Il put ainsi valoriser la relation que ses interlocuteurs ont avec leurs audiences respectives, faisant jouer leur impact culturel.
En réalité, Kamala Harris traita les influenceurs comme des journalistes et Donald Trump les aborda comme des influenceurs. Incidemment, le fait qu’ils n’aient aucune déontologie journalistique fut probablement perçu comme un inconvénient par la campagne de la première, en recherche de crédibilité à l’ancienne chez ses interlocuteurs, alors que ce fut perçu comme un avantage chez le second qui pouvait mentir à sa guise et était, lui, en recherche d’efficacité.
Last but not least, il est évident que le mode de communication de Donald Trump, fondé sur le conflit, correspond mieux que celui de ses concurrents à la communication sur la sphère numérique où, comme je le dis toujours, il suffit d’enrager les internautes pour les engager.
La figure dominante de cette sphère numérique est sans conteste Elon Musk. Sa décision d’acquérir Twitter, rebaptisé X, en 2022 doit être revue à la lumière de sa capacité à forger des stratégies à long terme et à hauts risques, et de son implication personnelle et financière dans la campagne de Donald Trump.
Le lumineux activiste démocrate Van Jones a souvent souligné combien la décision insensée de Joe Biden de ne pas inviter Elon Musk au sommet sur les véhicules électriques qu’il organisa en août 2021 à la Maison-Blanche fut une erreur majeure, alors que l’entrepreneur est non seulement le leader, à travers Tesla, du secteur aux Etats-Unis, mais aussi la personne à l’origine du développement de cette industrie au niveau mondial. Elon Musk fut mortifié par cette avanie et elle pourrait être la source, avec l’histoire intime de l’une de ses filles, de son virage vers l’extrême-droite. Il s‘agit bien sûr de tentatives d’explication, pas d’excuses. En outre, l’intérêt des entreprises du Sud-africain, au premier rang desquelles SpaceX, était de disposer d’un environnement réglementaire plus laxe que sous les démocrates.
Dès lors, le génie protéiforme passa en mode “all in“, comme il le fit toujours au cours de sa vie dans tout ce qu’il entreprit. Il a toujours considéré que le fait de mettre tous ses œufs dans le même panier était le plus sûr moyen d’emporter la mise la plus grande. C’est ainsi qu’il bâtit Tesla et SpaceX contre vents et marées. Il donna donc plus de 100 millions de dollars, directement et indirectement, à la campagne de Donald Trump, mit le réseau X à son service et s’installa en Pennsylvanie dans la dernière ligne droite de la campagne pour contribuer à faire basculer ce qui était considéré comme le super Etat-pivot de la campagne. Or, jusqu’à présent, Elon Musk a toujours triomphé lorsqu’il a parié son destin sur l’un de ses projets et il faut reconnaître, malgré le dégoût que son approche à cet égard m’inspire, que cette élection ne fait pas exception.
Il faut aussi admettre que l’issue de ce scrutin remet en perspective son acquisition de Twitter, qui semblait jusque-là un échec retentissant. Elle le demeure en termes financiers : Elon Musk a surpayé le réseau de micro-blogging et l’a brisé financièrement en le mettant au service de l’extrême-droite américaine, ce qui a fait fuir les annonceurs. Mais Elon Musk fit le pari que X conserverait son influence, qui procède de son effet de réseau et des habitudes de ses utilisateurs. Et l’interdiction par Mark Zuckerberg des thématiques politiques sur Threads l’a aidé à cet égard.
En définitive, l’influence que le propriétaire de X a gagné à travers l’élection de Donald Trump vaut largement plus que les 44 milliards de dollars qu’il a investis dans le rachat de Twitter – le fait qu’Elon Musk ait participé au premier appel téléphonique depuis l’élection entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky en rend compte. Et il est impossible de ne pas penser que ce fut son plan dès l’annonce de l’achat de Twitter en avril 2022. Evidemment, les conflits d’intérêts créés par cette influence vont être considérables, peut-être même sans précédent pour un seul individu vis-à-vis d’une administration américaine. La situation de Tesla en Chine, le deuxième marché de la marque où elle attend notamment un permis pour le déploiement de son système de conduite autonome assistée, sera particulièrement éclairante à cet égard car elle va converger avec l’enjeu géopolitique entre les Etats-Unis et l’empire du Milieu.
Conclusion : la fuite en arrière
Cette élection représente avant tout une répudiation de Joe Biden, à travers Kamala Harris, en raison de son double échec perçu sur l’inflation et l’immigration. C’est non seulement ce qu’indiquent les résultats de l’élection présidentielle, mais aussi ceux de scrutins au Sénat et à la Chambre des Représentants où les démocrates ont mieux tiré leur épingle du jeu1.
Kamala Harris avait la mission presque impossible de tenter de succéder à un Président de son parti extrêmement impopulaire et de faire campagne en seulement 107 jours. Des politiciens aussi talentueux que Bill Clinton ou Barack Obama auraient peut-être relevé ce défi déraisonnable avec succès – et encore aurait-il fallu qu’ils eussent une plate-forme idéologique et une campagne prêtes à l’emploi lors du retrait du Président. Kamala Harris ne disposait pas de ce capital politique, et ne sut pas mieux qu’en 2019-2020 définir la raison d’être de sa candidature et sa vision pour l’Amérique, autrement qu’en négatif contre Donald Trump2. En outre, sa campagne résolument joyeuse et sa passion spécifique pour l’enjeu du droit à l’avortement ne correspondirent pas à la nature de cette élection marquée par les difficultés économiques et sociales des Américains. Au final, son charisme et son talent de “performeuse“ ne suffirent pas à compenser ces faiblesses fatales.
Donald Trump, de son côté, va remporter une victoire dans le vote populaire plus courte que celles de Bill Clinton en 1992 et 1996, et de Barack Obama en 2008 et 2012. Il se pourrait même qu’elle soit plus réduite que celles de George W. Bush en 2004… et d’Hillary Clinton en 20163. Cela dépendra principalement de la Californie, où seulement 72% des votes ont été comptés et où il reste plusieurs millions de voix à attribuer à l’heure où j’écris ces lignes4. Toujours est-il qu’un candidat républicain moins clivant que lui aurait certainement pu remporter un vrai raz-de-marée. Pour autant, les gains du new yorkais devraient être aussi impressionnants qu’inquiétants par rapport à 2020. Il peut donc se prévaloir d’une forme de mandat.
Comme Bill Clinton et Newt Gingrich l’ont expliqué, une élection présidentielle se joue sur la démonstration par les candidats d’une vision pour le futur et de leur capacité à faire advenir ce dessein avec force, et ce particulièrement en cas de crise. C’est d’autant plus vrai outre-Atlantique où le “can-do spirit“ est ancré dans la culture depuis la fondation de la nation américaine. Donald Trump a créé à cet égard un contraste avec Joe Biden et Kamala Harris qui a touché presque tous les enjeux de campagne (e.g. inflation, immigration, Proche-Orient, Ukraine) et s’est nourri de ses propres excès, alors que la prudence de Kamala Harris dans son expression millimétrée passait pour de l’incapacité à l’action. Certes, la vision du futur de Donald Trump représente une fuite en arrière, mais elle a convaincu les électeurs.
Il reste désormais à voir s’il va transformer l’Amérique en démocratie illibérale à la hongroise ou s’il va se focaliser sur ce pour quoi il a été élu, l’amélioration du niveau de vie des Américains. A cet égard, il convient de douter de la poursuite du retrait de l’inflation s’il applique son programme (e.g. déportation de 20 millions d’immigrés illégaux et légaux, guerre commerciale à coups de droits de douane) et/ou s’il laisse l’abject Robert F. Kennedy Jr. dégouter ses concitoyens des vaccins à un point tel que des épidémies plus ou moins étendues géographiquement se déclarent.
Je voudrais terminer cette analyse avec un mot sur l’Europe. L’élection de Donald Trump est un coup dur pour le Vieux Continent qui va se retrouver face à un allié historique, auquel il ne faut jamais oublier qu’il doit sa liberté, notamment beaucoup plus exigeant sur la répartition du coût économique et humain de la défense du continent et beaucoup moins aligné philosophiquement et stratégiquement avec lui face à la Russie et la Chine.
J’écrivais à ce sujet sur le blog Superception, il y a déjà deux ans et demi :
“La réussite du plan antidémocratique républicain représenterait aussi une révolution pour les alliés de l’Amérique, à commencer par notre chère vieille Europe. N’oublions pas que Donald Trump voulait sortir les Etats-Unis de l’OTAN et qu’il a continûment soutenu Vladimir Poutine, y compris après l’invasion de l’Ukraine. L’Europe, qui a toujours été incapable de penser et d’agir de manière cohérente sur les plans diplomatique et militaire tout en regrettant d’être à la remorque des Etats-Unis dans ces domaines, pourrait apprendre très vite à ses dépens le prix de l’indépendance, et ce dans un système de puissances mondial où elle ne serait plus confrontée à deux blocs autoritaires majeurs mais à trois.
Ce prix serait évidemment humain mais aussi économique et, partant, sociétal : si les Etats-Unis cessaient de défendre notre vieux continent, les pays européens devraient investir entre 280 et 350 milliards de dollars chaque année pour assurer leur autonomie sécuritaire et géopolitique. Autrement dit, une partie non négligeable de notre Etat-providence est subventionnée par les contribuables américains : le plan Marshall ne s’est pas arrêté au début des années 1950. Il s’est au contraire amplifié depuis lors“.
Ce défi est désormais devant nous, et il est peu de dire qu’il n’a pas été anticipé par les dirigeants de l’Union et des pays européens.
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1 Voir par exemple la victoire emblématique de Ruben Gallego pour le poste de sénateur junior de l’Arizona face à Kari Lake, ainsi que les succès de Marie Gluesenkamp Perez (Etat de Washington), Jared Golden (Maine) et Marcy Kaptur (Ohio) pour la Chambre des Représentants, et de Tammy Baldwin (Wisconsin), Jacky Rosen (Nevada) et Elissa Slotkin (Michigan) pour le Sénat.
2 Une déficience qu’elle devra résorber si elle veut avoir un avenir présidentiel. Je doute de sa capacité dans ce domaine spécifique.
3 1992 : victoire de Bill Clinton avec une marge de 5,6 points de pourcentage. 1996 : victoire de Bill Clinton (8,5 points). 2004 : victoire de George W. Bush (2,4 points). 2008 : victoire de Barack Obama (7,2 points). 2012 : victoire de Barack Obama (3,9 points). 2016 : victoire de Hillary Clinton (2,1 points).
4 Cela s’explique notamment par (i) la taille du corps électoral de l’Etat, qui compte plus d’électeurs que la population totale de 47 Etats américains, et (ii) le fait qu’environ 90% des Californiens votent généralement par courriers, lesquels peuvent arriver plusieurs jours après le scrutin et nécessitent des vérifications plus fastidieuses qu’un vote présentiel.
Dans le podcast Superception enregistré le 21 octobre dernier, le co-fondateur et président de Heaven livre son approche sur l'intelligence artificielle générative…
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