Il existe un paradoxe entre l’envie d’adopter des comportements écologiques et celle de continuer à profiter de la société de consommation. Plutôt que de basculer dans le « tout ou rien », il semble plus sage de trouver un équilibre entre ses désirs et ses besoins réels.
2019 a été l’année du sursaut écologique en France. Mieux consommer, trier et recycler sont devenues des préoccupations, sinon majeures, du moins réelles pour une part croissante de la population. Paradoxalement, en même temps que cette prise de conscience se développe, la consommation, elle, continue de croître. Le plus symptomatique est peut-être le Black Friday, qui n’a jamais eu tant de succès ni été autant critiqué qu’au cours de sa dernière édition.
Surproduction et surconsommation : un cercle vicieux
À première vue, l’achat du dernier modèle d’un téléphone semble éloigné de problématiques environnementales « sérieuses ». Pourtant, le rythme frénétique auquel les marques technologiques enchaînent les sorties de produits entraîne une surproduction qui participe activement à l’épuisement des matières rares. Le coltan, par exemple, ce minerai à la réputation sulfureuse car au cœur de sanglants conflits au Congo, est un composant indispensable à la fabrication de nos smartphones. De la même façon, la surconsommation occasionne un amoncellement de déchets dont on ne sait que faire, et dont l’enfouissement sauvage est devenu une affaire florissante pour la mafia.
Obsolescence matérielle contre obsolescence artificielle
L’idée que les actes individuels de consommation ont un impact sur le dérèglement climatique a pourtant fait son chemin. Les démarches pour minimiser son impact à travers sa consommation se multiplient : réduction et tri des déchets, choix de marques responsables et surtout choix de produits de qualité qui vont durer, pour ne pas être pris dans un engrenage d’achats et de remplacements. Cette démarche a mis en lumière le problème de l’obsolescence des produits ; un concept critiqué mais souvent mal compris.
Cette obsolescence « programmée » d’un produit implique que dans sa construction, son fabricant a délibérément réduit son espérance de vie (typiquement, la batterie). Ce n’est donc pas la même chose qu’un produit construit à partir de composants de mauvaise qualité, mais les deux sont souvent perçus de la même façon par les consommateurs. Cette forme d’obsolescence est désormais un délit en France. Mais il existe une autre forme d’obsolescence, artificielle, qui est celle ressentie par les consommateurs à cause de la sortie de nouveaux produits. Artificielle, celle-ci est créée par le marketing des marques et donne l’illusion au consommateur que son produit est dépassé. Ce sentiment est renforcé par l’obsolescence logicielle, à cause de laquelle les plus vieilles versions des produits technologiques ne supportent pas les dernières mises à jour logiciel. Il s’agit, dans ce cas, de forcer les consommateurs à acheter de nouveaux produits.
Adopter une démarche de consommation raisonnée
Les usages des consommateurs sont cependant en train de changer à mesure que la prise de conscience progresse, et l’on peut espérer que l’évolution des usages forcera les producteurs à changer de méthodes. La recherche d’une approche raisonnée de la consommation passe par l’adoption de certaines bonnes pratiques, en premiers lieux desquelles le choix d’un produit de qualité. Cela nécessite de se renseigner sur ses caractéristiques et sur la marque, notamment grâce aux avis des consommateurs, disponibles en lignes. Cela nécessite également de ne pas céder aux sirènes du produit « dernier cri » si celui-ci ne représente pas une réelle amélioration, ou si le produit que l’on possède répond toujours à notre besoin. Dans certains cas, une solution peut être d’opter pour le reconditionné, à la fois pour acheter un produit déjà en circulation et pour réduire sa dépense. Il ne faut cependant pas renoncer aux produits low costs, car, dans certains cas, ceux-ci peuvent représenter le bon choix. Par exemple, si l’on a besoin de remplacer immédiatement un produit, ou encore lorsque les écarts de prix pour une même catégorie de produits sont injustifiés. Il ne faut pas non plus bannir les produits technologiques dernier cri, car ceux-ci peuvent correspondre à un besoin réel ou à un désir spécifique. Le mieux est donc d’adapter sa consommation à son besoin dans chaque circonstance, et de se renseigner sur les alternatives de consommation disponibles et leurs critères en termes de budget, de durée et d’impact environnemental.
La vertu est dans le juste milieu
Écartelée entre conscience écologique et tentations luxueuses ou low costs, notre consommation fait souvent le grand écart. En fin de compte, il n’est pas toujours possible de faire le choix parfait ; aussi chacun devrait-il plutôt chercher à faire au mieux en fonction de son cas. Plutôt que de tomber dans un excès ou l’autre, mieux vaut donc se diriger graduellement vers une meilleure consommation, en gardant à l’esprit le vieil adage aristotélicien « la vertu est dans le juste milieu ».
* L’Éthique à Nicomaque, Aristote.