Face à la difficulté de mettre en place un modèle économique rentable, les sites de e-commerce sont à une période charnière. Tour d’horizon des stratégies mises en place par plusieurs acteurs du e-commerce, à partir de témoignages recueillis en décembre sur l’événement Les Big Boss font du Ski.
Même les nouvelles formes de commerce n’échappent pas à la mutation qui touche le secteur de la consommation. Dans un univers du e-commerce foisonnant et qui compte quelques très belles réussites, beaucoup de sites ne parviennent pas à dégager une marge d’exploitation suffisante et durable pour couvrir leurs coûts et financer leurs développements. Si les sites qui travaillent sur des niches et ceux qui cumulent la production et la distribution s’en sortent généralement mieux, la situation est particulièrement difficile pour les « purs distributeurs ». « Depuis deux ans, le e-commerce est entré dans une spirale déflationniste. Avec un panier moyen en berne et des coûts marketing qui augmentent de 25 % par an, les sites qui ne se battent que sur le prix se trouvent dans un étau impossible à résoudre », analyse Yariv Abehsera, président de Travelski.com. Dans les secteurs les plus concurrentiels, les sites font parfois face à une concurrence étrangère aux tarifs redoutables. Certains e-commerçants affrontent aussi la reprise de pouvoir des grandes marques traditionnelles (Pampers, Evian…) qui commencent à se structurer avec leurs propres boutiques en ligne. « Ces e-distributeurs se trouvent souvent dans une grande dépendance par rapport à Google, même si le RTB, le CRM ou l’e-mail scoré leur offre désormais des opportunités pour aller chercher une meilleure conversion », pointe également Hervé Bloch, pdg de Digilinx et organisateur avec Travelski des Big Boss font du Ski.
Il faut aussi compter avec des clients hyper-connectés, tout à fait familiers du e-commerce et de plus en plus exigeants : les avantages qui faisaient encore la différence il y a quelques années (promotion, livraison gratuite en quelques jours, échange sans frais…) ne suffisent plus pour déclencher l’achat et, à plus forte raison, le ré-achat. Autant d’éléments qui plaident pour une importante restructuration du secteur et une concentration des acteurs, notamment chez les sites les plus généralistes. « Le e-commerce traditionnel est mort », va même jusqu’à affirmer Philippe Wargnier, président du site d’optique Evioo.
Miser sur le service
Pour trouver les leviers d’une nouvelle croissance et gérer la transition, bon nombre de sites reviennent aux fondamentaux de la relation client et mettent le service au cœur de leur proposition. Plus la cible client se précise, plus l’offre de service se resserre et peut devenir pertinente. Dans le drive pilote qu’il a ouvert à Marignane, Houra a misé sur l’étendue de l’offre mais aussi sur la qualité du service lors de la préparation de la commande afin d’éviter les erreurs qui gâchent l’expérience client. En proposant des offres packagées de courses alimentaires ou des pré-réservations de matériel, Travelski réduit les points de contact des familles qui rejoignent les stations de sport d’hiver, tout en leur montrant qu’une valorisation du temps est aussi une forme d’économie. Au-delà du billet et des services à bord du train, iDTGV développe pour sa part des offres « porte à porte » avec des taxis disponibles à l’arrivée des trains, des micro-navettes, des prises en charge de bagages… « Il ne s’agit pas seulement de comprendre les besoins du client lors du voyage et de proposer un service adapté, mais aussi d’être compétitif sur le prix, ce qui nécessite de trouver le bon partenaire », souligne Valérie Dehlinger, directrice générale d’iDTGV.
Jouer la complémentarité entre web et le magasin
Si le web constitue de loin le plus grand magasin qu’un consommateur peut avoir à sa disposition, ce dernier reste souvent attaché à des lieux bien réels, et pas seulement pour les opportunités de « showrooming ». « Le réseau physique lève les freins dans des secteurs où les gens ne sont pas habitués à se tourner vers le e-commerce », note Philippe Wargnier, dont le site Evioo mise pleinement sur cette complémentarité. L’internaute choisit et essaie en ligne sa paire de lunettes puis se rend chez l’un des opticiens correspondants pour la vérification de l’ordonnance, l’essayage et l’ajustement des verres. Dans cette même logique de réassurance, Travelski teste depuis quelques mois une présence en agence de voyages à Paris et Metz. « Il faut que le magasin soit beaucoup plus à la page que l’agence des années 2000 », estime toutefois Yariv Abehsera.
Exploiter judicieusement la data
La navigation et les achats en ligne permettent aux e-commerçants de disposer d’une foule d’informations sur leurs clients, ce qui est loin d’être négligeable à l’heure du big data. « Grâce aux données collectées, nous développons des communications plus personnalisées avec nos clients mais nous ne sommes pas là pour les espionner, au risque de perdre leur confiance. Plutôt que d’entrer dans une course à la data, il est déjà judicieux d’optimiser les informations qui sont en notre possession », estime Nicolas le Herrissier, directeur marketing et communication de Houra. Une analyse de la data sur les réseaux sociaux permet parfois de développer de nouveaux modes d’acquisition de clients. iDTGV tente d’adresser des prospects à partie de leurs centres d’intérêt autres que le train ou de leur mode de vie. Même si ce canal reste encore très minoritaire, il n’en reste pas moins prometteur…
Christine MonfortRubrique réalisée en partenariat avec ETO