26 avril 2017

Temps de lecture : 3 min

Doit-on réinventer l’innovation ?

Repenser et changer notre société n’est plus une réflexion cyclique, mais quotidienne. La multiplication exponentielle des labs et autres départements R&D démontre que notre système se cherche…

Repenser et changer notre société n’est plus une réflexion cyclique, mais quotidienne. La multiplication exponentielle des labs et autres départements R&D démontre que notre système se cherche…

Signe avant-coureur : deux entreprises aussi énormes que Tesco et Nike (respectivement 76 milliards et 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires) ont créé leurs « labs » : le Tesco Labs et le Nike Fuel Labs. Sont-ils illustratifs d’une nouvelle forme d’innovation ? Que nous apprennent-ils sur l’époque et sur les nouveaux modèles économiques ?

Depuis quelques années, les labs semblent être (revenus) à la mode, ceux de Nike, Tesco, Walmart en éclipsent des milliers d’autres. Les entreprises lancent aujourd’hui des labs un peu comme on créait autrefois des départements des ressources humaines ou de relation client. La généralisation de ce phénomène aurait presque tendance à nous faire oublier qu’il y a une centaine d’années, un mouvement similaire se produisait.

Chronique industrielle ou mutation fondamentale ?

En 1900, Thomas Edison ouvrait un lab au sein de General Electric avec l’ambition d’explorer les possibilités technologiques offertes par le développement de l’électricité. Ce laboratoire a constitué, pendant près d’un siècle, un cadre de référence pour l’introduction de cellules R&D dans les entreprises. Aujourd’hui, Internet semble avoir sur les entreprises le même impact que l’électricité au début du siècle dernier ; les labs se développent avec l’ambition d’explorer le champ des possibles offert… par la révolution digitale. Quelque chose a-t-il changé entre ces deux séquences ?

Les nouveaux labs issus de la déferlante digitale se sont développés dans les entreprises alors même que des cellules R&D existaient déjà. Comment justifier alors un tel doublon ? Au fil des années, les départements R&D ont gagné en volume, mais ont perdu en flexibilité. Or, le digital impose aujourd’hui aux entreprises une réactivité sans précédent. La durée de vie d’un produit ou d’un service digital est beaucoup plus courte que toutes les autres formes de production imaginées jusqu’ici. Pour faire face à cette réactivité, les nouveaux labs, s’appuyant très souvent sur de nouveaux process d’innovation tel que le design-thinking, fonctionnent en circuit court et de manière très itérative. Le principe est simple : échouer rapidement pour réussir rapidement. Des siècles d’innovation nous ont appris qu’il est très rare de trouver exactement ce que l’on cherche, et que le chemin entre le problème et la solution n’est pas aussi rectiligne que la théorie le dit. Les nouveaux process intègrent le test, l’échec et l’amélioration continue au cœur. Fini l’époque où une grande phase de recherche précédait la réalisation puis le test, et où l’amélioration intervenait des mois ou des années plus tard…

Des technologies & des humains

Les innombrables possibilités offertes par le digital ont parfois poussé les entreprises à une frénésie d’innovations, allant jusqu’à oublier l’objectif même de la discipline. Aujourd’hui, de nombreux labs se recentrent sur l’usage et distinguent ainsi ce qui relève de l’invention pure (sans intention commerciale ou industrielle) et ce qui est de l’ordre de l’innovation, qui a pour objectif le développement sur un marché. Cette deuxième branche nécessite donc de s’intéresser autant aux possibilités offertes par les nouvelles technologies qu’aux problèmes quotidiens que rencontrent les consommateurs.

Trop d’innovations émergent du simple fait d’une avancée technologique et ne parviennent pas à rencontrer leur audience une fois la mise sur le marché. Il s’agit aujourd’hui de passer autant de temps à l’identification des besoins, des envies que rencontrent les consommateurs, qu’à la définition de la solution technologique que l’on apportera. Ces deux pans sont indissociables. Entre le lab de Thomas Edison et les nouveaux labs, c’est l’objet même de l’innovation qui a changé. On est passé d’une innovation reposant avant tout sur la conception de nouveaux produits/services et de nouveaux process de production à des innovations réinventant les modèles économiques. Airbnb, Blablacar, Uber, YouTube, ces entreprises n’ont pas seulement imaginé de nouveaux services, elles ont repensé la manière de créer de la valeur, notamment en transférant la production de celle-ci de l’entreprise aux consommateurs-producteurs.

Thinking out of the box, ou comment recréer de la valeur

Ces nouveaux modèles économiques ont radicalement remis en cause les modèles existants, et c’est certainement d’ailleurs pour cette raison que Airbnb n’a pas été créé par un groupe hôtelier, ni Blablacar par un constructeur automobile ou YouTube par une grande chaîne de télévision. Il est aujourd’hui difficile pour une entreprise de concevoir une innovation qui tendrait à scier la branche sur laquelle elle est assise… Et pour autant, cela est primordial afin de muter en douceur d’un modèle économique obsolète à un modèle économique porteur, un peu dans une dynamique de « destruction créatrice » chère à J. Schumpeter. Pour ce faire, ces nouveaux labs agissent aujourd’hui comme des incubateurs, intégrant en leur sein des personnes venues d’horizons différents et par conséquent plus à même de remettre en cause le modèle existant. Il s’agit alors pour les labs, les responsables du marketing ou de l’innovation, de « penser en dehors de l’entreprise », là où les idées peuvent naître plus librement. Une belle leçon pour le futur…

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