17 mars 2019

Temps de lecture : 4 min

Dis-moi quelle data tu as, je te dirai quelle émotion tu es ! 1//2

Depuis environ trois ans, les données émotionnelles sont le nouveau terrain d’exploration des data scientists et des marketeurs... Un enjeu non-négligeable pour qui veut approfondir et nourrir sa relation avec ses clients actuels et à venir. Petit panorama non exhaustif de l’état de l’art, 1/2.

Depuis environ trois ans, les données émotionnelles sont le nouveau terrain d’exploration des data scientists et des marketeurs… Un enjeu non-négligeable pour qui veut approfondir et nourrir sa relation avec ses clients actuels et à venir. Petit panorama non exhaustif de l’état de l’art, 1/2.

Dans la foulée des données comportementales qui s’attachent à comprendre le parcours d’un client sur un site Web, dans un magasin physique ou encore dans les transports, l’enjeu est désormais de sonder un cran plus loin ce qui motive in fine la décision d’un consommateur. Selon l’expérience vécue par ce dernier, l’émotion s’avère être très souvent la clé qui va dicter une réponse comportementale. On l’a peut-être déjà perdu de vue tant elle fait dorénavant partie intégrante de l’expérience mais le 24 février 2016, Facebook a introduit une petite révolution en matière de data émotionnelle. Ce jourlà, la plateforme sociale adjoint à son célébrissime pouce levé, cinq nouveaux émoticônes que l’internaute peut cliquer à sa guise pour préciser sa réaction face à un contenu publié.

On y trouve donc un cœur pour « j’adore », un éclat de rire pour « Ha Ha », une bouche bée pour « wow », une larme qui coule pour « Triste » et un visage énervé pour « Grr ». Derrière ces sympathiques boutons interactifs, c’est une mine de données encore plus qualifiées qui s’ouvre pour Facebook puisque pour un même contenu, l’algorithme est alors en mesure de répartir les émotions suscitées et de disposer d’une palette d’analyses plus complètes que le binôme pouce levé/ absence de pouce. C’est aussi le moyen d’accéder plus vite à la lecture des émotions des internautes par rapport aux approches plus complexes de textmining et d’analyses sémantiques effectuées sur les commentaires. Au final, ce décodage des émotions constituerait un levier puissant pour capter et fidéliser une audience et accroître son engagement.

Phénomène de mode ou tendance de fond ?

Longtemps d’essence mathématique et rationnelle, les algorithmes (mais aussi l’intelligence artificielle) s’aventurent maintenant dans le vaste champ des émotions pour les restituer sous forme de données qui seront autant d’indices et de critères pour affiner et nourrir une stratégie marketing. Ces données peuvent provenir de diverses sources comme les émoticônes de Facebook mais aussi de la reconnaissance des expressions faciales, de la tonalité vocale, des pulsations cardiaques et de l’activité électrique des neurones du cerveau via des capteurs (avec évidemment le consentement du consommateur). Autant dire que s’ouvrent de vertigineuses perspectives pour la data émotionnelle. Perspectives dans lesquelles se sont déjà engouffrés divers acteurs technologiques qui y voient là le nouveau Graal du marketing pour mieux saisir ce consommateur volontiers volatile, paradoxal ou imprévisible. On pourrait certes être tenté d’y voir une nouvelle mode évanescente comme le marketing en recèle quelquefois.

Pourtant, passer à côté du phénomène de la data émotionnelle serait une impasse préjudiciable. Selon Tractica, un institut américain d’études de marché qui recourt aux nouvelles technologies pour comprendre le consommateur, l’encore adolescent marché des logiciels d’analyse d’émotions est dorénavant en phase d’envol. D’après ses estimations, il devrait passer de 123 millions de dollars cette année à 3,8 milliards en 2025. Avec des secteurs d’activités particulièrement demandeurs comme la publicité évidemment mais aussi la distribution, les jeux en ligne, la santé et les services à la personne. Et un but ultime en commun : personnaliser plus humainement la relation client. Cette promesse est typiquement ce qu’entend satisfaire Watson, le programme d’intelligence artificielle développé par IBM. Devenu fameux en 2011 pour s’être imposé devant tous les candidats humains lors du jeu télévisé Jeopardy, Watson n’en finit pas de progresser et d’étendre sa compréhension de l’humain. Il s’est notamment doté de deux nouvelles fonctionnalités baptisées Tone Analyser et E-motion Analysis. Tone Analyzer peut reconnaître 9 tonalités sur 3 axes : les émotions exprimées, l’inclination sociale et le style d’écriture. E-motion Analysis sert à analyser du contenu extérieur à l’entreprise pour mieux comprendre les émotions exprimées, par exemple lors d’une session de chat avec un client.

Pourquoi mieux comprendre les émotions du client ? 

Pour autant, qu’est-ce qui peut bien autant pousser scientifiques et marketeurs à s’intéresser de si près à l’horlogerie subtile et complexe des émotions humaines ? On peut globalement distinguer deux centres d’intérêt. Le premier découle de l’avènement du web social et collaboratif. L’obscur client qui râlait (ou félicitait) souvent dans le vide ou via des centres d’appels très centralisés, s’est transformé en portevoix capable d’endosser une casquette d’ambassadeur ou de détracteur dont la portée est désormais immensément grande. Entre réseaux sociaux, plateformes et applications de notation, commentaires de sites d’e-commerce et blogs, le consommateur peut fait état de toute sa palette d’émotions… et de temps à autre influer significativement sur la perception d’un produit ou d’une marque par un public plus large. Par exemple, l’étude publiée en juin 2018 par Trustpilot, le leader des avis clients, souligne que 60% des acheteurs lisent un minimum de 3 avis avant de décider d’acheter (ou pas) un produit. Autrement dit, les émotions exprimées par d’autres vont résonner chez le client en recherche d’acquisition. Dès lors, on comprend mieux pourquoi une marque a besoin d’investir ce nouveau terrain de connaissance clients.

Le deuxième centre d’intérêt est apparu dans la foulée des neurosciences. Quantité de brillants cerveaux travaillent d’arrache-pied pour savoir précisément ce que ressent un consommateur face à un message publicitaire, un emballage marketing ou même une expérience en magasin. En effet, le ressenti d’un individu s’avère être encore plus décisif que la pensée logique de ce dernier. Le philosophe Raymond Aron ne disait-il pas : « Entre passion et raison, les peuples choisissent souvent la première ». Appliquée à l’échelle du consommateur, cette maxime fonctionne aussi à cause de la façon dont fonctionne le cerveau humain. Professeur émérite à HEC et co-auteur avec AnneSophie Bayle-Tourtoulou d’un livre intitulé « Le neuroconsommateur. Comment les neurosciences éclairent les décisions d’achat du consommateur », Michel Badoc explique ce que les neurosciences ont mis en évidence(1) : « Nous avons trois cerveaux, le cerveau primaire associé aux réflexes, le cerveau limbique pour les émotions et le néocortex pour la réflexion ». Lors d’une décision à prendre, ce trio neuronal se relaie mais l’émotion apparaît souvent prépondérante. L’expert ajoute(2) : « 70% à 80% de nos achats seraient irrationnels selon les travaux de chercheurs américains. Et en plus, l’émotion facilite aussi l’ancrage mémoriel. Exit donc le consommateur rationnel, place au consommateur émotionnel ».

(1) – Valérie Xandry – « Analyser les émotions des consommateurs : la nouvelle arme du marketing ? » – Challenges.fr – 25 mai 2017
(2) – Ibid

Pour retrouver l’intégralité du rapport n°1 Data & Emotion – INfluencia x Kiss The Bride, c’est ici.

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