La grande affaire. Des écrans, des bornes, des QR codes, des beacons, du data catching, du data monitoring… Mais pour faire quoi ? Pour équilibrer le combat offline/online ? Pour faire de « l’experiential shopper » ? Ou tout simplement pour faire du digital pour du digital ?
Des écrans on en a partout. Même dans les points de vente où nous nous rendons mais pas forcément pour regarder la télé. Car quand on s’y rend, c’est du sérieux et notre achat est déjà étudié, mûri et informé. Nous sommes des acheteurs devenus professionnels du croisement des informations, du recoupement des avis et des données. Notre boutique virtuelle est immense et bruissante de commentaires. Mais cette attention sérieuse que nous portons à nos achats et à la manière de les optimiser n’est pas seulement dûe aux possibilités que nous offre la technologie. Elle répond à une volonté nouvelle et plus profonde.
Un nouveau mode de consommation
Car aujourd’hui, nous n’achetons plus comme avant. Nous investissons. La crise nous aura au moins appris ça. Bien sûr nous privilégions plus fortement l’achat de raison que l’achat d’impulsion. Mais au-delà, ce qui est vraiment nouveau, c’est que nous sommes devenus pragmatiques au point de chercher le prix juste plutôt que le prix bas. Nous voulons maximiser la variable qualité du rapport qualité/prix, là où nous ne cherchions auparavant qu’à agir sur la variable prix.
L’achat a donc muté. Il est devenu pragmatique (j’investis plus que je ne consomme), et professionnel (je suis informé par une immense boutique sociale, bien plus vaste que le point de vente). Dans un tel contexte, la question de la digitalisation du point de vente semble prendre tout son sens. Ou en tous cas ouvrir de belles perspectives.
C’est ainsi que certaines enseignes ont parfaitement compris que l’enjeu se situait plus sur la numérisation du service en point de vente que sur une digitalisation souvent gadget de « l’expérience shopper ». Il en va de même pour le développement du data catching et du data monitoring pour coller au plus près (c’est-à-dire en temps réel) du désarmant comportement des showroomers (je viens voir les produits pour les acheter ailleurs). Bonne idée au départ. Sauf que…
A trop vouloir tracker, on finit par vraiment traquer
L’hyper catching ou l’hyper personnalisation porte en elle le danger de créer une nouvelle forme de « vallée de l’inconfort », lorsque le service devient harcèlement et la personnalisation, intrusion. C’est la meilleure façon d’éloigner le showrommer de l’acte d’achat. Ce qui est l’inverse de l’effet recherché. Plutôt donc que de penser digitalisation du point de vente ou même numérisation des comportements d’achats, peut-être faudrait-il se concentrer sur la digitalisation du conseil et du service. Mais en toute transparence. Il ne s’agit plus de tracker mais d’ouvrir le conseil à ces nouveaux comportements. Le point de vente évitera l’écueil du showrooming en le prenant non pas comme quelque chose à éviter mais à épouser, à accompagner.
Le digital en point de vente, même s’il a recours au tracking, doit se concentrer sur l’amélioration et l’augmentation de la valeur service. Une valeur service dont les comportements de showrooming disent en creux qu’elle constitue une très forte attente. Car ce sont bien les comportements qui définissent la fonction d’une technologie. Et non pas l’inverse. Les ressources et possibilités nouvelles qu’offrent certaines technologies digitales ne doivent pas être pensées dans une opposition on line/offline. Elles doivent être pensées en ligne avec les comportements des shoppers qui eux, ne sont pas l’un ou l’autre, mais les deux, en permanence. Ce n’est qu’à cette condition que le retail devenu digital conservera son utilité finalement historique : le service et le conseil. Simplement élargis à la sphère des comportements réels.