Il est peu probable que vous considériez #chef, un « feel good movie » automnal des plus classiques qui sort aujourd’hui, comme le film à ne pas rater. Il nous propose pourtant une grande première : l’utilisation du digital comme pivot de l’intrigue dans un film destiné au grand public.
Historiquement, Hollywood est plutôt un miroir conservateur de notre société. Un film est un projet onéreux qui doit être rentabilisé en plaisant au plus grand nombre. Tout ce qui est susceptible de ne pas être compris du grand public est consciencieusement éliminé du montage final par la production. Aussi, tout ce qui a trait au digital a longtemps été relégué dans des films d’anticipation, d’espionnage ou des biopics (The social network). Rares concession à la modernité, des personnages de hackers sont apparus aux côtés des « méchants » (Opération Espadon) ou des « bons » (Die Hard IV) et les blogueurs se sont parfois substitués aux journalistes arrogants des décennies précédentes (Contagion).
#chef, une belle recette
Signe des temps, #chef embrasse le digital comme partie intégrante de notre société. Tous les temps forts du scénario, une histoire convenue de la chute et de la rédemption d’un chef qui apprend à se réinventer, quittant le confort douillet d’un restaurant étoilé pour vivre l’aventure moderne du food truck, sont marqués par le numérique. C’est un blogueur qui initie la chute du héros, c’est un fail sur Twitter qui la précipite. Et à l’heure de se remettre en selle, en reconsidérant son métier et les valeurs qui y sont associées, c’est encore par les réseaux sociaux que Jon Favreau, le chef en question, reconquiert sa notoriété et affirme son nouveau positionnement en publiant des contenus dans l’air du temps (selfies, timelapse…). Tout au long de ces épreuves, c’est son fils, représentant de la génération digital native, qui l’épaule numériquement.
#chef nous a interpellés parce que tout ce qu’il décrit fait partie de nos métiers : veiller, alerter, gérer les crises, comprendre les usages, se repositionner, fédérer et animer une communauté grâce à des contenus protéiformes qui voyagent… Il met aussi en exergue l’échange entre la compétence professionnelle du père et la connaissance des codes du digital du fils, qui vont leur permettre de surmonter les obstacles. Au cœur de cette relation, il est bien entendu question d’expertise, mais aussi de confiance. Cela nous renvoie également vers ce que nous considérons comme les deux piliers d’une collaboration client-agence réussie.
Nous tirons une autre leçon de ce film. Nous entendons encore trop souvent les entreprises s’inquiéter du niveau de « digitalisation » de leurs publics, se demander si tous sauront s’approprier tel contenu, si tel dispositif n’est pas réservé aux seuls « geeks » et autres « internautes ultra connectés »… Si Hollywood considère qu’une comédie à plusieurs dizaines de millions de dollars peut reposer sur les aventures (et mésaventures) digitales d’un cuisinier, c’est bien que cette industrie juge que les gens comprendront de quoi il est question. Cela devrait tous nous inciter à être moins frileux.
Aujourd’hui, au-delà des générations, la majorité de la population s’est appropriée le digital. Ce n’est plus une révolution technologique mais bien une évolution culturelle. Nous devrions donc tous avoir plus confiance dans nos intuitions et passer plus de temps à essayer d’éveiller l’intérêt des audiences, initier ou encourager les nouvelles pratiques qu’à nous inquiéter de leur compréhension.
Jérôme Delaveau, PDG et co-fondateur de l’agence Human to Human