18 avril 2025

Temps de lecture : 4 min

Désert d’Atacama : transformation d’un cimetière de la fast fashion en terre de recyclage

Le désert d’Atacama, au Chili, est devenu l’un des plus grands cimetières de la mode, où s’entassent chaque année près de 39 000 tonnes de vêtements abandonnés par l’industrie de la fast fashion. Face à cette catastrophe écologique, l’initiative “Re-commerce Atacama” propose d'offrir une seconde vie à tous ces vêtements rejetés.

Le gaspillage vestimentaire est un problème mondial croissant. En Europe, quatre millions de tonnes de déchets vestimentaires sont jetées chaque année. Chaque Français achète en moyenne 9 kg de vêtements par an et n’en trie que 3 kg. Résultat : l’industrie textile est responsable de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce qui en fait le cinquième secteur le plus polluant. Son impact carbone est supérieur à celui des vols internationaux et du trafic maritime combinés. Rien qu’en France, entre 10 000 et 20 000 tonnes de produits textiles sont détruits chaque année, soit l’équivalent du poids d’une à deux tour(s) Eiffel. 

Cette situation est exacerbée par le modèle de consommation de la fast fashion, qui pousse à sans cesse renouveler sa garde-robe, sans aucune considération pour ses besoins réels en vêtements. Ainsi, 70 % de notre garde-robe ne serait pas portée et nos vêtements seraient utilisés en moyenne sept à dix fois. Mais bien plus qu’en France, aucun autre endroit dans le monde n’incarne mieux ce paradoxe meurtrier pour la planète que le désert d’Atacama au Chili…

Cet endroit magique que l’on surnomme également le désert fleuri pour sa capacité à se couvrir d’un tapis de fleurs multicolores tous les cinq à sept ans environ est aujourd’hui l’une des plus vastes décharges textiles mondiales. Chaque année, des milliers de tonnes de vêtements y sont abandonnés, principalement des articles bon marché de qualité médiocre, composés de fibres synthétiques mélangées non recyclables, qui demeurent dans l’environnement pendant des siècles.

Re-commerce : nettoyer par le clic

Pour remédier à cette situation, une initiative de commerce de seconde main a été lancée afin de donner une nouvelle vie aux vêtements accumulés dans cette région. Le projet “Re-commerce Atacama” est une plateforme permettant d’acquérir des vêtements rejetés par l’industrie de la mode dans le désert d’Atacama, souvent quasi neufs et issus de grandes marques du secteur. L’atout majeur de cette initiative est que les articles sont gratuits, le consommateur ne payant que les frais d’expédition, contribuant ainsi à l’extraction de ces vêtements du désert.

Cette initiative est portée par Vtex, spécialisée dans les solutions de commerce électronique, en collaboration avec le mouvement activiste Fashion Revolution Brésil et le collectif Desierto Vestido, qui œuvre pour promouvoir l’économie circulaire dans la région. De plus, l’agence de publicité brésilienne Artplan a participé à la conception et au développement du concept créatif. Le slogan “Ne pas acheter. Sauver.” invite les utilisateurs à contribuer au nettoyage du désert d’Atacama. Fernanda Simon, directrice exécutive de Fashion Revolution Brésil, a exprimé : « Nous vivons une urgence climatique et l’industrie de la mode a besoin d’engagements plus solides. Cette action est une manière d’attirer l’attention sur ce qui se cache derrière les vêtements et de provoquer de nouvelles façons de nous y rapporter ».

La première collection de vêtements est disponible depuis la fin du mois de mars et comprendra des pièces en bon état, récupérées dans le désert par les membres de Vestido Desierto. Ces vêtements ont été nettoyés et désinfectés pour être réutilisés. Vtex a pris en charge la logistique de livraison, rendant possible l’expédition vers n’importe quelle destination dans le monde.

Changer le récit de la fast fashion

Cette initiative vise à transformer les déchets en opportunités, offrant une seconde vie aux vêtements. De manière innovante et pratique, elle attire l’attention sur l’impact environnemental de l’industrie de la mode et encourage une réflexion sur les modèles actuels de surproduction et de consommation excessive. On estime qu’environ 39 000 tonnes de vêtements sont déversées chaque année dans la région, une situation est principalement due au marché de la fast fashion dominant aux États-Unis, en Europe et en Asie.

Mariano Gomide de Faria, PDG de Vtex, a déclaré : « Nous croyons que chaque pièce a une histoire et un objectif. Notre mission est de sauver ces vêtements et de leur donner une nouvelle chance, en favorisant une prise de conscience sur le consumérisme exacerbé que l’industrie de la mode promeut aujourd’hui ».

Rodrigo Almeida, directeur de la création chez Artplan, ajoute : « Nous avons pris un problème réel et l’avons transformé en une histoire qui connecte, génère de l’engagement et de la conscience. Atacama Re-commerce n’est pas seulement un projet de réutilisation, mais une manière de donner une voix aux pièces jetées, de raconter le parcours de ces vêtements et, en même temps, de provoquer un regard plus critique sur la consommation ».

Repenser la mode

Comme évoqué en début de papier, l’industrie textile est le cinquième secteur le plus polluant. De plus, la fast fashion est très gourmande en eau, étant le troisième secteur consommant le plus d’eau, après la culture du blé et du riz. La confection d’un tee-shirt en coton nécessite l’équivalent de 70 douches en eau.

Face à ce constat alarmant, de nombreuses initiatives émergent pour tenter de réduire l’empreinte écologique de la mode. Sur le plan technologique, certaines startups développent des fibres innovantes à base de matériaux recyclés ou biologiques, comme Fairbrics, qui transforme le CO₂ industriel en polyester, ou SeaCell, qui fabrique des textiles à partir d’algues marines. D’autres, comme Worn Again Technologies, s’attaquent au défi du recyclage chimique des vêtements en séparant les fibres complexes pour leur donner une seconde vie.

Parallèlement, des plateformes comme Vinted, Vestiaire Collective ou Imparfaite encouragent l’économie circulaire en facilitant la vente et l’achat de vêtements de seconde main. L’intelligence artificielle est aussi mise à contribution : certaines marques utilisent des algorithmes pour ajuster leur production en temps réel selon la demande, limitant ainsi les invendus. Des solutions de traçabilité basées sur la blockchain permettent, quant à elles, de garantir la transparence des chaînes d’approvisionnement et de responsabiliser les consommateurs.

Enfin, dans une logique plus globale, plusieurs collectivités locales expérimentent des systèmes de collecte textile renforcés et des programmes de sensibilisation auprès des citoyens, à l’instar de la ville de Paris, qui a lancé des “points d’apport volontaire” et subventionne des ateliers de réparation textile. Ces démarches, encore marginales à l’échelle mondiale, dessinent pourtant les contours d’une mode plus durable et résiliente.

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