« Nos journaux doivent être attrayants pour 2026. Les municipales, c’est notre coupe du monde », Denis Carreaux (Groupe Nice-Matin)
Le groupe Nice-Matin a modernisé et revu en profondeur la maquette de ses trois quotidiens. Denis Carreaux, directeur des rédactions et directeur délégué de Nice-Matin et Monaco-Matin, explique en quoi cette évolution s’inscrit dans le plan de relance du groupe et lui permettra de mieux défendre ses positions, notamment dans la perspective des municipales 2026.
(c) Groupe Nice-Matin
IN : Les trois titres du groupe, Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin, ont adopté vendredi 28 février 2025 une nouvelle maquette. En quoi ces évolutions sur le print illustrent-elles l’importance donnée au papier dans la transformation du modèle du groupe ?
Denis Carreaux : c’est le cœur du sujet dans ce qui a été fait depuis cinq ans. Le journal papier est toujours fort et reste la vitrine de nos marques pour les lecteurs et pour les annonceurs. La nouvelle formule envoie un message fort : on investit dans le papier car on y croit toujours et qu’il concentre encore une part très importante de nos revenus. Il s’agit aussi de poursuivre sur la forme les évolutions nous avions menées sur le fond du journal. Plusieurs nouvelles formules avaient été lancées au fil des ans mais la base des maquettes avait une vingtaine d’années. Depuis un an et demi, nous avons mené un travail sur la refonte complète avec Jean-François Labour, qui a notamment dirigé la refonte des maquettes du Figaro, de L’Equipe, du Parisien et créé celle de La Tribune Dimanche. Il avait déjà réorganisé la Une en octobre 2023. Il s’agissait désormais de tout changer pour avoir un journal plus moderne et plus élégant, avec des accents un peu magazine. Comme d’autres, nous avons dû augmenter notre prix de vente et nous devons proposer aux acheteurs des produits plus haut de gamme sur la forme, plus colorés avec un code couleur qui est repris sur la tranche de la une. Ces nouvelles maquettes sont aussi un signal au moment où nous commençons à fêter les 80 ans de nos titres, Nice-Matin en 2025 puis Var-Matin en 2026. Il s’agissait aussi d’aborder 2026 avec un journal attrayant et agréable pour les municipales. C’est un peu notre Coupe du monde et il faut que nous soyons au rendez-vous sur cette échéance.
On investit dans le papier qui est toujours fort et reste la vitrine de nos marques pour les lecteurs et pour les annonceurs
IN : Par les débats organisés au moment des législatives de 2024, les médias locaux ont eu un rôle important, montrant notamment aux citoyens la faiblesse de certains candidats du Rassemblement national. Des quotidiens nationaux ont vu leur diffusion et leurs abonnements numériques boostés après la dissolution. Avez-vous remarqué ces mêmes effets pour vos titres ?
D.C. : nous l’avons davantage senti sur le papier que sur le digital où nous dépendons des choix des algorithmes de Google Discover qui ne nous considèrent pas comme les plus légitimes sur ces sujets. Au moment des législatives, pas mal de nos vidéos tournées pendant les débats organisés sur nos plateaux ont tourné sur les réseaux sociaux… Nous avons enregistré de très bons résultats de vente avec les différentes échéances politiques de l’an dernier, notamment lors d’épisodes forts avec nos figures politiques locales. Pour les municipales, on sait qu’à Nice, à Toulon ou dans d’autres villes de nos départements, il y aura des enjeux forts et des batailles observées au niveau national. Nous devons être leaders et moteurs sur cette actualité, et faire vivre la campagne des municipales jusque dans chaque village. En dehors des personnalités politiques locales pour lesquelles nous sommes très identifiés – ce qui a ses avantages et ses inconvénients, et nous amène parfois à défendre bec et ongle l’indépendance de la rédaction – les politiques ont souvent tendance à oublier à quel point la presse régionale est incontournable. Ils y reviennent toujours… On l’a vu par exemple avec la manière dont Emmanuel Macron s’est appuyé sur la PQR pour sa déclaration de candidature ou pour diffuser sa lettre aux Français au moment des Européennes. Les actualités politiques, comme les enquêtes que nous proposons – notamment sur Monaco qui a connu plusieurs affaires ces dernières années – nous ont parfois permis de renouer avec des journées de diffusion en augmentation, ce qui n’était plus arrivé depuis assez longtemps et qui est encourageant. Plus on est sur de l’info exclusive, plus on cartonne.
IN : Après les évolutions sur le print, d’autres échéances sont à venir cette année sur le numérique…
D.C. : 2025 est une année où on change tout ! Un nouveau site arrivera cet été avec là aussi un vrai enjeu et de nouvelles applis arriveront en fin d’année. Sur le web, nous proposerons une plateforme commune à nos trois marques tout en préservant l’identité de chacune d’entre elles. Les internautes choisiront leur marque. En 2025, nous nous dotons d’un nouveau CMS qui va enfin nous permettre de faire du web first, d’autant que nous équipes ont été bien formées à la culture numérique ces dix dernières années. Nous avons désormais 17 newsletters, dont 5 newsletters locales, qui nous permettent d’aller chercher une audience que nous n’avions pas. Leurs taux d’ouverture sont excellents, entre 40 et 45 %, et même jusqu’à 66 % pour la newsletter hebdomadaire Ficanice (11 000 abonnés) qui parle des bons plans, des sorties, des infos incontournables et de la culture locale de Nice. Celle sur Toulon, De la rade au Faron compte 10 000 abonnés, tout comme notre newsletter thématique Marches & Merveilles sur la randonnée. Cette année, nous mettons aussi fortement l’accent sur le développement des contenus vidéo. Nous nous organisons pour travailler les ressources, mieux organiser la production et, surtout, donner de la visibilité à ces contenus sur tous nos supports. C’est aujourd’hui notre talon d’Achille et il y a un gros travail à mener sur le sujet. Depuis deux ans, nous avons aussi accéléré fortement sur les réseaux sociaux et constitué une équipe social media courant 2023. Nous observons des croissances à trois chiffres, notamment sur Instagram.
Cette année, nous nous organisons pour mettre fortement l’accent sur le développement des contenus vidéo
IN : de nouveaux formats publicitaires ont été créés. Comment se comporte la publicité ?
D.C. : la publicité reste importante dans le modèle économique mais traverse des périodes un peu compliquées. D’où l’importance d’innover avec de nouveaux supports, comme nous l’avons fait avec Nouvelle Ere (magazine lancé en octobre 2022 et destiné aux plus de 55 ans, ndlr) et de nouveaux formats qui accompagnent la nouvelle formule. La publicité locale est plus difficile que la publicité extra-locale (commercialisée via 366, ndlr) car les annonceurs vivent eux-mêmes des situations compliquées.
Après l’énorme travail réalisé sur la réduction des coûts, des charges et de la masse salariale, nous voulons revenir à l’équilibre le plus rapidement possible, d’ici deux à trois ans
IN : Depuis cinq ans, l’actionnariat mené par NJJ et Xavier Niel est stable. D’importantes restructurations ont été menées, dont un plan de départ en 2024. Où en êtes-vous de ce plan de relance et quelles sont les perspectives de retour à l’équilibre ?
D.C. : la stabilité de l’actionnariat est un vrai atout et un confort même si tout n’est pas simple pour autant. Depuis l’arrivée de NJJ (la holding personnelle de Xavier Niel, ndlr), il y a eu énormément de restructurations qui étaient totalement nécessaires et des changements de gouvernance avec différents directeurs généraux à partir de 2020 : Christophe Mare puis Jean-Louis Pelé pendant trois ans à partir de 2021, et Simon Perrot depuis juillet 2024. Après la période de restructuration, la sortie du plan de sauvegarde…, il s’agit maintenant d’entrer dans une période de développement. Le groupe, qui était proche de l’équilibre en 2022, a vu sa situation rechuter en 2023 et 2024, notamment du fait de l’explosion des coûts du papier et de l’énergie. En 2024, il a accusé une perte de l’ordre de 3 M€ sur un chiffre d’affaires de 60 M€. Nous voulons revenir à l’équilibre le plus rapidement possible, d’ici deux à trois ans. Un travail énorme a été réalisé sur la réduction des coûts, des charges et de la masse salariale. Le plan de départs a, pour la première fois, concerné aussi la rédaction avec le départ de 30 journalistes.
IN : qu’en est-il des abonnements numériques qui étaient une des priorités ?
D.C. : On n’est pas satisfaits de tout ce qui a été mené. Un changement de logiciel en 2021 nous a fait perdre des abonnements print et numériques mais nous sommes depuis en train de remonter la pente. Nous avons élargi et généralisé le couplage print-digital, ce qui nous a permis d’atteindre un portefeuille 60 000 abonnés, dont 16 000 purement numériques (le groupe comptait 13 000 abonnés pur numérique et 18 500 couplés print et numérique en 2021, ndlr). Il s’agit maintenant de repartir sur une dynamique forte et de continuer la progression de l’audience, au-delà des abonnements.
Nous n’excluons pas des partenariats avec d’autres médias nationaux, ni de réactiver de la croissance externe
IN : quelles sont les autres pistes de développement ?
D.C. : parmi les pistes, nous n’excluons pas les partenariats avec d’autres médias, notamment nationaux et magazine (des discussions avec le groupe Perdriel ont été évoquées dans la presse pour une intégration de Challenges dans l’offre week-end, ndlr). Nous n’excluons pas non plus de réactiver de la croissance externe, dans la lignée de ce qui a été fait en juin 2024 avec le rachat l’agence Chouet’Press, propriétaire de l’agence Bestimage, qui a elle-même racheté l’agence Panoramic en décembre dernier.
IN : avec le rachat de Chouet’Press, l’idée était justement d’exploiter le fonds photographique de Bestimage, l’agence fondée par Mimi Marchand et spécialisée dans l’actualité people. Où en sont ces projets ?
D.C. : Nous utilisons au quotidien la production de Bestimage et nous travaillons sur des projets pour mieux utiliser et valoriser ces contenus, d’autant que nous développons à nouveau une politique de hors-séries avec la publication. Mardi 4 mars, nous sortons un numéro Crimes et Mystères sur la Côte d’Azur et dans le Var, puis à la fin de l’été un hors-série sur nos 80 ans. Tous ces numéros sont entièrement réalisés par la rédaction, comme l’est aussi notre magazine Nouvelle Ere.
IN : le sujet de l’intelligence artificielle traverse toutes les rédactions. Qu’en est-il au Groupe Nice-Matin ?
D.C. : nous sommes très attentifs et engagés sur le terrain de la réflexion. Le groupe fait partie du consortium européen IQ MEDIA et nous avons organisé en novembre à Nice son événement « Les Rencontres de l’Innovation« . Nous sommes beaucoup plus prudents sur l’utilisation de l’IA. Nous allons évidemment l’utiliser – et de plus en plus – mais il faut le faire pour que cela nous permette de gagner du temps et des ressources sur les tâches à faible valeur ajoutée et consacrer ce temps au recueil d’informations et au travail de terrain sur lequel l’IA ne peut pas jouer. Plus il y aura d’IA, plus nous aurons besoin de journalistes pour éclairer, expliquer et décrypter.
La conférence des Nations Unies sur l’Océan, qui se tient à Nice en juin, sera un rendez-vous majeur en termes de contenus et de partenariats
IN : du 9 au 13 juin 2025, Nice accueillera la troisième conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC). L’actualité locale et internationale vont se rejoindre…
D.C. : ce sera pour nous un rendez-majeur et nous avons prévu beaucoup de choses en termes de contenus sur nos différents supports et de partenariats, avec l’UNOC et les acteurs qui seront présents sur le sommet. C’est une vraie occasion d’avoir de la visibilité et de montrer que l’on peut être leaders sur des sujets aussi stratégiques car nous avons les compétences en interne pour faire à la fois du contenu dans le quotidien, des suppléments, des émissions… Nous avons beaucoup d’ambition autour de cet événement.
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Les titres du Groupe Nice-Matin en chiffres
Le groupe édite 3 quotidiens (Nice-Matin, Var-matin et Monaco-Matin), qui sont présents avec 8 éditions locales en semaine et ont chacun une édition du dimanche. Les éditions du samedi sont livrées avec Version Fémina et Diverto.
– Nice-Matin affiche une diffusion France payée (DFP) de 49 890 ex. (en retrait de 2,46 % sur un an mais encore loin des 61 561 ex. de 2020, source ACPM). Celle de Nice-Matin Dimanche est de 47 633 ex.
– La DFP de Var-Matin est de 34 717 ex. (-3,82 %, vs 41 026 ex. en 2020) quand celle de l’édition dominicale est de 33 448 ex.
Les quotidiens sont à 48 pages en semaine et à 56 pages le dimanche, avec une édition unique par titre.
Parmi les principales nouveautés des nouvelles formules figurent l’apparition sur la tranche de la Une d’un sommaire en couleurs, l’édito repositionné en début de journal, un code couleur différenciant les rubriques pour un repérage plus intuitif, une plus grande puissance donnée au visuel, nouvelle typographie pour une meilleure lisibilité…
Trois nouveaux formats publicitaires ont été créés : un « Rectangle Privilège » pour une « visibilité naturelle », une « Cheminée « , format vertical inspiré du digital, et un « Cadre » pour une mise en scène « immersive » qui « engage davantage ».
Le lancement des nouvelles formules s’accompagne d’une campagne de communication multicanale, réalisée en interne, dont la signature est « Tout change sauf l’essentiel ».