Le groupe CMA CGM a signé vendredi 15 mars 2024 une « promesse d’achat » avec Altice France en vue de l’acquisition de 100% du capital d’Altice Media, maison mère de BFM TV, première chaîne d’info, et RMC, troisième radio de France. La transaction porte sur 1,55 milliard d’euros et « devrait être finalisée au cours de l’été », selon Altice. CMA CGM prendra 80 % d’Altice Media, Merit France, la holding de la famille Saadé se portant acquéreur des 20 % restants. Selon un message interne du PDG d’Altice France, Arthur Dreyfuss, le « management » d’Altice Media va rester en place après le rachat par CMA CGM.
L’annonce a pris tout le monde par surprise car Altice avait plusieurs fois démenti les rumeurs de vente de sa branche médias, récurrentes ces derniers mois. La vente fera franchir une nouvelle marche à l’armateur Rodolphe Saadé, PDG de CMA CGM, qui construit peu à peu son empire médiatique alors qu’il n’a mis le pied dans le secteur qu’en 2022 avec le rachat du groupe La Provence (La Provence et Corse Matin), puis le journal La Tribune en mai 2023. Il a aussi pris des participations dans le groupe M6 et le média vidéo en ligne Brut.
« Désendettement »
« Cette cession s’inscrit dans la stratégie de désendettement » d’Altice, explique à l’AFP Franck Abihssira, du cabinet de conseil Emerton. Endetté à hauteur de quelque 60 milliards d’euros et aux prises avec un scandale de corruption qui fragilise sa position sur les marchés financiers, le groupe de Patrick Drahi a commencé à vendre des actifs pour alléger sa dette. Il conserve ses autres activités, l’opérateur télécoms SFR et de plus petites entreprises dans les technologies et télécoms.
Franck Abihssira juge « rassurant » pour BFM TV et RMC d’avoir Rodolphe Saadé comme acheteur, car son « groupe a engrangé un trésor de guerre qui lui permet de développer » ces médias. Pour les syndicats CGT et SNJ d’Altice Media, « beaucoup de questions restent en suspens en attendant un CSE extraordinaire la semaine [du 18 mars] en présence du futur actionnaire ». Ils exigent « des engagements très fermes », notamment sur « le maintien des effectifs » et « le respect des termes d’une clause de cession ». « On espère que la liberté éditoriale et les moyens de la rédaction resteront a minima les mêmes, voire s’amélioreront », a pour sa part déclaré à l’AFP François Pitrel, membre de la Société des journalistes de BFM TV.
Dirigée par Marc-Olivier Fogiel, la chaîne est leader de l’information continue en France – et la seule chaîne rentable de cet univers – mais elle est de plus en plus talonnée par CNews, filiale de du groupe Vivendi, propriété de Vincent Bolloré. Outre cette rivalité d’audience, BFM TV vit une période agitée. En décembre, sa recrue Laurent Ruquier a arrêté son émission quotidienne d’actualité au bout de trois mois. Avant lui, BFM TV avait perdu plusieurs de ses vedettes : Bruce Toussaint, qui anime depuis janvier la nouvelle matinale de TF1, Aurélie Casse partie animer C l’hebdo sur France 5 et Jean-Baptiste Boursier recruté par LCI pour animer sa nouvelle matinale.
Un contexte inédit en raison du renouvellement de la fréquence de BFM TV
La vente d’Altice Media intervient alors que l’Arcom, autorité de régulation de l’audiovisuel, a lancé fin février 2024 un appel à candidatures pour le renouvellement de 15 fréquences TNT, dont celle de BFM TV, dont l’autorisation arrive à échéance le 31 août 2025. Or, en vertu de la loi sur la communication audiovisuelle, Altice n’aurait pas le droit de vendre la chaîne dans les cinq ans suivant le renouvellement de son autorisation de fréquence.
Altice Media, qui s’appelait NextRadioTV jusqu’en 2021, a été progressivement cédé à Patrick Drahi par Alain Weill à partir de 2015. En plus deux médias phares BFM TV et RMC, l’entité comprend aussi les chaînes TNT RMC Découverte et RMC Story, les chaînes payantes BFM Business et RMC Sport, 10 chaînes locales sous la marque BFM, les radios BFM Business et BFM Radio, ainsi que la plateforme digitale RMC BFM Play.