A l’annonce de l’ouragan, toutes les caméras (aidées, il est vrai par la future élection), filmèrent une ville devenue aussi triste qu’une sous-préfecture normande un soir de novembre.
Broadway sans ses lumières, Wall Street sans sa bourse, les rues sans personne, la ville barricadée de planches mal ajustées. New-York sans son marathon, sans son énergie vitale…New-York sans New-York ! C’est en creux que l’on a redécouvert la force de cette ville-capitale. Wall street est sans électricité et l’ensemble du monde économique plonge dans le noir. 50 000 marathoniens restent comme hébétés et le mythe du dépassement sportif fait du sur-place.
On peut, certes, jouer mais pas aussi bien qu’à Vegas, on peut grimper mais pas aussi haut qu’au Mont Blanc. On peut courir mais pas aussi vite qu’à New-York ! Cette ville symbolise le mythe, l’archétype de l’hubris, de la démesure, du désir sans limite. Ce désir inscrit au plus profond de chaque homme l’amène à se surpasser pour toiser les dieux, devenir leur égal et peut-être les dépasser. Car le désir humain est toujours un désir d’absolu, un désir de New-York. Alors lorsque la démesure faiblit ici, les lumières du monde entier vacillent.
On s’aperçoit tout à coup qu’on ne sait plus se passer de la démesure perverse de New-york. On croyait l’Amérique passer au second plan derrière l’Asie, ses immeubles dépassés par ceux de Dubaï, les compagnies chinoises plus valorisées que les sociétés américaines, mais c’est bien de New York que la lumière vient.
Certaines villes sont ainsi devenues des mythes. Leur histoire dépasse leur réalité. Pour toujours sans doute. C’est l’apanage des mythes, ils ont la durée pour eux ! Rome reste malgré la modestie économique de l’Italie la ville éternelle, Paris le symbole de l’élégance, Jérusalem de la spiritualité… Les villes peuvent être des mythes et leur mythologie est le premier des remparts contre la banalité, contre la roue de l’Histoire elle-même. Même une Amérique affaiblie n’enlève rien au mythe new-yorkais.
C’est en creux que l’on peut et que l’on doit juger les grands des mythes, comme les grandes marques, ces marques précisément mythiques. Car on doit se poser ainsi la question de la force du mythe que l’on observe : « Et si cette ville, et si cette marque disparaissait ? Le monde en serait-il changé ? Serait-il moins attractif, moins vivable, en danger ? »
Combien de villes, combien de marques peuvent ainsi nous interpeler? Le mythologue sait que les mythes fondateurs sont peu nombreux, une vingtaine, une trentaine peut-être mais que chacun d’entre eux est nécessaire à la survie de toute l’humanité. Chacun attend le retour de la lumière à New-York et pas seulement ses habitants.
Georges Lewi / Mythologue, spécialiste des marques.
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