Car l’exil a toujours un lien avec l’enfance et la jeunesse. Exil des parents, exil forcé, exil volontaire, exil minable ou délicieux. On ne fuit jamais un endroit. On ne fuit que soi-même.
Exil de parents. Exil de son enfance.
De nombreux enfants, dont mon papa et ma femme ont vécu à huit, dix, ou douze ans cette incompréhension du déracinement, du pays, de la langue soudainement non maîtrisée, des moqueries. Sans doute le pire des exils, celui qui marque toute une vie. Parce qu’on ne l’avait pas cherché et qu’on s’en serait bien passé. Les écrivains, exilés jeunes, écrivent souvent dans les deux langues, mais pas sur les mêmes sujets. Comme si seulement certains sujets venaient de l’exil de l’enfance.
Exil forcé. Exil de son histoire.
C’est la crainte pour sa vie, celle des siens ou la faim qui fait s’en aller. Plus de 250 millions de personnes changent de pays chaque année ; 5% de la population mondiale bouge. Bien sûr, du Sud au Nord mais autant du Nord vers le Sud et du Sud vers le Sud et aussi du Nord vers le Nord. Les flux s’inversent et les jeunes Portugais repartent en masse « vers leurs anciennes colonies africaines » où l’or noir permet aux cols blancs européens de gagner leur vie. Cet exil forcé est la plupart du temps teinté d’une volonté farouche de revenir lorsque la tyrannie aura disparu ou lorsque la situation économique le permettra. C’est un exil de nostalgiques d’eux-mêmes.
Exil volontaire. De Marlène à Gégé. Un désespoir de soi.
Marlene Dietrich quitte volontairement et en pleine gloire l’Allemagne nazie pour dire son dégoût et s’opposer. Gérard Depardieu quitte volontairement la France par refus du système fiscal. Tous deux ont fui une image de la liberté qu’ils jugent perdue. Ils fuient pour dire non ! Notre Gérard veut encore se prouver qu’il est resté le petit garçon opiniâtre, rebelle qu’il était. En se « faisant la Belgique » il refuse l’image de l’homme qu’il est devenu, obèse, malheureux d’un fils, peu regardant sur ses amitiés gagées.
L’exil toujours délicieusement minable ?
La plupart d’entre nous, nous nous exilons une à deux fois par an en faisant du tourisme. Ce fameux dépaysement, tant recherché est bien un exil temporaire. Un milliard de touristes vont visiter chaque année d’autres cieux. Car l’exil est toujours un pas vers cet inconnu dont nous avons tant besoin pour nourrir nos illusions, notre « bovarysme ». Etre ailleurs pour être autre ! Voilà la grande affaire car cela nous permet de nous enfuir de nous-mêmes, un court instant au moins.
Pour tous le mythe d’Ulysse, ce fuyard qui revient toujours, malgré la tempête.
Ulysse part il y a 3000 ans, pour faire la guerre de Troie. Au retour, disons qu’il prend son temps. Et comme de nombreux exilés, il revient auprès de Pénélope reprendre son royaume, son foyer et chasser les usurpateurs. Gérard, Marlène, Ulysse et la plupart des exilés n’ont de cesse que de penser à revenir. Ce n’est pas l’exilé, même fiscal qui est minable, c’est la condition humaine qui est difficile. Vivre en paix avec soi-même est toujours la chose la plus difficile du monde. Le vieux philosophe disait « tu n’as pas besoin d’être ailleurs mais d’être autre »
Georges Lewi, Mythologue, spécialiste des marques.
Blog : www.mythologicorp.com