Leica a failli mourir trois fois
L’entreprise Leica invente en 1914 avec le « Ur-Leica » la miniaturisation de l’appareil photo en réduisant la taille du négatif et en optant pour des tirages par agrandissement. L’appareil resta dix ans à l’état de prototype. Puis succès immédiat avec immédiatement des « addicts » du Leica comme Cartier-Bresson ou Capa. Juste avant la seconde guerre mondiale, les dirigeants de l’entreprise se conduisirent de façon remarquable en permettent à leurs ouvriers juifs d’échapper aux nazis. L’entreprise faillit être fermée et certains de ses managers emprisonnés.
Le passage de l’argentique au numérique faillit, comme pour Kodak, signer la fin définitive de la marque mythique. La situation économique était plus que délicate. Puis la fabrication fut « délocalisée » en Asie jusqu’au retour récent dans le berceau de la marque à Wetzlar en Allemagne. Désormais, l’entreprise à la marque légendaire refait des profits, a réussi le passage au numérique et lance un hybride photo-caméra, nouveau segment de la photo. Sans le mythe de la marque, l’entreprise serait devenue un de ces nombreux ruisseaux du savoir-faire asiatique.
Pourquoi une marque peut sauver leur entreprise ?
Une entreprise est une alchimie complexe entre communauté économique, humaine, financière, une volonté de se maintenir en vie (sur son marché) ou de se développer au travers, en particulier, des innovations. Une entreprise est une communauté de destins définis, d’abord, par l’interne du salarié à l’actionnaire. Une entreprise appartient à ses membres. Une marque est une idée partagée qui appartient au public, aux consommateurs. Cette idée de la qualité, des « valeurs » de l’entreprise et des types de clients achètent les produits de cette marque dépasse de très loin la volonté initiale de l’entreprise. La représentation « sauve » une réalité qui n’est pas toujours aussi cohérente…
Leica n’appartient plus à Leica. C’est ce qui l’a sauvé !
Leica appartient autant à Capa, à Cartier Cresson et aux photographes amateurs qui voudraient pouvoir les imiter qu’aux actionnaires de l’entreprises. Une marque est un capital emprunté, quelquefois usurpé, mais un capital mental, c’est-à-dire éternel. C’est au nom de cette « poussière d’éternité » qu’une marque mythique peut prétendre sauver son entreprise tombée sous les contingences économiques. L’entreprise appartient à ses actionnaires, la marque à ses clients !
Une idée n’a pas de frontière ; elle n’a pas non plus de limites ni temporelles ni spatiales. Une marque non plus ! La marque est l’expression moderne du mythe du Phénix, cet oiseau solaire dont la longévité légendaire est caractérisée par son pouvoir de renaître après s’être consumé sous l’effet de sa propre réussite. Il symbolise ainsi les cycles de la vie. Aucun Phénix n’aurait, dit-on, vécu moins de cinq cents ans…
Georges Lewi / @LewiGeorges
Mythologue, spécialiste des marques
Blog : mythologicorp.com
Site : www.georges-lewi.fr