Le ministre du commerce extérieur est un peu le VRP de la France et le Premier ministre son directeur commercial. A-t-on souvent vu un VRP dire que le produit de la firme est « dégueulasse », devant les clients chinois qui ont goûté à la « tambouille » ? La ministre voulait-elle narguer le PDG de la « boîte » et « faire de la lèche » au directeur commercial ? Ce que l’on peut reprocher à nos dirigeants politiques, c’est en effet, leur inconséquence. Tel ministre fustigeant nommément de grands patrons français ou étrangers, tel dirigeant d’un autre bord comparant la France à un pays totalitaire, jusqu’à cette « bourde » mettant à mal ce qui nous était reconnu comme un point d’excellence. Peut-on prôner l’art de vivre à la française et scier ainsi le plus beau fleuron de notre exception culinaro-culturelle ?
La vérité culinaire selon Narcisse
En matière culinaire comme dans d’autres « beaux-arts », la vérité n’existe pas puisqu’il s’agit de jugement personnel. On aime désormais « l’hérésie » de mélanger salé-sucré, ce qui était jadis un interdit. Pour se « rincer la bouche », on avalait un « trou normand » comme un mur de séparation, une frontière gustative entre le salé et le sucré. Notre ministre aurait pu dire qu’elle n’avait pas apprécié, que le repas n’avait pas été de « son goût ». Mais connoter qu’on a servi une boîte de « Canigou » au président chinois qui est venu, entre autres, s’intéresser à nos entreprises agro-alimentaires, est un peu fort de café !
Quand chacun d’entre nous aura compris qu’il n’est ni le nombril du monde ni le jugement de toutes choses, que d’autres perceptions peuvent être tout aussi « justes », l’humanité progressera vraiment et notre commerce extérieur se portera peut-être mieux également. Car ce mode de pensée (et d’expression) est ce qui fait le plus de tort à la France. Notre narcissisme est souvent notre tombe. On interrogea un devin à la naissance de Narcisse sur son espérance de vie « Il atteindra la longévité, s’il ne se regarde pas » répondit le sage. Nous pourrions reprendre cette formule pour beaucoup de nos activités humaines, politiques bien sûr mais également dans les entreprises. Le secret de la durée ? Ne pas s’admirer ! C’est bien la leçon à retenir du mythe de Narcisse.
Mais la ministre était de bonne foi, nous dira-t-on
André Comte-Sponville répond secrètement à la ministre : « A faire de la bonne foi un absolu, on la perd puisqu’elle n’est plus bonne, puisqu’elle n’est plus que véracité désséchée…Ce n’est plus bonne foi, c’est véridisme ; ce n’est plus vertu, c’est fanatisme…Fanatisme de philosophe qui aime la vérité à la folie. Mais aucune folie n’est bonne. » Ne voulant pas passer ni pour folle, ni pour Narcisse, la ministre s’est excusée auprès du chef de l’Elysée qui, à son tour, se sent offensé et refuse les excuses. Rappelons leur à tous les deux que ce n’est pas parce que la vérité est bonne qu’il faut l’aimer mais que « c’est parce qu’elle nous paraît bonne que nous l’aimons » ! Narcisse, toujours Narcisse !
Georges Lewi, Mythologue, spécialiste des marques.
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