29 octobre 2017

Temps de lecture : 5 min

Data et créativité : vous faisiez comment avant ?

Le marché tend de plus en plus à considérer la data et la créativité comme deux notions indissociables. L’une enrichissant l’autre, le combo ouvre des nouvelles possibilités et promet plus d’efficacité. Est-ce vraiment le cas ?

Le marché tend de plus en plus à considérer la data et la créativité comme deux notions indissociables. L’une enrichissant l’autre, le combo ouvre des nouvelles possibilités et promet plus d’efficacité. Est-ce vraiment le cas ?

Prenons la créativité seule. Est-il possible de créer sans data ? Certainement. Une bonne idée créative, née d’un esprit inventif, peut toucher sa cible et avoir un réel impact. Il y en a indéniablement, et il y en aura encore. Mais la vraie question est, cet impact sera-t-il suffisant ? N’est-il pas plus facile de trouver un cadeau qui fasse son effet à quelqu’un qui nous est proche plutôt qu’à ce collègue qu’on croise de temps en temps à la machine à café ? Lorsqu’on est privé d’informations sur le destinataire, même si on choisit un cadeau qui nous semble parfait, les chances que ce cadeau soit idéal pour lui, individu peu connu, sont minces. Une idée créative qui se base principalement sur un « insight consommateur » (ce collègue aime donc le café) ne vit pas indépendamment de la data, elle vit grâce à peu de data.

Ce qui change aujourd’hui, ça n’est donc pas la dynamique mais l’échelle de grandeur : la porte s’ouvre sur plus de data, plus de data plus précise, et plus de data plus variée. La data est un socle sur lequel se base la créativité, et plus il y a de data, plus le socle est solide. La croissance du recours à la data n’impacte pas négativement la créativité, puisque son objectif reste de nourrir cette créativité en pertinence et non de la cannibaliser. La quantité explose, mais la data se maintient à ce rôle de support. Si ce changement de volume n’affecte pas la relation data-créativité, elle construit néanmoins un nouveau paradigme pour la relation publicité-consommateur. La data permet de gagner en finesse sur le ciblage et d’adapter la publicité en accordance. Plus pertinente et plus personnalisée, la publicité perd en impact absolu pour gagner en relativité.

Ce cheminement vers le one-to-one résonne plus particulièrement en cette ère où les conversations marques-consommateur laissent place à des échanges donnant-donnant. Chaque consommateur réclame une utilité différente à la communication, que ce soit offrir du divertissement, rendre un service ou ouvrir la voie à un monde meilleur, et la créativité seule ne peut pas satisfaire ces exigences, puisqu’elle a besoin de la data pour les connaître.

La data, une information qui reste à actionner

Si la créativité a besoin de data pour se développer dans la bonne direction, qu’en est-il de la data ? Rationnelle et objective à tendance exhaustive, la data ne se suffit-elle pas à elle-même ? L’importance que l’on accorde naturellement à la créativité, ne serait-ce pas juste un moyen de nous rassurer sur notre légitimité, nous humains émotionnels et subjectifs ?

Pour répondre à cette question, il faut déjà la contester. Si la data nous inspire la raison avec ses racines mathématiques, elle n’en reste pas moins imparfaite. La voir comme un fruit purement rationnel sans considérer ses biais est une erreur qui peut se révéler dommageable. En effet, même si la data en soi est neutre, il ne faut pas sous-estimer l’impact des interventions humaines qui la façonnent et donc potentiellement qui la biaisent.

Les choix de collecte, de traitement et d’analyse des données peuvent renforcer la pertinence de la data tout comme la détruire : biais de confirmation, biais de sélection, variables confusionnelles, valeurs extrêmes noyées dans les moyennes… Les défauts peuvent être nombreux et faire confiance à la data parce que c’est de la data, sans examen approfondi et sans remise en question, relève au mieux de la naïveté. Un esprit critique est indispensable pour extraire le meilleur de la data, ou même simplement de la data utilisable.

Une fois ces biais pris en compte, ce qu’on obtient de la data est un tableau de bord, un outil, mais en aucun cas un résultat. La data est une information, transformée en action uniquement à travers le prisme de la créativité. Comme on joue de la musique plutôt que montrer au public les feuilles d’une partition, on crée une campagne basée sur la data plutôt que diffuser des tableaux de données. La donnée qui s’assimile à de l’art – « la data visualisation » – est une data qui a déjà été transformée par la créativité. Et si jouer une symphonie demande plus d’expertise qu’Au Clair de la Lune, la relation partition/musicien (et donc data/ créativité) ne change pas pour autant de nature. Le volume amplifié de données qui est à disposition aujourd’hui n’affecte donc pas l’importance de la créativité. Au contraire, plus il y a d’éléments à manier, plus il y a d’angles pour aborder la situation, et donc de possibilités créatives. C’est avec la créativité qu’on peut extraire de la data un insight percutant, en faisant des choix sur l’interaction entre les données, ce qu’elles produisent et comment leur donner forme. Une quantité démesurée de data peut certes être réductrice – par exemple des comportements humains noyés dans des moyennes globales – mais elle peut aussi être révélatrice, faisant apparaître des corrélations insoupçonnées. Ce sont les choix créatifs qui déterminent si la data s’engage sur l’une ou l’autre de ces deux voies.

Imaginer le futur sur la base de la data

La créativité permet donc de faire de bons choix dans l’exploitation de la data, mais elle va encore plus loin. Elle permet aussi de faire des choix innovants. La data est une représentation plus ou moins exacte à un temps t moins n : c’est une photo du passé – voire du présent, grâce à des technologies de plus en plus avancées qui nous transmettent des informations en temps réel. Mais la data ne représente pas le futur. D’une modélisation d’actions passées on peut prévoir un avenir possible, mais le passé ne peut suggérer des nouveautés pures. C’est à cause de cette limitation que les placements sont contraints d’ajouter à leur publicités la mention : « Les performances passées ne préjugent pas des performances futures ». En revanche, la créativité peut – si ce n’est prédire le futur – l’imaginer. C’est grâce à notre imagination que l’on arrive à créer des éléments jusqu’alors inexistants et proposer de réelles innovations. La créativité redonne sa place à l’inattendu, intrinsè- quement liée à une part de risque, bien sûr. Si la data est maître lorsqu’il s’agit de décomposer un problème et d’identifier les variables clés, c’est sur la créativité que doit reposer la responsabilité de reconnecter tous les éléments pour en faire émerger une solution.

Alors, est-ce que la data tue la créativité ? Loin de là. La créativité, plutôt qu’être surpassée par la data, s’en trouve stimulée. La data, elle, trouve dans la créativité un complément naturel et surtout indispensable. Les questions à se poser ensuite ne sont pas des « est-ce que ? » mais des « comment ? » : comment choisir la data qui va m’aider à répondre à ma problématique, comment la récolter, comment l’interpréter et comment l’utiliser avec créativité ?

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Photo de Une : James Chou

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