La deep tech s’apprête à bouleverser l’innovation par la recherche scientifique et la technologie de rupture. Beaucoup de start-up se lancent sur ce marché en pariant sur l’acceptation du consommateur sans les données clients pour les conforter. Quel impact aura la deep tech sur la pub ? On en parle avec Guillaume Vandenesch d’Hello Tomorrow.
» Le marketing et la pub doivent s’inspirer de la deep tech « , conseillait en mai dernier Arnaud de la Tour, VP d’Hello Tomorrow, le parangon français de l’innovation scientifique. En collaboration avec le Boston Consulting Group, l’association fondée en 2014, par l’évangéliste pionnier Xavier Duportet, venait alors de publier un rapport très révélateur. Réalisé comme une enquête » From Tech To Deep Tech-Fostering Collaboration between corporates and startups » annonçait que la deep tech allait bouleverser l’ensemble des secteurs économiques, y compris la pub et le marketing. Puisque les GAFA se penchent, en effet, désormais avec intérêt sur les mathématiques appliquées, la biologie ou la physique, les start-up issues de la recherche nourrissent une révolution qui se fomente rapidement et sûrement.
Toutes les start-up de la deep tech prônent l’innovation technologique de rupture, que ce soit entre autres dans l’intelligence artificielle, les nanotechnologies, l’Internet des objets ou la robotique. Le mois dernier, six mois après le lancement de son challenge international dédié aux start-up fondées sur des avancées scientifiques majeures de nature à changer les modes de conception et production, Hello Tomorrow organisait son Global Summit à Paris. Cette Grand messe fait de la France un des leaders mondiaux de cette deep tech persuadée que le science peut changer le monde. Peut-elle aussi profondément impacter notre industrie ? Avec le recul nécessaire, INfluencia en parle avec Guillaume Vandenesch, managing director d’Hello Tomorrow.
IN : est-ce que la deep tech peut provoquer des changements pérennes des comportements de consommation et si oui lesquels ?
Guillaume Vandenesch : c’est une bonne question mais très large, comme le domaine des deep tech. Si l’on regarde les secteurs qui touchent directement à la consommation, comme l’agriculture ou la mobilité, alors oui sûrement. Si une entreprise développe des fermes verticales en ville qui vont permettre de s’approvisionner en salades locales, alors oui cela pourra induire des changements importants de consommation. Mais il n’y a que peu d’études aujourd’hui sur l’acceptation de ce type de technologies par les consommateurs. Beaucoup de start-up se lancent sur cette thématique, en faisant le pari que le consommateur acceptera ce type de produit, mais avec peu de données clients pour pouvoir vraiment l’estimer. Dans le domaine de la mobilité, si une entreprise met à disposition une flotte de véhicules autonomes et partagés par les citoyens d’une ville qui repose sur l’infrastructure blockchain, cela accentuera peut-être encore d’avantage l’abandon de la propriété des véhicules. Mais il est difficile d’attribuer des changements comportementaux uniquement à la technologie. Si l’on prend l’exemple de la mobilité à nouveau, l’innovation n’est pas technologique. C’est une prise de décision politique, la prise de conscience écologique des citoyens et d’autres facteurs encore qui sont à l’origine de l’utilisation massive des vélos en ville, plus que la technologie qui y est associée. C’est un ensemble à prendre en compte. Si demain, une start-up développe des taxis volants, c’est autant la technologie innovante que les choix politiques et réglementaires qui inciteront les consommateurs à utiliser ce type de services.
IN : comment agences et annonceurs peuvent utiliser la deep tech dans leur quête perpétuelle d’engagement avec un consommateur qu’il veut suivre à la trace grâce à la data ?
G.V. : la technologie peut-être mise au service d’une meilleure compréhension des consommateurs, et c’est déjà le cas depuis un certain temps dans le domaine de la publicité. Mais cela reste avant tout un outil de collecte de données et d’analyse des données. Il ne faut pas considérer l’IA ou les big data comme des solutions miracles, mais savoir ce que l’on veut faire de ces données et comment les mettre au service des consommateurs. Les premières briques technologiques existent déjà et les algorithmes de recommandations sont basés sur les goûts et activités précédentes des consommateurs. Les annonceurs jouent à fond la carte de la personnalisation, et la technologie est un des moyens d’y parvenir dans la publicité ou dans d’autres secteurs. Mais il ne faut pas s’entêter dans cette notion de personnalisation en oubliant la notion de service !
IN : puisque la pub devient de plus en plus tech-dépendante, doit-elle se rapprocher des start-up de deep tech pour devenir de plus en plus servicielle ?
G.V. : oui, nous en sommes convaincus. La technologie peut faire un lien entre le consommateur et l’annonceur en améliorant la qualité du service proposé. Deux Français sur trois considèrent aujourd’hui que la publicité en ligne est une mauvaise chose (sondage Ifop 2013). Les publicités sont inopinées, elles peuvent interrompre des processus cognitifs, peuvent être considérées comme des atteintes à la liberté, peuvent être envahissantes. Si les deep-tech, et notamment l’IA, doivent permettre de répondre à certains de ces enjeux, soit en adaptant le contenu à l’utilisateur, soit en proposant de nouvelles formes de publicité, elles ne doivent pas, encore une fois, être perçues comme des solutions mais comme des outils. Si un annonceur développe un bot Facebook, boosté par une intelligence artificielle digne de ce nom, c’est avant tout le contenu qu’il va proposer grâce à ce bot qui sera déterminant. Et il ne faudra surtout pas négliger les humains qui seront derrière le bot pour développer des liens forts avec les consommateurs.
IN : où en est aujourd’hui le regard du marketing sur la deep tech ?
G.V. : le mot » deep-tech » est très jeune et n’est pas aujourd’hui bien assimilé, mais les deep-tech existent depuis toujours. Ce sont des innovations basées sur des technologies de pointe et de nombreux annonceurs utilisent depuis très longtemps des arguments technologiques ou scientifiques pour mettre en avant leur produit, dans le domaine de l’automobile ou de la cosmétique par exemple. Je n’ai pas de données sur l’impact de ce type de marketing auprès des consommateurs, mais nous sommes convaincus que dans le domaine de la publicité, comme dans tous les autres domaines, la science et les technologies doivent se » dé-snobiser « . La science et les technologies ont un rôle important à jouer pour notre futur, et il est important de le présenter comme tel.
Rétrospective de l’événément Hello Tomorrow 2017