5 février 2017

Temps de lecture : 4 min

Le créatif, cet être hybride

C’est quoi un créatif aujourd’hui ? Un orchestrateur devenu maître dans l’art de la co-création, un expert ès data aguerri à la remontée des insights consommateur ou bien un artiste privilégiant la marge et le décentrement ? Un concentré des trois mon général ! Retour sur la conférence « Le créatif, nouveau consultant marketing ? » qui réunissait le 26 janvier dernier un panel de directeurs de création dans le cadre du cycle « Pyramyd Talk&Learn ». On refait le créatif...

C’est quoi un créatif aujourd’hui ? Un orchestrateur devenu maître dans l’art de la co-création, un expert ès data aguerri à la remontée des insights consommateur ou bien un artiste privilégiant la marge et le décentrement ? Un concentré des trois mon général ! Retour sur la conférence « Le créatif, nouveau consultant marketing ? » qui réunissait le 26 janvier dernier un panel de directeurs de création dans le cadre du cycle « Pyramyd Talk&Learn ». On refait le créatif…

L’extension du domaine du Web, des réseaux sociaux aux applis en passant par la promesse immersive des techniques de réalité virtuelle et la culture de l’UGC « User Generated Content », impacte les métiers de la création. « La clé n’est plus la culture même si c’est un élément fondamental, mais la collaboration », affirme Branislav Peric, fondateur de With, l’agence d’orchestration numérique.

Le créatif, un orchestrateur

Pour l’expert en stratégie digitale qui se définit comme un orchestrateur, la co-création est la méthode reine pour faire à la fois émerger les idées et provoquer l’adhésion du client. « Les annonceurs et leurs équipes veulent être de plus en plus associés au processus créatif. En exprimant leur créativité, ils en voient aussi les limites selon la méthode dite de saturation. »

Une tactique maligne pour s’offrir le quitus de l’acheteur ? En étant acteur du processus, l’annonceur comprend mieux les contraintes propres à l’acte créatif, sa dimension parfois aléatoire, son caractère immatériel, son exigence notamment en matière d’exécution. Et ce n’est pas rien dans un contexte financier où « les relations avec les annonceurs se durcissent considérablement », commente Gilles Deléris, directeur de création, fondateur de W&Cie. « Là où le consultant en lien direct avec le client doit jouer un rôle de un conseil stratégique et apporter une intelligence créative, il est sommé de faire de la contrainte budgétaire. La création devient un service immédiat à délivrer », déplore ce dernier. Intégrer le client à la réflexion créative est donc gagnant et pas qu’à ce titre : « Ils n’ont pas les réflexes du métier qui se révèlent parfois castrateur ou auto-limitants », souligne Geff Pellet, DC co-fondateur de Commercial Art.

Vers une communauté créative

Plus largement, pour générer de la disruption et faire émerger des concepts créatifs à la fois différenciants et fondés sur les valeurs de la marque, le brassage et la pluridisciplinarité sont de mise. « Pour construire la nouvelle identité de marque forte et singulière de l’auberge de jeunesse Joe & Joe, on a réuni autour de la table le maximum de parties prenantes. La marque, qui bouscule les conventions de l’hôtellerie et réinvente l’hospitalité, est le résultat d’un travail co-construit avec de futurs clients, des experts externes, des étudiants de la Webschool Factory, le Shadow Comex et les équipes d’AccorHotels », décrit Gilles Deléris.

L’innovation par l’usage – un des mantras de l’UX et du design d’expérience – impose de « s’intéresser à l’audience et au contexte plutôt qu’au client », appuie Geff Pellet. Un terrain sur lequel la data, notamment sociale, joue un rôle d’accélérateur : parce qu’ils révèlent les attentes et les points de friction des consommateurs, les réseaux sociaux fourmillent de matériel créatif et d’insights à décrypter. Au sein des agences créa, la porosité et l’échange avec d’autre que ses pairs ne sont plus des options : « Les nouveaux métiers comme les data-scientist ont besoin de collaborer et de comprendre l’environnement », note Branislav Peric. « Les silos sont tombés, laissant place à la circulation des idées », appuie Eric Tong Cuong, directeur du planning stratégique et co-président fondateur de l’agence La Chose. Pour collaborer, la seule expertise technique ne suffit pas, « les créatifs doivent développer des soft skills comme l’empathie, la pédagogie, l’agilité. » Une nouvelle donne qui devrait vite s’imposer comme un standard alors que la technologie, que l’on pense à la réalité virtuelle par exemple, s’intrique de plus en plus avec la créativité.

Le marketing de l’offre : plus que jamais pertinent

Si le digital ouvre de nouveaux champs créatifs et donne un coup de jeune au métier de la publicité, gare toutefois à ne pas verser à l’extrême dans le marketing de la demande, tempère le président fondateur de La Chose. A vouloir tout rationnaliser, métriques à l’appui, les annonceurs et l’écosystème publicitaire mettent un pied dans la tombe. « Le marketing de la demande, tirée par les statistiques, nuit à la créativité en se concentrant sur la tendance moyenne : le marché qui confond l’épicentre et centre de gravité, vise davantage le consensus mou pour plaire à 100% alors qu’avoir 30% de part de marché est déjà un succès. Il faut amener de la distorsion pour créer la surprise », argumente Eric Tong Cuong.

Sortir de son champ de références

Pour le directeur de création de W&Cie, si le métier de créatif change et évolue, les fondamentaux demeurent au premier rang desquels se situent l’ouverture et le syncrétisme culturels. « Pour se stimuler et s’inspirer, il faut sortir de son champ de référence. Nous organisons deux fois par mois des événements totalement déconnectées de notre quotidien : conférence sur l’histoire de l’architecture, exposition de Magritte, concert de saxophones contemporains.»

« Il n’y a pas de méthode de créativité mais des systèmes qui en favorisent l’émergence », appuie le directeur du planning stratégique de La Chose qui cite ses références : « Les stratégies obliques », un jeu de 113 cartes mis au point par le producteur Brian Eno en 1975 pour décadenasser l’imaginaire et dont David Bowie s’est notamment servi pour accoucher de sa trilogie berlinoise (Low, Heroes and Lodger) et « La pensée latérale », inventée dans les années 60 par le psychologue Edward de Bono qui aborde les problèmes sous plusieurs angles au lieu de se concentrer sur une approche unique. « Les créatifs ont tout là-dedans pour penser autrement, y compris à l’ère digitiale », conclut le patron de La Chose. Le but affiché de ces jeux créatifs inventés au siècle dernier : « Think out of the box », ce claim des Gafas et autres licornes numériques que singent les marques.

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