27 mars 2020. Depuis une quinzaine d’années, nous travaillons avec les acteurs de l’intérêt général, et en particulier avec les organisations du secteur social, médico-social et solidaire. Alors qu’elles œuvrent au quotidien auprès de millions de personnes fragiles, isolées ou exclues, elles ont avec toutes celles et ceux qu’elles aident, un point commun : l’invisibilité
À l’heure où notre pays est touché par une crise sanitaire sans précédent, les personnels soignants sont sur le front, qualifiés de héros, mis en Une des médias et acclamés depuis les balcons. À l’émotion et à la reconnaissance, certes bienvenues car bienveillantes, beaucoup d’entre eux auraient préféré la prise en considération de leurs revendications alors qu’ils dénonçaient, sans être entendus, la casse de l’hôpital public.
À leur instar, les organisations du secteur social, médico-social et solidaire multiplient les appels à l’aide depuis plusieurs mois, alertant sur les défaillances des politiques publiques pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables. Aujourd’hui, elles ne sont pas plus entendues alors qu’elles signalent les risques encourus par leurs équipes et s’inquiètent des conséquences d’un défaut de prise en charge de leurs bénéficiaires. Ni masques, ni financements suffisants, ni applaudissements, ni mesures pour leur permettre de mener et poursuivre leurs missions, pourtant plus que jamais nécessaires.
Invisibles, les centaines de milliers de salarié·es et bénévoles, invisibles les millions de personnes accompagnées. Invisibles, les propositions portées par les fédérations et collectifs qui les représentent.
Le peu de crédit accordé à leur parole ne cesse de nous interroger, nous, communicants engagés, mais devrait tous nous mobiliser, collectivement, tant il atteste d’un problème plus profond. Il révèle la terrifiante propension de notre société à effacer celles et ceux qu’elle ne veut ni voir, ni entendre.
Or passer sous silence ces questions, c’est passer à côté des solutions. Car des solutions, il y en a. Elles sont expérimentées, démontrées, dupliquées, partagées par les acteurs des solidarités qui œuvrent concrètement à changer le quotidien et à penser demain.
Conscients d’intervenir dans un écosystème complexe, les acteurs de l’action sociale et solidaire savent que les problématiques auxquelles ils sont confrontés ne peuvent se satisfaire de réponses cloisonnées : structures de l’aide à domicile qui défendent une reconnaissance de leurs métiers au cœur des parcours de santé ; organisations de prévention et de réduction des addictions travaillant à une vision globale des problématiques des usagers (médicales, sociales, psychologiques…) ; associations représentant les personnes handicapées qui appellent à une meilleure intégration par tous les secteurs de la société (école, entreprise, santé, culture, urbanisme…) ; acteurs de l’insertion qui revendiquent leur place dans le développement économique des territoires ; structures d’aide à l’enfance et aux femmes victimes de violences qui alertent sur les nécessaires continuités et diversités des prises en charges, collectifs d’aide au logement qui exigent une régulation du marché… La liste est longue et les sujets nombreux mais toujours interconnectés.
Au-delà des réponses urgentes à fournir pour faire face à la crise, les pouvoirs publics doivent nécessairement et rapidement mobiliser un regard systémique qui embrasse les champs et les acteurs, au-delà des cloisonnements qui nous paralysent aujourd’hui. Écouter les acteurs du social et des solidarités, c’est aussi nourrir notre capacité à anticiper les risques et les crises, améliorer notre résilience, et corriger les failles d’un système qui, au fil des ans, a sacrifié l’intérêt général et les biens communs au profit d’intérêts court-termistes et lucratifs.
Ils.elles méritent plus que nos applaudissements. Ils.elles méritent une véritable reconnaissance, durable et concrète, dans les paroles et dans les actes.