29 mars 2020

Temps de lecture : 3 min

Covid-19 : comment les médias s’adaptent au confinement

Si le confinement à domicile offre aux médias des records d’audience historiques, l’érosion graduelle de son marché publicitaire risque de faire l’effet d’une bombe à retardement. En attendant, la presse s’adapte et reprend la stratégie de Pornhub : offrir des contenus en clair sans paywall afin de fidéliser et conquérir.

Si le confinement à domicile offre aux médias des records d’audience historiques, l’érosion graduelle de son marché publicitaire risque de faire l’effet d’une bombe à retardement. En attendant, la presse s’adapte et reprend la stratégie de Pornhub : offrir des contenus en clair sans paywall afin de fidéliser et conquérir.

Lors de son pic de confinement il y a quelques semaines, la Corée du Sud a vu son audience télévisuelle bondir de 17%. Idem pour la région de Lombardie en Italie dont l’audience s’est accrue de 12% durant le mois de février. Côté presse en ligne, même tendance à la hausse : les États-Unis ont enregistré une augmentation de 98% du trafic en comparaison avec les semaines précédentes. Si cette tendance mondiale à la hausse semble rassurante pour la stabilité économique des écosystèmes médiatiques, c’est parce que nous serions selon le New York Times dans l’oeil du cyclone. Selon le quotidien, les bénéfices d’une audience en forte croissance se payeraient bientôt par une récession économique sans précédent. Les premiers signes avant-coureurs ? La déprogrammation d’évènements sportifs internationaux – comme les J.O au Japon – dont les vastes recettes publicitaires représentent pourtant le carburant principal de la télévision.

« L’évènement le plus important depuis le 11 septembre »

Pour s’adapter à ce que Vanity Fair considère comme « l’évènement le plus important depuis le 11 septembre », les médias s’adaptent comme ils peuvent. Aux États-Unis, plusieurs talk-shows comme celui de Jimmy Fallon (The Tonight Show) ou Stephen Colbert (The Late Show) se poursuivent sans audience ni applaudissement, parfois même sans studio de production. Même son de cloche pour Quotidien de Yann Barthes, l’équivalent français des « Late-night show » américains. À l’inverse, les journaux télévisés de CNN, la BBC ou France Télévisions sont maintenus avec des conditions techniques habituelles. La principale différence réside dans les programmes : les éditions sont exclusivement dédiées au coronavirus et à ses conséquences. Selon le New York Times, face au confinement et au retrait graduel des annonceurs, ces adaptations techniques n’empêcheront pas la suspension inévitable des journaux et émissions télé, aux États-Unis comme ailleurs. Des propos à nuancer car peu applicables aux modèle français et britannique dont les audiovisuels publics fonctionnent sans corrélation immédiate avec les recettes publicitaires.

En matière de presse écrite, ce sont les éditions papiers qui s’effondrent. L’écrasante majorité des quotidiens, avec en parangon le Washington Post, misent sur des éditions exclusivement digitales afin de conserver une partie de leurs audiences et de leurs recettes publicitaires. Un avantage dont ne dispose pas la presse traditionnelle dont la transition numérique est encore en cours. Cette logique des vases communicants avantage néanmoins les pure-players. Par essence numériques, ils bénéficient d’audiences en très forte hausses. Selon l’entreprise analytique Parse.ly, la deuxième semaine de mars a vu le trafic américain augmenter de 44% pour les principaux diffuseurs du pays.

Quand la stratégie Pornhub s’avère payante

Les médias français jouent quant à eux la carte de la gratuité. Au menu des offres de divertissement des chaines privées, Canal + passe l’ensemble de son contenu en clair, notamment son épais catalogue cinéma tandis qu’Orange offre le bouquet OCS à ses abonnés dont le catalogue contient notamment Game of Thrones. Sur le terrain de la presse, Vanity Fair et GQ offrent leur édition du mois de mars sous version numérique tandis que de nombreux médias ouvrent leurs colonnes payantes. C’est le cas du Monde qui désactive le paywall pour tout article traitant du coronavirus. Cette gratuité n’est pas sans rappeler celle qu’a offerte l’entreprise Pornhub aux Italiens puis aux Français ces dernières semaines. Cette stratégie de démonétisation permet de fidéliser les abonnés, conquérir de nouveaux publics et de présenter la marque média sous des traits compassionnels.

 Service public et éducation

Pour les chaines de l’audiovisuel public, la gratuité étant déjà acquise, l’accent est mis sur l’éducation. Une manière d’alléger la charge mentale des parents en télétravail. France 5 diffuse son nouveau magazine quotidien éducatif pour « accompagner les révisions des 8/12 ans », France 4 promet « une programmation ludo-éducative » et Arte ouvre l’accès à sa plateforme Educ’Arte.

Si cette stratégie de démonétisation temporaire apparait nécessaire pour s’adapter au confinement et à la crise économique à venir, elle ne milite pas en faveur d’une information payante capable d’émanciper les journalistes des pressions d’argent et du pouvoir. C’est l’amère ironie de l’histoire : malgré une lutte féroce contre une information gratuite souvent partiale et truffée de publicité, les médias payants se retrouvent contraints d’en adopter les méthodes. Espérons que cette décision soit aussi éphémère que le coronavirus.

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