16 octobre 2013

Temps de lecture : 2 min

Couac qu’ils disent, couac qu’ils fassent !

« Je n’ai rien contre le mot " couac " dans l’absolu, j’aimerais simplement que vous preniez le temps de réfléchir à la définition du mot " couac ", ce que, à mon sens, vous ne faites pas toujours suffisamment », suggérait madame Najat Vallaud-Belkacem. Retour sur une expression qui fait débat.

On peut comprendre que la ministre s’agace : à force de ratés dans la communication d’un gouvernement, son porte-parole peut devenir un « porte-couac ».

Après les déclarations de la ministre, tout le monde s’est précipité sur son Littré pour voir qu’un « couac » est une onomatopée qui exprime la fausse note, la dissonance musicale. Mais la vraie question n’est peut-être pas là. Elle est peut-être de savoir pourquoi ne pas dire justement « fausse note » plutôt que « couac » ? Pourquoi ce choix ? Parce qu’avec le « couac » on est dans le vulgaire bruitage. Le mot renvoie d’abord à une désagréable sensation physique. Cet aspect inconfortable pour le corps le rend forcément plus impactant. D’où la réaction épidermique de Pierre Moscovici quand il dit que le couac lui « hérisse le poil ». Autant la « fausse note » et la « dissonance » nous renvoient à l’art musical, son écriture, son langage, sa création, autant le « couac » reste au niveau de la sensation basique, sans forme et sans sens. Bref, c’est la sophistication de l’esprit contre la grossièreté du corps.

Quand Cécile Duflot envoie Jean-Michel Aphatie dans les cordes avec son « Vous allez me définir ce qu’est un couac ! » (toujours cette défense par l’appel à la définition), le journaliste bricole « C’est une faute politique ». Dommage… Une faute de communication oui, mais pas une faute politique. A contrario, on peut comprendre que les journalistes se régalent avec ce mot : dépénalisation du cannabis (ou pas !), vote des étrangers (oui mais on a dit ça comme ça…), remise en question des 35 heures (c’est vrai… mais c’est faux) et, plus récemment, le pataquès sur la « pause fiscale ». Il faudrait peut-être se demander si le mot « couac » ne minimise pas des désaccords de fond voire une absence de projet sous couvert de maladresses.

Malgré tout, la métaphore musicale inspire beaucoup le monde politico-médiatique. Quand les adversaires parlent de « cacophonie », le gouvernement répond qu’il y a pourtant un « chef d’orchestre ». Et pendant que l’extrême-gauche entend « donner le ‘la’ à la gauche » (Clémentine Autain), le ministre des relations avec le parlement déclare qu’entre Valls et Duflot « chacun joue sa partition » (Alain Vidalies).

On connaissait déjà les métaphores sportives (« donner le coup d’envoi », « carton rouge »…) ou guerrières (« en ordre de bataille », « monter au front »…) qui sont fréquentes dans les commentaires politiques. Mais alors que ces deux univers parlent d’action physique, les métaphores musicales parlent plutôt d’action par la communication. On le voit à travers les deux problèmes qu’elles soulèvent : d’abord ce qu’on peut appeler la « discernabilité » des paroles politiques, ensuite la question de leur harmonisation. « Discernabilité », ça signifie qu’on nous joue plusieurs morceaux en même temps, que le message n’est pas clair, polyphonique, mal joué, mal orchestré.

Du tapage médiatique aux couacs politiques, on a vite les oreilles qui chauffent ! Peut-être serait-il temps d’accorder ses violons d’un côté et de changer de disque de l’autre.

Bruno Scaramuzzino Directeur Associé Meanings

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