4 juin 2009

Temps de lecture : 2 min

Les « Cools » de Chicago utilisaient déjà Twitter

Chaque jeudi, retrouvez les meilleurs penseurs en marketing et communication et leurs analyses sur la société. Cette semaine, Luc Basier, qui est anthropologue et sociolinguiste, Partner et Directeur du Planning Stratégique de Euro RSCG C&O

Parlons de Twitter, puisque tout le monde en parle et qu’il paraît que Twitter ne fidélise pas, ou seulement 50% de ceux qui l’essaient.  C’est un problème, disent les spécialistes des médias. Mais est-ce un problème ?… Puisque de toute façon personne n’a encore trouvé  comment monnayer ce genre de service.
Alors, regardons les choses du point de vue de l’utilisateur, ou du planneur, une seule et même personne en l’occurrence. À quoi sert un réseau de micro-blogging ? En panne la moitié du temps, qui plus est ! À populariser les nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon . À résumer la Bible en 140 caractères. À faire monter la pression dans la dernière ligne droite quand on est candidat à la Présidence des USA. À savoir en même temps que tous ceux qui ne sont pas sur Twitter, que Bordeaux est Champion de France ou, à la différence de tous ceux qui ne sont pas sur Twitter, que Bogusky s’est acheté un nouveau vélo… Bref, Twitter sert potentiellement à tout, du moment que l’on trouve quelqu’un d’autre que cela intéresse.
Twitter permet d’être en contact avec des gens qui ont des centres d’intérêt communs et de faire émerger des sujets autour desquels se fabriquent des identités de groupes. Twitter permet de faire partie de ceux qui savent ce qu’il est gratifiant de propager (la vraie question à laquelle il faut répondre sur Twitter n’est pas ; comme il est écrit : « qu’êtes-vous en train de faire ? », mais : « que trouvez-vous intéressant ? »). Et de ceux qui comptent aux yeux de ceux qui comptent (un des plus sûrs moyens pour être re-twitté, c’est par exemple de tweeter à propos de Tweeter !). Le tout, sur la base d’interactions superficielles. Sans trop s’engager. Aller sur Twitter, c’est un peu comme s’agglomérer à une bande de jeunes qui se retrouvent à un endroit, se séparent à un autre, discutent sans fin de choses et d’autres en faisant ronfler les mobylettes près de l’arrêt d’autobus…
Ce genre d’analogie fonctionne plutôt bien pour rendre compte de ce qui se passe sur Internet. Cessons de croire que le Web est un média, et considérons le plutôt comme un territoire, avec ses réseaux, ses communautés, ses espaces, ses interstices… Ce que commercialise Google, c’est un peu comme un centre commercial. Si vous achetez un emplacement avec beaucoup de passage, vous allez le payer cher. Sinon, à vous de faire venir les gens au milieu des champs de betteraves… Votre site, c’est un peu comme un archipel, et il va falloir lancer les filets, mais pas n’importe où, pour y faire venir les petits poissons… Des gens ont travaillé sur ce type de sujets, mais ce n’étaient pas des spécialistes des médias. C’étaient des anthropologues. Ceux qui, autour de W. Thomas, R. Park, E. Burgess ou F. Znaniecki, ont inventé la sociologie urbaine en observant des territoires en train de se constituer en villes selon des modèles radicalement nouveaux, à l’époque. À la fin du XIXème siècle, du côté de Chicago eux aussi, bien avant Obama, ils avaient compris à quoi pouvait servir Twitter. Et leurs concepts n’ont pas pris une ride.

 

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