Longtemps boudés voire dénigrés, le nombre des dits indépendants -freelancers, consultants, experts…- a progressé de 25% en 15 ans, soit 10 fois plus que la population salariée. Pourquoi, qui sont-ils et comment le vivent-ils ? Réponses avec Bernhard Ney de Comatch qui leur dédie une enquête et une plateforme.
Ils sont partout. Les indépendants n’ont jamais été aussi nombreux sur le marché du travail. Les espaces de coworking se multiplient comme des petits pains à Paris mais aussi en province. L’Insee évalue à 2,8 millions le nombre de personnes qui exercent leur métier de façon indépendante en France. Ils étaient à peine 2,3 millions en 2003. Leur nombre a ainsi progressé de 25% en quinze ans, soit 10 fois plus vite que la population salariée. Ces « freelancers » ont longtemps été perçus dans notre pays comme des travailleurs isolés qui ne parvenaient pas à trouver un emploi fixe.
Le « culte » hexagonal autour du CDI laissait peu de place à ces indépendants. Pas assez qualifiés pour décrocher un poste fixe, trop âgés pour trouver un nouvel employeur… Ces clichés ont été longs à s’estomper auprès du grand public. De plus en plus d’employés extrêmement qualifiés choisissent pourtant de laisser derrière eux la sécurité d’un poste bien rémunéré pour « tenter l’aventure » et se lancer à leur propre compte. Les consultants et les experts commencent, eux aussi, à sauter le pas. La société berlinoise Comatch, qui a mis en place une plateforme de mise en relation de ces spécialistes avec les entreprises, profite à plein de cette évolution profonde du marché du travail. Son directeur pour la France, Bernhard Ney, explique à INfluencia quels sont les profils et les motivations de ces consultants indépendants.
IN : votre société a effectué la plus grande enquête en Europe auprès des consultants indépendants. Quels sont leurs profils ?
Bernhard Ney : nous avons interrogé dans 22 pays, 430 indépendants qui sont d’anciens consultants avec au moins deux ans d’expérience dans un grand cabinet ou des experts sectoriels ayant travaillé plus d’une décennie. 87% des personnes qui nous ont répondu sont des hommes. Ils ont en moyenne 48 ans et ils travaillent 131 jours par an pour un tarif quotidien de 1230 euros. Les femmes ont, elles, en moyenne 45 ans. Elles travaillent 91 jours chaque année et facturent leur mission 1310 euros par jour.
Nous avons identifié quatre profils-types de consultants indépendants. Les consultants engagés sont ceux qui gagnent le plus avec des revenus annuels de 280 000 euros contre 130 000 pour notre panel moyen et ils travaillent 186 jours par an contre 114 pour les autres sondés. Ceux qui recherchent du temps libre font souvent du bénévolat et ils gagnent à peine 116 000 euros chaque année. Les futurs entrepreneurs n’ont pas peur de prendre des risques et ils représentent la classe d’âge la plus jeune (43 ans). Les nostalgiques sont ceux qui prévoient de retrouver sans attendre un travail salarié.
IN : quelles sont les motivations qui poussent ces consultants à devenir indépendants ?
B.N. : ils veulent avant tout choisir les sujets sur lesquels ils vont travailler (86%). Beaucoup souhaitent également alléger leurs horaires et être plus flexibles (75%). Sélectionner ses clients (72%) et accroître ses responsabilités (50%) sont également des critères jugés plus importants que de gagner davantage d’argent (43%).
IN : y a t-il loin du rêve à la réalité ?
B.N. : loin de là. 91% des indépendants que nous avons interrogés s’estiment être au moins aussi heureux que lors de leur vie salariée. Plus de la moitié d’entre eux (58%) affirment également avoir augmenté leurs revenus depuis qu’ils travaillent à leur compte et 58% jugent avoir accru leurs responsabilité.
IN : trouver de nouveaux clients ne leur fait pas perdre trop de temps ?
B.N. : pas vraiment comme en témoignent les 56% des personnes interrogées qui passent moins de quatre heures par semaine à chercher de nouveaux clients.
IN : existe t-il de grosses différences d’un pays à l’autre ?
B.N. : le marché du conseil est énorme puisqu’il pèse 30 milliards d’euros en Allemagne et 6 milliards en France. En Grande-Bretagne, près d’un tiers des consultants sont indépendants. Ce chiffre est beaucoup plus bas dans l’hexagone. Nous n’avons pas de statistiques précises à ce sujet mais nous constatons que de plus en plus en plus d’experts choisissent de devenir indépendants en France.
Notre entreprise n’aurait peut-être pas fonctionné dans ce pays si elle avait été lancée il y a cinq ans, mais nous enregistrons aujourd’hui une forte demande. Les entreprises sont plus ouvertes à travailler avec un cabinet comme le nôtre et les consultants sont plus nombreux à vouloir se mettre à leur propre compte.