2020 : quels changements dans nos habitudes alimentaires ? Alors que la rédaction brossait récemment le portrait d’une alimentation genrée, puis d’une alimentation 3.0 via différents compte-rendus d’enquêtes, une nouvelle étude kantar vient nous éclairer sur les comportements d’achat des citoyens français en terme de volume et d’intentions.
Avec une baisse de -1,2% en volume en 2019, la France est visiblement à la diète. Comment, pourquoi ? Et de quelle alimentation parle-t-on ? Kantar nous éclaire via une enquête à décrypter. Premier facteur d’explication, un ralentissement de la croissance démographique dû à deux tendances : un taux de natalité en baisse depuis 5 ans (la vie de femme au foyer ne faisant visiblement plus rêver); et le papy-boom, tirant la consommation alimentaire à domicile à la baisse.
Bien que simple et cohérente, cette première explication ne nous dit pas tout. Si l’hyperconsommation nous aura berné pendant plusieurs décennies, le phénomène s’épuise et la conscience collective s’organise pour laisser place au balbutiement d’une transition alimentaire plus durable.
Des consommateurs pas dupes
Le message commence à faire son chemin : la santé ne se résume pas à l’accumulation de produits ultra marquetés, et le retour aux choses simples, et saines, s’impose de pair avec un désir flagrant et tous sujets confondus d’authenticité, de retour au « vrai ». En témoignent les marchés les plus impactés par des baisses volume : le maquillage (-5%), les alcools (-6,4%), la viande (-4%), les surgelés (-3,3%), l’hygiène bébé (-7,5%) : en somme, du superflu..
Quand la loi s’en mêle
Et si les citoyens se mobilisent d’eux mêmes, les politiques aident aussi. 2019 est la première année de mise en application de la loi Egalim qui a eu un impact négatif sur les achats alimentaires (6 articles en moins achetés en promo par foyer) et les dépenses réalisées sous promotion, en baisse de 6%. Le pouvoir d’achat moyen augmentant, de plus en plus de repas sont pris en dehors du domicile (+8,5%). Les foyers français sont désormais 29% à se faire livrer plus ou moins régulièrement des repas à domicile.
69% des Français sont prêts à payer plus pour des produits de qualité. Si le volume d’achat baisse, les dépenses elles, continuent d’enregistrer une hausse stable. Attention tout de même, le retour de l’inflation freine une réelle transition alimentaire pour beaucoup avec un niveau qui a doublé en 1 an. Tant mieux pour les enseignes discount comme Lidl qui gagnent jusqu’à 0,4 pt de part de marché. Egalim profite aussi aux marques de distributeurs qui sont aidées par le coup de frein promotionnel opéré sur les marques et les marques de PME. Les enseignes remettent ainsi leurs marques propres au centre de leur stratégie, misant sur la qualité de leurs produits et surfant sur toutes les tendances durables de consommation que sont le bio, le local, et le naturel.
Le consommateur moyen n’existe plus
En pleine crise citoyenne exprimée notamment via le mouvement des Gilets jaunes, il serait dommage de ne pas y voir un marqueur radical de fracture sociale qui implique de prendre en compte la séparation des citoyens en classes, avec revenus et attentes bien divergentes. La fin de la « moyennisation » explique ainsi la fragmentation des pratiques de consommation à laquelle on assiste ces dernières années. Bio ou superpromotion, les paniers ne sont évidemment pas les mêmes… Chez les riches, la conscience environnementale est croissante : une revendication militante qui vente la déconsommation, et/ou une consommation responsable (quand ça l’arrange…). Magasins bio, application Yuka à l’affut de chaque produit, ils sont à 34% flexitariens, achètent leurs produits en AMAP, dans des enseignes spécialisées ou via plateformes collaboratives comme La Ruche qui dit oui.
Consommation à deux vitesses
Chez les moins riches, la préoccupation est plus à la survie en fin de mois qu’à la tomate bio et au steak soja à 4euros. La contrainte financière rythmant les achats, 11% des ménages déclarent « ne pas s’en sortir du tout ». Ils aspirent pourtant à consommer « comme les autres » : les magasins de déstockage et les solderies remplaçant le BiocBon. Alors que les riches se soucient de la fin du monde, les autres ont aussi à se soucier de la fin du mois. Pour les acteurs de la grande consommation, tout l’enjeu réside dans cette double injonction à laquelle ils devront répondre : s’adresser à la diversité des consommateurs, à des modèles de vie qui s’opposent, sur fond de crise sociale. Autrement dit, conjuguer le souci budgétaire au souci planétaire. Est-ce même possible ?