6 avril 2015

Temps de lecture : 6 min

Le consommateur, ce paradoxe en puissance…

Jamais le consommateur n’a été aussi errant, indépendant et paradoxal. Faisant de la relation client un vrai casse-tête. « Tendances 2015 », l’étude du groupe M6 donne 11 pistes réunies en 3 axes pour réinitialiser le système.

Jamais le consommateur n’a été aussi errant, indépendant et paradoxal. Faisant de la relation client un vrai casse-tête. « Tendances 2015 », l’étude du groupe M6 donne 11 pistes réunies en 3 axes pour réinitialiser le système.

Ca va être compliqué, très compliqué pour les marques d’entrer en relation avec le consommateur de 2015. Car pour lui plaire, il va falloir jouer sur 3 tableaux en même temps. Tout d’abord : être irréprochable, incomparable, inimitable donc ne pas faire d’erreur. Ensuite, ne pas avoir peur d’oser et de mettre en avant sa recherche et son développement mais alors risquer l’échec. Enfin, valoriser son savoir faire et être fière de son histoire et de son identité mais aussi éviter la nostalgie. Un triptyque fort en contradictions qui rend la tâche ardue mais pas impossible et peut-être même encore plus passionnante selon « Tendances 2015 », la 8ème édition de l’étude du groupe M6 réalisée en tandem avec Peclers, cabinet de conseils en prospective.

La base line : hyper connexion et symbiose avec la machine

« Il n’y a rien de révolutionnaire dans ce constat », souligne Carine Groz, directrice de Groupe Etudes chez M6 Publicité « d’abord parce que c’est la continuité de ce qui s’est amorcé les années précédentes autour de désir d’humanité, d’émotions fortes et de quête de performance. Ensuite, ces paradoxes encore plus affichés reflètent parfaitement le consommateur d’aujourd’hui qui demande des offres personnalisées mais ne surtout pas être traqué, qui ne veut pas renier le passé car il en a besoin mais qui cherche quand même à avancer, à aller plus loin vers l’infini petit ou grand. Et aussi qui hésite sans cesse entre collectif/individuel, comportement rationnel/sentiment ou désirs, éphémère/tangible. Enfin, qui ne souhaite rien louper mais qui veut se préserver des temps lents ou bien à lui. En fait, il se cherche et n’hésite pas à explorer des voies même si elles sont opposées ».

Un tout certes chaotique mais qui forme une dynamique résolument tournée vers le futur et avec laquelle les marques doivent composer notamment en jouant avec l’hyper connexion et en favorisant la symbiose avec la machine. Car celle-ci, tout en nous donnant des super pouvoirs, est aussi bienveillante (Vodafone et sa campagne Add power to your life) et de plus en plus performante au point d’être humanisée (Scentee et ses sms odorants). En effet, désormais on peut communiquer avec les plantes (Flower Power, Via Parrot) et bientôt avec les animaux (le casque capteur du collectif No More Woof), tandis que des robots peuvent nous conseiller (Darty), nous soigner, nous réparer (Microsoft Empowering) ou même recréer des goûts (Lollipop). Une technologie galopante et réjouissante mais tempérée par une crise économique durable qui a transformé la relation à l’argent, et un moral des foyers mitigé qui désorganise les comportements. Ce terreau bien particulier, selon l’étude, fait émerger 3 grands axes révélateurs d’un système à réinventer : « En avoir pour son argent », « Le côté obscure de la data » et « Cultiver sa mémoire », et détaillés en 11 tendances et pléthore d’exemples.

Le défi : le consommateur veut jouer d’égal à égal avec la marque

En avoir pour son argent : désormais le consommateur peut rivaliser avec la marque, il peut tout voir et vérifier. Il agit d’égal à égal, on est dans le marketing du « one to one » à outrance et de l’intime. Alors il en veut pour son argent. Mais au-delà du juste prix (place de théâtre payée selon ses éclats de rire, rester dans un endroit non pas grâce à la consommation mais au temps passé, se servir de n’importe quelle monnaie comme l’audience sociale via un Tweet, bénéficier de l’illimité…), il va exiger parfois de consommer avant de payer (le make up Genius de l’Oréal, Ikea et son QR code pour insérer des objets chez soi, le magasin Nike et sa salle de sport, les vêtements Gu au Japon qu’on peut rendre le soir, Audi Pays Bas et son essai de 48 heures). Mais aussi d’être récompensé pour son effort (évaluer le prix de son assurance selon son état de santé comme chez Axa, régler son ticket de métro, pendant les JO, à Moscou en faisant des flexions ou son addition de restaurant en faisant la vaisselle avec Mir), voire d’être câliné ou agrégé.

Avec des opérations comme le Click & walk qui consiste à photographier un produit en rayon, Recipay qui pousse à inventer des recettes à base de grandes marques, ou Wal Mart qui délègue les livraisons à d’autres clients, les marques embauchent et rémunèrent certains de leurs consommateurs et se débarrassent ainsi de tâches qu’elles ne veulent plus assumer. En même temps, c’est l’obligation pour elles d’aller dans une relation plus étroite, transparente, instantanée et rassurante. Ainsi Fleury Michon, dans sa récente campagne, invite à découvrir la fabrication du surimi. La Poste dans le sud ouest peut livrer le courrier par drone ou Milka, à l’inverse du pick pocket, glisse dans les poches des voyageurs, sans qu’ils s’en aperçoivent, ses « fill pockets » pour leur réserver une bonne surprise chocolatée.

Le côté obscure de la data : face à Uber capable de savoir quand on va l’appeler et pour quelle destination ou à Pizza Hut qui sait quel produit va lui être commandé, le consommateur met des mécanismes de défense en place en se cachant ou en résistant pour ne plus être traqué ni subir le calcul. Comment ? En exerçant son droit à l’oubli en désactivant Google, en optant pour des appli qui permettent de réagir de façon anonyme, en regardant l’émission de Channel 4 sur la confidentialité dans la vie réelle. Certaines marques en jouent comme Not a perfume de Juliette has a gun, ou McDonald’s qui n’hésite pas à se « débrander ».

En revanche, d’autres consommateurs vont chercher à profiter en étant paresseux ou en se facilitant la vie (le site Do nothing for 2 minutes, les livres de coloriage, les prêts à pousser, l’abonnement Bioseptyl pour renouveler sa brosse à dent…) ou en étant opportuniste (émergence du VRM pour gagner de l’argent, les balises Beacon, l’appli Run Pee qui indique pendant un film quand aller au toilettes ou s’acheter une glace…). Plusieurs d’entre eux vont également tout faire pour contourner ou détourner le système et préserver sa liberté (les monnaies locales à Toulouse ou Montreuil, les petits papiers d’Ajax et Darty sur Tumblr). Jouer l’émotion et la surprise tout en répondant aux besoins d’espace de liberté sont les armes des marques qui doivent donc prendre des risques.

Parmi les exemples : le saut dans le vide de Lacoste, l’exposition à la cité des Sciences, Oasis et ses fruits qui cherchent des colocs sur le Bon Coin, Hermès et son appli Silk knots pour les carrés, Doritos Roulette au Canada où une chips sur 5 est hyper épicée ou encore le bip modifié de Monoprix si un produit MDD passe en caisse. Et le cas échéant, elles auront aussi tout intérêt à valoriser leurs échecs ou leurs imperfections. Comme Mentos qui en lançant Mentos Chocolat assume haut et fort qu’il est chocolatier depuis peu. Ce qui la rend humaine et donc sympathique.

Cultiver sa mémoire : à l’heure de l’éphémère et du numérique, il est important de savoir ce qu’on garde, de faire l’inventaire en prenant garde à bien conserver ce qui est constitutif du passé afin d’avancer et au mieux, sans regret ni soupir. Peut-être même plutôt avec humour. D’où l’objectif pour une marque de se ré-ancrer avec fierté dans cette époque perturbée à travers des fondamentaux (histoire, savoir-faire). « Les disciplines des beaux arts qui contribuent à l’esthétisation du monde ainsi que la poésie, la littérature et l’écriture reviennent sur le devant de la scène », insiste Carine Groz « Car elles laissent une trace et transmettent une émotion dans un monde froid où rien ne dure. Il est primordial de permettre de se souvenir des belles choses ».

Et les initiatives ne manquent pas de Mark Zuckerberg, son club littéraire et son défi de lire un livre toutes les 2 semaines, à Caprice des Dieux et Etam avec leur programme de petites nouvelles, en passant par l’émission de télé réalité italienne qui enferme des jeunes écrivains, les poètes de rue à New York ou à Paris ou encore ce recueil de poésie pratique pour répondre aux soucis du quotidien. D’autant que ce devoir de mémoire est indissociable de l’autre enjeu qui est de transmettre un héritage aux futures générations. C’est ce qu’on retrouve à travers le tourisme de mémoire, les émissions d’histoire ou sur la cuisine et les recettes. Mais aussi avec la frénésie autour du 1er « Charlie Hebdo» immédiatement après les attentats : chacun voulait le sien pour pouvoir raconter et ne pas oublier. Une quête légitime mais dont l’unique conséquence -et la boucle est bouclée-est d’aider à avancer individuellement ou collectivement… mais surtout sans discontinuer.

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