Si la consommation collaborative ne concerne pas que les jeunes, elle est tout de même une réalité mieux implantée au sein de la génération Z ! Financement participatif, covoiturage, tiers-lieux, achats d’occasion, open education et mouvement maker… Le bureau de tendances et prospective Vitamin apporte un éclairage sur les pratiques collaboratives qui ont le vent en poupe.
Financement participatif : les jeunes reprennent le pouvoir
Contrairement aux a priori, le principe du crowdfunding n’est pas l’apanage des adultes. Les moins de vingt ans s’y intéressent tout autant, notamment parce qu’il leur permet de s’impliquer dans la société sans devoir solliciter leurs parents ou leurs professeurs. Ultra familiers des technologies numériques, ces « digital intuitives » reprennent le pouvoir (phénomène autrement appelé « empowerment ») sur leur mode de vie et leur consommation, tout en gagnant en influence auprès de leurs pairs. L’absence d’intermédiaires physiques, la rapidité et la fluidité offertes par les plate-formes en ligne offrent aux membres de la génération Z une totale autonomie, et surtout sont en phase avec leur esprit d’action et d’engagement qui les amène de plus ne plus à soutenir des causes ou des entreprises en devenir.
L’Unicef a ainsi créé en 2014 une plateforme de crowdfunding autour d’Halloween. Là, chacun pouvait former une équipe, qui, à l’aide d’une petite boîte orange, virtuelle ou non, pouvait récolter des fonds au profit de l’organisme humanitaire. Dans la même lignée, DoSomething.org rassemble près de 4 millions de jeunes membres qui peuvent y choisir la cause qu’ils souhaitent soutenir, la manière dont ils souhaitent participer et le temps qu’ils ont à y accorder.
Covoiturage : vers une mobilité toujours plus partagée et multi-modale
Pour la génération Z, l’automobile personnelle ne sera bientôt plus qu’une des composantes de la mobilité. « En 2013, un parisien sur deux n’a pas de voiture, c’était déjà le cas il y a cinquante ans, mais la différence c’est que jadis c’était les personnes âgées qui n’étaient pas motorisées, aujourd’hui ce sont les jeunes », observe Pascal Feillard, directeur de l’intelligence marketing et de la prévision chez PSA et secrétaire général à l’Institut de la Ville en Mouvement. En effet, d’après l’étude « Partage, troc, occasion, un truc de jeunes ? » de l’Obosco (Observatoire Société et Consommation) publiée en septembre 2014, les jeunes Z délaissent de plus en plus la voiture personnelle pour privilégier des moyens de transport partagés : ils ont presque deux fois plus recours au covoiturage que leurs aînés.
La civilisation numérique a fait du smartphone la nouvelle clé du véhicule (voire parfois c’est même la clé à proprement parlé). Il devient un outil permettant de combiner différents modes de transports pour effectuer un trajet. Il est le moyen d’une mobilité choisie et multi-modale, et rend par la même occasion l’automobile, en usage personnel ou partagé, un vecteur parmi d’autres.
Tiers-lieux, espaces de coworking : vive la flexibilité !
Avec des statuts professionnels indépendants qui se multiplient (freelance, consultant, libéral, auto entrepreneur) et 47% des membres de la génération Z à envisager de créer leur propre entreprise selon une étude de The Boson Project et BNP Paribas, les tiers-lieux ne cessent de se multiplier pour répondre aux attentes de ces nouveaux travailleurs. Loin de l’open space chaotique et des salles de réunion austères, les jeunes Z recherchent des environnements de travail intimes, conviviaux et fun. Fini les emplois du temps stricts et les lieux de travail sédentaires. A l’heure de l’ultra mobilité, ces nouveaux actifs affectionnent particulièrement la flexibilité, à la fois sur leur lieu et dans leur temps de travail. Ni domicile ni bureau -mais quand même un peu des deux- les espaces de coworking, cafés-bureaux, bars d’hôtels et coffee shops avec wifi sur le modèle Starbucks sont devenus des lieux de travail alternatifs en phase avec les valeurs des générations Y et Z.
Ces espaces se multiplient dans les grandes villes, et Paris en dénombre aujourd’hui plus d’une centaine -publics ou privés- dont les plus connus se nomment La Ruche, La Cantine, La Fonderie, Le Tank, Lawomatic, Craft… Sans compter les pépinières d’entreprises, accélérateurs et autres incubateurs (une quarantaine à Paris, accueillant 1500 start-up), qui appartiennent à la même famille. A l’été 2015, la Mairie de Paris avait anoncé financer, à hauteur de 2 millions d’euros, quatorze espaces de coworking réunissant étudiants et entrepreneurs, visant à les rapprocher et à les faire travailler ensemble. En outre, ces ultra connectés qui privilégient l’esprit de réseau sont plus à l’aise dans un cadre professionnel communautaire, où les relations horizontales de pair-à-pair remplacent le modèle hiérarchique, et qui favorise aussi la mobilité géographique.
L’accès et l’usage : la mort de la propriété
Acheter de nouveaux vêtements ? Oui et non. Dans une démarche responsable mais surtout économique lorsqu’il s’agit d’adolescents au budget serré, on veut désormais consommer intelligemment, à savoir consommer autant pour moins cher, ou consommer plus avec le même budget. L’idée est de dépenser « juste », c’est-à-dire satisfaire son désir de consommer tout en optimisant les ressources dont on dispose. Pour ce faire, on loue, on revend, on échange, on troque. La civilisation numérique a boosté le secteur de la seconde main grâce aux plateformes de mise en relation entre particuliers : après le succès spectaculaire du Bon Coin et de Videdressing en France, d’autres acteurs ont investi le marché (Wallapop, Pretachanger), y compris les distributeurs (Decathlon, Ikea, Amazon). D’ailleurs, dans « Partage, troc, occasion, un truc de jeunes ? » l’Obosco montre qu’un jeune de 18 à 25 ans sur cinq, est plus enclin à louer un objet que ses aînés, ou à l’acheter à plusieurs pour se le partager.
Open education : l’accès au savoir pour tous
Logiciel, éducation, innovation, management, science, culture et gouvernance, l’ouverture des données publiques comme privées et la démocratisation des connaissances, rendues possibles par la révolution numérique, concernent toutes les sphères économiques et sociales. L’« open education » concerne plus particulièrement les moins de vingt ans, qui sont encore à l’école, en stage ou en formation d’apprentissage. Les ressources éducatives libres, qui sont partageables, modifiables et reproductibles sans frais, ont fleuri au cours des dernières années, offrant une excellente alternative interactive aux manuels scolaires. Ces modèles facilitent l’accès à l’éducation à un nombre plus grand d’étudiants, y compris ceux vivant dans des communautés mal desservies ou rurales. La Fondation CK-12 est une association à but non lucratif basée en Californie qui fournit une bibliothèque de manuels gratuits en ligne, des vidéos, des exercices, des flashcards et des applications pour plus de 5000 concepts. Aux Etats-Unis, 38 000 écoles utilisent le matériel CK-12.
De plus, les écoles virtuelles et les cours en ligne, et notamment les MOOCs (massive open online course), sont également à la hausse. Le Virtual High School, l’une des premières organisations à offrir des cours en ligne pour compléter l’apprentissage en classe traditionnelle, a permis de définir un nouveau style d’apprentissage global et connecté à travers un réseau de plus de 700 écoles membres.
Mouvement «Maker» : les artisans des temps modernes
Le « making », c’est le Do-It-Yourself en version numérique, ainsi que son industrialisation. Pour les jeunes Z, nés avec le numérique entre les mains, rien de plus facile que de devenir des créateurs en herbe, des « makers ». Imaginer et concevoir ses propres meubles, chaussures, bijoux ou bières est désormais possible grâce aux nouveaux outils technologiques -imprimante et modélisation 3D, découpe laser- couplés aux logiciels et fichiers open source, qui se démocratisent à la vitesse de l’éclair. Ce succès grandissant reflète également une réaction protectrice face à une situation de crise. « On voit ainsi dans les Maker Faire (évènements publics autour du mouvement Maker) des grands-mères accompagnées de leurs petits-enfants. Les parents aujourd’hui sont de plus en plus inquiets pour l’avenir de leurs enfants, et pour trouver un boulot, ils souhaitent que leurs petits apprennent à faire des choses de leurs mains et qu’ils s’intéressent aux sciences », explique Tim Bajarin, président de Creative Strategies, une société de conseil réputée de la Silicon Valley.
Les ateliers de fabrication numérique, accessibles à tous et dédiés au prototypage rapide (ateliers libre-service comme L’Établisienne, fablabs, hacker spaces), prolifèrent partout dans le monde, et s’insèrent même au sein des établissements d’enseignement supérieur afin de permettre aux étudiants de se familiariser à de nouveaux outils et parfaire leurs connaissances de manière moins académique. Le premier fablab de l’enseignement supérieur en France a été créé à l’université de Cergy-Pontoise en 2012. Depuis, d’autres universités et écoles d’ingénieurs se sont lancées dans l’aventure, comme Centrale Marseille, l’Université technologique de Compiègne ou encore l’Université Pierre-et-Marie-Curie. Certains enseignants intègrent, quant à eux, les équipements du fablab dans leurs cours : à Télécom Bretagne, les futurs ingénieurs doivent créer eux-mêmes une antenne relais, pour bien comprendre toute la théorie apprise en cours autour du concept de transmission des ondes. En outre, au CampusFab, installé au coeur de l’Université Paul-Sabatier de Toulouse, les étudiants peuvent rencontrer des chercheurs.