Pour être durable et plus efficace, la ville de demain devra être digitale et savoir intégrer la data dans ses services, notamment de mobilité. La maitrise et l’utilisation de la donnée sont devenues prépondérantes dans la construction d’un écosystème urbain. Responsable du « City Science » de MIT, aux Etats-Unis, Ryan Chin revient sur cette approche scientifique de la smart city.
Quelle empreinte RSE les marques doivent-elles laisser dans une agglomération ? Devant un lâcher prise des pouvoirs publics sur les politiques sociales et urbaines, elles ont un rôle à jouer et pourraient fortement se substituer aux autorités… Mais comment, quand et sous quelle forme ? Dans un article paru dans la revue d’INfluencia « La ville, bienvenue à bord », Claire Bourasset et Aurélia Cocheteux de l’agence Pixelis livraient deux visions anticipatrices et différentes. Si le XIXe siècle est associé aux empires, le XXe siècle à l’état nation, le XXIe siècle sera celui de la ville. En effet, mégalopoles, zones urbaines, périphéries, banlieues, capitales, quelle que soit l’appellation, en 2040 nous serons 5 milliards à vivre en ville.
Beaucoup de villes ont fait du numérique une priorité, un élément de différenciation ou un axe de développement. Parfois même une raison d’être, comme Songdo en Corée du Sud, construite ex nihilo pour devenir la ville hyper-connectée de demain. Avec l’appui de grands groupes spécialistes des réseaux ou des infrastructures collectives (IBM, Microsoft, Cisco Systems, Siemens,Thales…), ces smart cities s’appuient sur la technologie pour mieux gérer la vie en ville. Elles en font aussi un atout pour devenir plus attractives vis-à-vis des habitants, des investisseurs et des entreprises, qui à leur tour alimentent le système en générant des données de consommation et d’usage des services.
Sans un traitement poussé de la data et sans le développement des objets connectés collectifs ou individuels, bon nombre de réalisations qui réinventent la ville n’auraient pas pu voir le jour. La maitrise et l’utilisation de la donnée sont devenues prépondérantes dans la construction d’un écosystème urbain. Que cela soit pour la culture, la voirie, la consommation énergétique, les services sociaux et même les annonceurs, la data permet d’acquérir une connaissance des infrastructures et du citoyen comme jamais auparavant.
La data au cœur de la ville intelligente
Le concept de « ville intelligente », qui succède à la « ville numérique », est éloquent à cet égard car lui aussi donne la part belle à la rationalité. Le développement de la Big Data, à savoir la capacité sans précédent pour recueillir, analyser et mettre en œuvre d’énormes quantités d’informations numériques, va en effet permettre aux villes d’améliorer le confort des citoyens, d’être plus efficaces dans leur gestion des ressources et de mettre en place une gouvernance participative.
Directeur de l’initiative « City Science » du Massachusetts Institute of Technology, pilier mondial des laboratoires technologiques précurseurs de notre futur, le docteur Ryan Chin prône une approche scientifique dans la construction des villes de demain. Il nous en avait parlé dans la Revue n°10 « La Ville ». Il n’avait pas encore tout dit. Interview.
INfluencia : City Science promeut une approche pro data dans le design et la planification des villes de demain. Quels autres exemples spécifiques inspirés de cette philosophie existent déjà aux Etats-Unis ?
Ryan Chin : la société Sense Networks a crée des applications web qui permettent aux utilisateurs de déterminer la solution la plus facile pour commander un taxi dans des conditions climatiques difficiles. Cette même technologie peut indiquer où chacun se déplace dans la ville, bien sûr en tout anonymat. La data générée peut être utilisée pour modifier les systèmes de transports publics et la mobilité urbaine en général. Avec ces données, il est en effet possible d’installer des arrêts de bus là où les gens veulent aller. Cela permettrait d’augmenter la mobilité par les transports publics et donc réduire les congestions et accroître l’efficacité des routes.
INfluencia : comment la data peut-elle être le compagnon quotidien du citoyen connecté de la smart city du futur ?
Ryan Chin : avec nos smartphones, la data est déjà son compagnon quotidien. Ce que nous n’avons pas encore fait en tant que société dans son ensemble, c’est intégrer efficacement la data dans les systèmes. Par exemple, la plupart des réseaux de mobilité ne sont pas reliés entre eux. Si vous voulez combiner le partage de vélo avec un transport public, ce sera compliqué et pas seulement d’un point de vue logistique. Planifier le trajet sera également difficile. Il n’existe aujourd’hui aucun planificateur de trajets qui permet une connectivité intermodale. Sans cela, les limites de croissance de chaque système sont encore trop fortes. Une approche plus intégrante accroitrait la capacité de passagers dans des modes de transports plus durables.
INfluencia : justement, quelle sorte de durabilité la smart city a-t-elle absolument besoin de construire ?
Ryan Chin : créer des villes plus durables est devenu un impératif global. Après des années d’études, il ne fait plus aucun doute que l’industrialisation -une activité humaine- est un contributeur majeur au changement climatique. L’industrialisation a mené à l’urbanisation et éventuellement à la sous-urbanisation et aujourd’hui aux grandes banlieues. La majorité des émissions de gaz à effet de serre provient des zones métropolitaines, y compris les villes et les banlieues. Pourtant, la densification des villes et plus spécifiquement leur cœur urbain, détient la clef de la création de quartiers plus piétons. Ils peuvent être des modèles de communautés semi-autonomes où les gens pourraient vivre et travailler à dix minutes de marche seulement, où la nourriture et l’énergie pourraient être créées localement et où les systèmes de mobilité à la demande seraient la forme dominante de transport. Nous croyons que cet objectif est crucial dans l’avènement nécessaire des villes durables.
Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA
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