7 avril 2020

Temps de lecture : 4 min

Confinement et création : les rituels quotidiens de Balzac, Hugo, Proust…

Alors que la moitié de l’humanité est désormais confinée chez elle, nous voici universellement confrontés à une épreuve de taille : sculpter notre temps pour maintenir hygiène mentale et productivité. Pour y parvenir, prenons exemple sur les grands créateurs de notre histoire dont les rituels quotidiens furent aussi efficaces que singuliers.

Alors que la moitié de l’humanité est désormais confinée chez elle, nous voici universellement confrontés à une épreuve de taille : sculpter notre temps pour maintenir hygiène mentale et productivité. Pour y parvenir, prenons exemple sur les grands créateurs de notre histoire dont les rituels quotidiens furent aussi efficaces que singuliers.

À la lecture de la Comédie Humaine d’Honoré de Balzac et des Misérables de Victor Hugo, on est frappé par la richesse de l’intrigue et la multitude de personnages qui s’enchevêtrent dans le récit. Mais le plus sidérant dans ces oeuvres fleuves revient peut-être au travail herculéen qui pèse sur leur créateur. Face aux capacités physiologiques limitées d’un corps humain, comment les génies de notre temps, aussi virtuoses soient-ils, sont-ils parvenus à organiser leurs journées pour créer de tels chefs d’oeuvres ? Leurs méthodes peuvent-elles nous inspirer en cette période de confinement ?

L’écrivain américain Mason Currey a compilé dans son livre « Daily Rituals, how artists work » les habitudes quotidiennes de 250 artistes, compositeurs et créateurs pour percer le secret de leur créativité. Entre ceux qui réclament le cadre confortable du canapé et ceux qui affectionnent le stoïcisme de la chaise en bois, ceux qui travaillent 10 heures par jour sans pause et ceux qui assument une procrastination aiguë, les rituels sont nombreux et parfois bien étranges. Une chose est sûre, en cette période de confinement, il y a de quoi considérer ces habitudes comme des tutoriels de survie.

Balzac écrivait treize heures par jour et buvait jusqu’à 50 cafés

La répartition du temps de travail est cruciale dans l’activité productive et créatrice. Victor Hugo ne passait par exemple que 2 heures de sa journée à écrire – entre 18h et 20h – mais sa régularité de fer et cette courte durée lui permettait d’être hautement productif. Il passait le reste de sa journée à déjeuner avec ses amis, à faire de longs exercices physiques à la plage et à prendre des bains d’eau glacée sur son toit. Une attitude peu propice au confinement, mais qui souligne les avantages d’une journée diversifiée. À l’autre bout spectre se trouve Honoré de Balzac. L’auteur de La Peau de chagrin avait une conduite pour le moins ascétique : il divisait sa journée en deux périodes d’écriture de plus de six heures chacune, séparées par une sieste et quelques fois un repas. Un total de treize heures de travail par jour parfois sans sortie aucune, seulement un peu d’exercice et un bain pour se détendre. Un exemple radical qui fera trembler d’effroi les plus réticents à la distanciation sociale.

Ce gouffre dans les liturgies du quotidien se retrouve également au XVIIème siècle entre Mozart et Beethoven. Alors que le premier ne composait que deux heures de musique à son lever et deux heures avant son coucher, Beethoven était un compositeur acharné capable de passer huit heures à créer de l’aube à midi. Forcé est de constater qu’en matière de productivité, il ne semble pas y avoir de solution miracle.

« Les seules pensées valables viennent en marchant »

Une grande partie des artistes étudiés profitaient de longs moments de marche afin de s’aérer et prendre du recul sur leurs pensées. Charles Dickens marchait chaque jour de longues heures dans les rues de Londres quand Charles Darwin s’astreignait à trois temps de marche dans la journée pour espacer son fastidieux travail sur l’évolution. Des chercheurs de l’université de Stanford ont d’ailleurs prouvé que la marche permettait littéralement d’oxygéner le cerveau par la fluidification des connexions neuronales. Nietzsche avait dors et déjà raison en disant que « les seules pensées valables viennent en marchant ». Si l’actualité nous interdit de flâner dehors, il est toujours possible de faire du sport dans son jardin pour mettre du vent dans les synapses à la manière de John Milton.

En matière de vie sociale en revanche, la plupart des grands créateurs étaient des parangons de la distanciation sociale. Marcel Proust s’était retiré du monde pour se consacrer À la recherche du temps perdu quand Pablo Picasso ne voyait ses amis que le dimanche. Si vous ne considérez pas les interactions sociales comme une perte d’énergie, vous pouvez opter pour des « skyperos » entre deux sessions de travail.

La constante des virtuoses : dormir entre 6h et 8h d’affilée

Si certains se déchirent sur la question de savoir si l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ou à ceux qui jouissent d’un hédonisme vespéral, la réalité est plus complexe. Les horaires de coucher varient selon les artistes, mais la quantité de sommeil demeure. Qu’ils soient matinaux ou nocturnes, ces derniers dorment entre six et huit heures d’affilée par nuit. Bien sur, l’organisation de Morphée varie : Gustave Flaubert travaillait avec une grande concentration entre 21h30 et 3h du matin là où Balzac dormait de 18h à 1h du matin pour travailler toute la matinée.

Sur un plan scientifique, il est aujourd’hui prouvé que notre concentration et notre efficacité dépendent de notre rythme circadien, c’est-à-dire de notre rythme biologique sur une journée donnée. Si chacun a son propre tempo et donc ses pics d’énergie, c’est généralement dans les 4 heures après le réveil que nous serions le plus efficace. Une information que la romancière américaine Patricia Highsmith n’avait pas à sa connaissance : elle n’était productive que lorsqu’elle était dans son lit, entourée de cigarettes, de donuts et d’un sucrier avec un shot d’alcool dans le ventre.

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