13 mars 2017

Temps de lecture : 5 min

Confiance, faits et vérité : comment communiquer à l’ère de la défiance ?

Discrédit du politique, des médias, scandales industriels, alimentaires... Nous vivons dans une société du doute, voire de défiance vis à vis d'à peu près tout ce qui incarne une forme de pouvoir et d'autorité. Pourtant, la période est propice à une plus grande proximité et même à une vraie relation entre des interlocuteurs auparavant éloignés par nature. Mais comment se construit la confiance et se légitime la parole de l'organisation dans un contexte aussi paradoxal ?

Discrédit du politique, des médias, scandales industriels, alimentaires… Nous vivons dans une société du doute, voire de défiance vis à vis d’à peu près tout ce qui incarne une forme de pouvoir et d’autorité. Pourtant, la période est propice à une plus grande proximité et même une vraie relation entre des interlocuteurs auparavant éloignés par nature. Mais comment se construit la confiance et se légitime la parole de l’organisation dans un contexte aussi paradoxal ?

Le dernier baromètre de confiance d’Edelman décrit sans surprise une « crise de confiance » à l’échelle mondiale vis à vis des institutions gouvernementales, ONG, entreprises et médias. Si les « experts » demeurent les porte-paroles considérés comme les plus crédibles, ils partagent désormais ce statut (60% d’indice de confiance) avec les pairs des personnes interrogées, soit les « gens comme eux ». On peut y voir le signe d’une érosion de la confiance vis-à-vis des émetteurs considérés jusqu’à présent comme les plus légitimes. Les ONG, quant à elles, se situent en matière de confiance juste devant les patrons et derrière les analystes financiers, avec un indice de crédibilité de 43%.

La « caution scientifique » véhicule en réalité depuis longtemps des doutes hérités de pratiques d’un autre âge, notamment attribuées fût un temps à l’industrie du tabac. Plus récemment, les pratiques de lobbying de cette même industrie étaient dénoncées à l’occasion d’un Cash Investigation qui avait, en octobre 2014, fait grand bruit. De nombreuses investigations ont également régulièrement fait état de liens parfois pour le moins étranges entre scientifiques et firmes et ne parlons pas de débats d’une ampleur considérable comme celui portant sur le réchauffement climatique.

Si l’idée n’est pas ici de traiter le complexe sujet du financement de la recherche ni de dénouer la vérité de la théorie du complot et encore moins de soutenir un doute vis à vis de la communauté scientifique, on notera que de telles suspicions (au delà de faits, avérés ou pas) ont nécessairement eut un impact, sinon massif, réellement durable, sur l’opinion publique, selon un mécanisme comparable à celui de la rumeur.

En novembre dernier, 100 scientifiques dénonçaient dans une tribune publiée dans le Monde, une « déformation délibérée » par les industriels, « des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse » sur la question hautement sensible des perturbateurs endocriniens.

Appuyons-nous sur une étude !

Science manipulée ou doute global du fait de quelques pratiques isolées de la part de scientifiques ? Quoi qu’il en soit, la caution apparaît surexploitée, à travers notamment l’argument massue de « l’étude qui démontre que… ». Or en la matière -faites l’exercice de taper cette expression dans Google- on voit littéralement tout et n’importe quoi : du sérieux au burlesque, de l’intellectuellement honnête au pathétique. Derrière « l’étude » se cachent en effet bien des réalités, conditions de réalisation, méthodologies et…donc légitimités ! Du sondage plus ou moins représentatif à l’étude épidémiologique de vaste envergure, il y a bien entendu des réalités éminemment différentes. Il y a là, une faille bien connue et, ici encore, bien ancrée dans une opinion publique pour le moins échaudée (en particulier par les sondages) : « les études, on leur fait dire ce qu’on veut ».

Notons également que les « vraies » études, par nature académiques, nécessitent de solides compétences et ne sauraient logiquement être à la portée de tous. De la même façon, la vérification du sérieux des experts et de l’institut ou organisme (et ne parlons pas de la pertinence de la méthodologie) n’est pas aisée.

Le citoyen et la vérité, otages d’un imbroglio tripartite

Parfois alliés, parfois opposants, les uns se servant des autres, ONG, scientifiques et entreprises partagent une responsabilité en matière d’information sur des sujets souvent complexes, souvent sensibles. Une responsabilité partagée mais des intérêts bien distincts, si bien que le citoyen ou le consommateur, exposé soit à un trop-plein d’informations, soit à une forme d’opacité, ne sait pas très bien qui et quoi croire à propos d’enjeux qui le concernent en premier lieu, notamment dans la santé publique.

Pour reprendre l’exemple des perturbateurs endocriniens, le législateur lui-même apparaît impuissant alors que de solides arguments font craindre une catastrophe sanitaire d’une extraordinaire ampleur. Les dangers de ces substances, confirmés scientifiquement et dénoncés par certaines ONG imposeraient une réglementation visant à en limiter l’utilisation. Une telle réglementation causerait cependant une atteinte sérieuse au chiffre d’affaire de certaines industries. Prise en tenaille, la Commission Européenne joue la montre et le citoyen, lui, a peur, confronté au traitement médiatique du sujet.

Récemment, de nombreuses publications ont été relayées portant sur l’allégation (pour le moins médiatique) que le Nutella favoriserait l’apparition de certains cancers. Derrière cette rumeur qui a largement circulé, la très sérieuse EFSA (Agence Européenne de Sécurité Alimentaire) pointant du doigt l’huile de palme, pouvant représenter dans certaines circonstances un risque. Nutella, en tant que marque phare et populaire, constituant depuis un certain temps le bouc émissaire de plusieurs combats menés par des ONG contre l’huile de palme, l’association apparaît facile…et porteuse. Difficile, dans ces conditions non seulement pour le consommateur d’avoir les idées claires, mais également pour chacun de défendre sa version des faits, plus difficile encore, pour la vérité, d’exister.

La vérité ne suffit pas pour convaincre

Or, cette vérité, complexe à faire vivre, ne saurait se suffire à elle même. En cette période trouble ayant vu l’avènement de la notion de « post-vérité » comme mot de l’année 2016 pour l’Oxford Dictionary, elle apparaît certes comme un vertueux prérequis dans la confiance des organisations vis à vis de leurs publics. Mais suffit-elle à les convaincre ?

Non, à en croire l’état de la recherche en psychologie sociale. Les faits, comme l’explique Elizabeth Kolbert dans le New Yorker, ne nous font pas changer d’avis. La problématique des bulles informationnelles rend, quant à elle, complexe l’existence, pour tout un chacun, d’une vérité objective. Chacun est influencé par son environnement, de la même façon que les flux informationnels auxquels nous sommes exposés sont nécessairement biaisés et au moins partiellement partisans.

Comment dès lors, faire entendre sa voix, en tant qu’institution ou entreprise, au delà de la vérité et du fait bruts ? On en revient à des fondamentaux aussi évidents que les valeurs, les actes, les produits, leurs vertus, et…les gens qui les font, le tout stratégiquement bien amené, raconté de manière créative et médiatiquement efficace. Et c’est là que « la communication » intervient.

Et le communicant dans tout ça ?

La profession n’est pas en reste en matière de méfiance portée par le public. Est-il besoin de rappeler l’histoire « propagandiste » des relations publiques ou l’influence critiquée des méthodes publicitaires ? Il serait quoi qu’il en soit présomptueux de prêter au communicant un rôle d’arbitre, sa mission étant évidemment liée aux intérêts de son client (lequel pouvant être de toute nature : entreprise, institution, ONG, etc).

Il est en revanche garant de la confiance entre son client et ses publics, dans un contexte où la vérité et la transparence constituent des conditions sine qua non à toute démarche relationnelle. Il a également vocation à aider son client, quel qu’il soit, à prendre du recul et à replacer les problématiques dans un contexte global, fait d’attentes, d’enjeux, d’oppositions, que l’annonceur peut peiner à voir clairement, étant logiquement ethnocentré sur son activité.

Enfin, en tant que médiateur, chargé de faire passer le bon message de la meilleure des façons au public concerné, il a pour mission de veiller à solliciter ou traduire, quelques fois vulgariser, des études, des faits, parfois même des informations sensibles, en conciliant maintient de la véracité et intelligibilité. Ce qui relève en réalité de la transparence constitue sinon l’élément le plus important, au moins un ingrédient indispensable à la conduite d’une relation de confiance avec l’ensemble des parties-prenantes.

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