Sur le web et les médias sociaux se multiplient des opérations transparence d’un genre nouveau : sincères professions de foi ou audacieuses stratégies de communication ? Tout cela à la fois, mais surtout des réponses à des exigences réelles.
Les secteurs de l’agro-alimentaire et de la restauration rapide se trouvent par nature à la croisée de deux sujets particulièrement sensibles aux yeux de l’opinion publique : la sécurité et la santé. La tendance à un mode de vie plus sain et à une alimentation plus équilibrée, la succession de scandales entachant lourdement la confiance des consommateurs (de la vache folle à la viande de cheval), ont logiquement contribué à les placer en ligne de mire de la vigilance de l’ensemble de leurs publics. Cette situation ayant pour effet d’instaurer, entre autres exigences, celle de la transparence.
Notion aujourd’hui galvaudée, elle ne saurait en communication constituer une vertu car elle est devenue un prérequis. Réglementaire tout d’abord (étiquetage, provenances…) mais également vis à vis de l’opinion, constituée en grande partie de clients de plus en plus informés et exigeants. Les producteurs et industriels se trouvent au cœur d’une situation paradoxale : les publics veulent tout savoir alors même qu’ils jugent suspicieuse une trop grande transparence, notamment exposée à grands renforts de communication. En effet, si “le partisan de l’opacité est présumé coupable ”, celui de la transparence n’en est pas de facto considéré innocent.
La transparence, entre nécessaire vérité et communication opportuniste
Parfois exigée par les circonstances (comme de la part de Findus, qui a mis en ligne un important dispositif de questions-réponses en ligne en réaction au scandale de la viande de cheval), elle est dans d’autres cas plus opportuniste (comme Fleury Michon, et son #venezverifiez autour de la production et de la composition de son surimi).
McDonald’s mène de son coté depuis peu aux Etats-Unis l’opération « Our food. Your questions », une démarche de communication qui trouve un important écho. Des reportages vidéo y répondent à des questions telles que « McDonald’s utilise-t-elle de vrais œufs ? » ou « qu’y-a-t-il dans un Chicken McNugget ?» se trouvent formulées sans langue de bois. On y apprend par exemple que 19 (1) ingrédients composent les frites dans les McDo américains. Toutes ces « révélations » suscitent logiquement réactions et articles, souvent critiques : si les consommateurs apprécient de tout savoir, ils n’en acceptent pas pour autant de tout avaler.
« Bad buzz » ou nouveau standard de communication pour toute une industrie ?
A court terme, on pourrait s’interroger sur ce qui apparaît risqué pour toute une filière : tout montrer, ou du moins assumer quelques vérités dérangeantes, c’est aussi révéler des choses qui ne plairont pas à tous, a fortiori à des consommateurs qui exigent des produits à la fois sains, bons, peu chers, disponibles, soit une équation impossible à résoudre. Mais à long terme ? Suivre les résultats et réactions (souvent négatives) suscitées par des actions de communication selon un temps qui est celui de l’information en continu et des médias sociaux pose un biais occultant un principe fondamental : l’image se construit sur la durée, l’opinion se façonne sur le temps long.
Dans tous les cas, l’exigence d’information, sinon de transparence, impose une plus grande lumière sur les coulisses de toute une chaîne, du producteur au consommateur. Il apparaît dès lors préférable de prendre les devants, quitte à assumer ce qui peut ne pas plaire à tous, que de se livrer à la hâte à un grand déballage forcé par des circonstances fâcheuses, allant de rumeurs gênantes à de vraies crises sanitaires.
(1) Thierry Libaert, La transparence en trompe-l’œil, Editions Descartes, 2003