Après avoir croisé les expertises professionnelles sur l’empreinte de la crise sur la paysage consumériste et dressé le portrait d’une France citoyenne inquiète et prête à revoir sa consommation, la rédaction s’attarde sur le dernier rapport de l’Union des marques. Au menu : communiquer. Comment, pourquoi et avec quels enjeux en tête ? Là où hier 8 marques sur 10 envisageaient de faire évoluer leur communication post-confinement, qu’en est-il vraiment ? Questions clés, réponses chiffrées.
Depuis le déconfinement, les enquêtes s’enchainent, s’accumulent, s’ajustent et finissent par se ressembler : quelle société hier, quelle consommation demain et quels enjeux la semaines suivante ? « Anticiper » est à la bouche de tous les marketeurs. Définir les enjeux majeurs à appréhender pour les marques et les scénarios de sortie de crise à entrevoir. Après 2 mois de silence ou de prises de parole covid-centrées et souvent un poil opportunistes, comment communiquer à présent ? En territoire déconfiné depuis maintenant 2 semaines, coup d’oeil sur la 2ème vague du Baromètre Marques et marketeurs en temps de crise de l’Union des Marques.
Reprise contrastée
Dans un food post-crise tâtonnant, marques comme citoyens commencent à reprendre un rythme de vie plus fluide. Sortir, travailler, et communiquer reviennent au goût du jour, avec prudence toutefois. Ainsi, 56 % des marques envisagent désormais de maintenir voire d’augmenter leurs prises de paroles sur la période mai/septembre. Une donnée significative quand on sait que 70 % d’entre elles les avaient réduits voire supprimés depuis le début de la pandémie en mars. Une manière pour les marques de maintenir un lien avec leurs publics pour 79% d’entre elles, (+ 6 points), parce que les produits/services sont adaptés au contexte (58%), ou encore de relancer l’économie de leur business (47%). Selon l’Union des Marques, on peut parler d’une reprise prenant la forme de la celèbre « swooch » de Nike : après une décrue rapide, une remontée graduelle.
Mais si cette reprise est encourageante, le paysage entrepreneurial reste contrasté. Car, à l’inverse, 44 % des marques envisagent de diminuer voire de supprimer leurs communications dans la période de mai à septembre 2020. Peur de tomber dans les écueils d’un opportunisme mercantile peu glorieux, inquiétude face à une potentielle reprise de l’épidémie? Les questions économiques (87%) et financières (40%) en sont cependant les principales causes.
Médias et marques, quel retour ?
Si l’événementiel reste sur pause, la présence médiatique, elle, reprend progressivement. Un rééquilibrage des investissements médias au profit de la télévision et de la radio se dessine au lendemain d’une consommation digitale sans précédent. 2 annonceurs sur 3 reprendraient alors leurs investissements en TV et radio. En ce qui concerne la communication extérieure et le cinéma, ils pourraient profiter de la reprise de la mobilité des Français, et de la réouverture envisagée des salles obscures, avec respectivement 55 % et 42 % de hausse. Aussi, pour accompagner la réouverture des magasins, le retail media semble voir ses investissements se maintenir à la hausse (34 %).
Enfin, la période à venir semblerait propice à l’augmentation des budgets DATA/CRM, marquant une accélération dans la digitalisation et l’optimisation de la data au service de la connaissance client. Il en est de même pour les budgets création et production de messages publicitaires, en adéquation avec la reprise de paroles et l’adaptation des messages. Alors que 40% des marques avaient augmenté leurs relations publiques en mars, elles ne sont plus que 6 % à l’envisager pour la période mai à septembre.
Une question de ton et de sujet
Si le retour des prises de parole est inévitable pour les marques, la tonalité abordée est un autre sujet. 8 sur 10 envisagent de changer leur registre de communication. Vue et revue, la thématique de l’engagement sociétal de la marque est moins présente qu’en mars/avril, le discours d’utilité dans le quotidien du consommateur (54%) et surtout la thématique sécurité (51%) venant lui voler la vedette, suivie par la proximité et l’émotion (43%). Ensuite, là où l’angle solidarité et remerciements était troisième avec 54 %, il recule de trois rangs (- 23 points soit 31%). Au plus bas et c’est tant mieux, l’humour charme un petit 14% des marques et le réalisme/sérieux 6%.
Quels changements concrèts en interne ?
Comme Fanny Parise -anthropologue et chercheuse- l’expliquait lors du Webinar organisé par Lonsdale en partenariat avec INfluencia, la crise aura permis la naissance de nouveaux rites d’interaction et d’une « phygitalisation des modes de vie et de consommation ». En entreprise notamment, le télétravail connait son heure de gloire. Là ou hier 3% en moyenne des Français utilisaient le télétravail de manière plus ou moins régulière, les nouvelles conditions mises en place pour la sécurité de tous a fait évoluer ce pourcentage à 25%. Alors demain, pourquoi ne pas garder ces habitudes, plus sûres et plus confortables ? Pour rappel, 83% des marques sondées par l’Union des Marques pensent que cette crise va engendrer des changements durables en interne. Pour 88% d’entre elles, le télétravail devient partie intégrante de ce bouleversement. Entre contrainte et opportunité, les marques se doivent de s’adapter. Si ces nouveaux modèles peuvent s’avérer déroutants, on observe toutefois une accélération de la digitalisation permettant de faire évoluer les process internes et les canaux de communication pour le mieux.
Avec la levée progressive du déconfinement, les KPI’s des entreprises s’ajustent : organisation des nouvelles conditions de travail (88 %), changement du discours de marque (63%), reprise de leur activité commerciale : réouverture de la distribution des produits et services (62 %), et relance de la production (42 %), ou encore renforcement de la place de l’humain et de l’émotionnel au cœur de l’expérience client, qu’elle soit physique ou digitale.
L’après Covid-19 ou le futur incertain
A l’heure où politiques, économistes, sociologues et philosophes, s’échinent à dessiner « le monde d’après », les marques elles, ne privilégient toujours aucun scénario de reprise. Comme lors de la première vague du baromètre, elles restent partagées à égalité entre les trois scénarios envisagés : « revenge consumption » (la fin de la crise est vécue comme une libération et génère une envie forte de consommation plaisir), « accentuation du repli » (les restrictions de circulation et de consommation de première nécessité s’ancrent dans les usages et attitudes de consommation) et « juste une parenthèse » (avec un retour aux habitudes de consommation et d’attitudes d’avant-crise). Le « déconfinement progressif » se traduit donc pour les marques par une lente reprise de leur communication, et ce malgré l’urgence affirmée par certaines de reprendre leurs activités commerciales. Ces premières semaines de déconfinement viendront confirmer, accentuer ou infléchir cette tendance pour les mois à venir.