Comment TF1 veut tripler ses revenus sur la vidéo digitale en trois ans
Pour TF1, l’année 2024 commencera vraiment avec une semaine de retard. Comme l’a révélé Rodolphe Belmer dans Le Figaro, c’est le 8 janvier que le groupe dont il est le PDG mettra à l’antenne, sur TF1, la matinale d’information animée par Bruce Toussaint et la nouvelle version de Plus Belle la Vie. C’est le même jour, surtout, qu’il lancera TF1+, la plateforme qui portera son ambition de s’affirmer comme champion national du streaming gratuit.
Offre de programmes à la demande plus large et sur des durées allongées, défense ciblée du linéaire, changement de paradigme dans l’organisation de la distribution et fonctionnalités nouvelles permettant d’adapter la proposition à l’écran utilisé apparaissent comme les quatre piliers de la stratégie dévoilée par Rodolphe Belmer. L’objectif est d’au moins doubler en trois ans la part de TF1 dans la publicité vidéo numérique, et d’y puiser alors 260 à 300 M€ de chiffre d’affaires a minima.
Distribution, programmes, expérience utilisateur, publicité… C’est sur l’ensemble des fronts que TF1 lancera le 8 janvier 2024 l’offensive destinée à assurer une position de leader à sa nouvelle plateforme de streaming gratuit, TF1+. Parce qu’il brise deux « demi-dogmes », le changement de modèle apparait doublement spectaculaire sur le premier sujet.
Hyper distribution et partage de revenus publicitaires
Alors que la présence de TF1 dans les environnements OTT (smart TV, clés HDMI, box OTT) était limitée jusqu’alors au seul service payant MYTF1 MAX, sans possibilité pour ceux qui n’y sont pas abonnés d’accéder grâce à l’application au live des chaînes du groupe ou à son offre de replay, TF1+ sera déployée « sur la majorité des télévisions connectées (notamment celles) de Google, Samsung, LG, HiSense, Philips et Amazon Fire TV ».
Sur le terrain de l’hyper distribution, la nouvelle plateforme creusera donc le sillon qu’avait ouvert MYTF1 MAX. Cela lui assure d’être disponible dans au moins trois quart des smart TV installées chez les Français. Plus d’un sur deux (54%) disposent à ce jour d’une télévision connectable, et celle-ci constitue le mode d’accès privilégié aux programmes plus d’un sur trois (36%).
La deuxième révolution copernicienne s’appliquera aux relations avec les distributeurs historiques, et en tout cas dans un premier temps à Orange, SFR et Bouygues Telecom, cités dans l’interview comme parties prenantes du new deal (d’après les données du Baromètre des Usages Audiovisuels NPA Conseil / Harris Interactive, ils concentrent à eux trois près de 60% des abonnements à internet au domicile ; Canal+ et Free ne sont pas mentionnés).
Alors qu’ils payaient depuis le milieu des années 2010 une redevance forfaitaire de distribution à TF1 (de laquelle découlait notamment l’indisponibilité du signal de la chaîne et de son offre de rattrapage dans les environnements OTT autres que son site et son application), ils lui verseront désormais un « minimum garanti » et toucheront une part des revenus publicitaires que TF1+ générera via leur box. Le principe d’un intéressement des opérateurs n’est pas totalement inédit : il valait déjà pour la publicité segmentée (TVS). Mais il s’appliquera là à un volume d’audience – et d’inventaire – sans comparaison. Quant aux clés de ce partage de revenus, les éléments connus par NPA incitent à parier sur une répartition à hauteur de 70% pour TF1 et 30% pour les FAI. Et sur des modalités de partage identiques s’agissant des plateformes OTT.
Y étant désormais intéressés, on comprend que « les opérateurs aient accepté de positionner notre application sur leur page d’accueil, à côté des Netflix et Prime Video, pour offrir à TF1+ la meilleure visibilité », comme s’en réjouit Rodolphe Belmer.
TF1 : Info et feuilleton pour plus du tiers de la programmation de journée
S’agissant de l’offre de la plateforme, elle sera portée à 15 000 heures de programmes, soit environ 50% de plus qu’à la fin 2022. Mais la dimension qualitative de ce renforcement sera toute aussi importante, avec des fenêtres de droits allongées de sept à trente jours au minimum après diffusion, « et jusqu’à quarante-huit mois ». Sur ce dernier point, TF1 va bénéficier du nouvel accord signé début janvier 2023, pour trois ans, avec les syndicats de producteurs : le groupe bénéficie de droits étendus à 48 mois pour les programmes produits depuis sa signature (de façon plus anecdotique, la généralisation de la disponibilité des programmes pendant un mois au moins, semble priver MYTF1 MAX de sa principale raison d’être).
« Nous proposerons 200 films familiaux, 200 séries (…) les saisons antérieures de nos séries et émissions comme « Koh-Lanta » ou « The Voice », mais aussi des programmes exclusifs », sur le modèle sans doute, du « spin off » de « The Voice », qui incarne par sa mécanique une parfaite passerelle entre l’antenne linéaire et TF1+.
Une nouvelle compétition The Voice en exclusivité sur la plateforme de streaming MYTF1
Le Groupe TF1 a annoncé le 7 novembre le lancement du programme « The Voice, Comeback », une nouvelle compétition parallèle en exclusivité sur MYTF1 qui offrira une seconde chance à 8 talents avec pour le vainqueur la possibilité de rejoindre « The Voice » diffusée sur TF1. Camille Lellouche a été choisie comme coach pour « The Voice, Comeback » qui débutera en 2024 sans précision de date pour l’instant. Il s’agit d’une étape importante dans la stratégie du Groupe TF1 qui vise à faire de sa plateforme la première destination sur le marché français pour le streaming gratuit financé par la publicité. Selon les derniers résultats financiers du groupe, MYTF1 rassemble 27,4 millions de streamers en moyenne sur les huit premiers mois de l’année, et enregistre 682,9 millions d’heures visionnées soit une progression de 8 % par rapport à 2022.
La défense de l’antenne est bien présente, en effet, dans la stratégie présentée au Figaro : « nous allons nous renforcer sur deux tranches horaires. Nous investissons dans la tranche matinale en ouvrant un troisième carrefour d’information en plus du « 13 Heures » et du « 20 Heures » (…) présenté par Bruce Toussaint. (…) À partir du 8 janvier également, le feuilleton populaire Plus belle la vie fera son grand retour à l’antenne, juste après le « 13 heures » et ses 4 millions de téléspectateurs ».
Ces deux lancements porteront à plus de quatre heures le volume quotidien d’information proposée par TF1, et à environ 1 heure trente celui de ses – désormais – trois feuilletons, soit plus du tiers de la programmation entre 6 heures et 21 heures. Concernant l’offre de prime, le pari sur un couple séries / grands divertissements s’annonce davantage, lui, dans la continuité de l’existant.
Une expérience utilisateur optimisée pour le téléviseur, mais aussi le mobile
S’agissant enfin de l’expérience utilisateurs, le lancement en mars 2024 d’un « premier algorithme de recommandation pour l’écoute conjointe », constitue l’annonce la plus spectaculaire. Elle est d’ailleurs revendiquée par Rodolphe Belmer comme « une innovation mondiale », visant à répondre à « l’irritation (que ressentent souvent les téléspectateurs au moment de) choisir un programme en streaming, surtout quand ils sont plusieurs devant l’écran ».
Alors que YouTube revendique de fortes performances – contestées par une partie du marché – sur ce terrain de l’écoute conjointe, l’annonce de TF1 fait coup triple : apporter un service nouveau à son public, permettre une démonstration par la preuve sur le poids que représente cette pratique au sein de son audience, et proposer aux publicitaires un inventaire encore mieux qualifié.
Mais si cet algorithme de recommandation partagée semble surtout conçu en vue du visionnage de formats longs sur le téléviseur, les services Top Chrono et Top Info suggèrent que TF1 ne délaisse pas pour autant usages personnels, formats courts et écrans mobiles : déjà testé pendant le Mondial de rugby, le premier permet de générer des résumés personnalisés de rencontres sportives, en fonction du temps que souhaite y consacrer l’utilisateur ; « première offre d’information à la demande, Top Info (permettra d’approfondir) les informations du jour avec des formats de 3 à 6 minutes réalisés par la rédaction ».
Au moins 260 M€ de recettes de publicité vidéo digitale à trois ans
Sur le retour attendu du lancement de TF1+ et de la stratégie qui le sous-tend, finalement, Rodolphe Belmer se fixe pour « objectif d’arriver, d’ici à trois ans, à une part de marché à deux chiffres » du total des revenus de la vidéo digitale, soit « 2 milliards d’euros et en croissance de 10 % à 15 % tous les ans ». Autrement dit, au moins 10% d’un total qui devrait atteindre à trois ans 2,6 Mds€, donc 260 M€ à 300 M€.
Sur les neuf premiers mois de 2023, les revenus de MYTF1 ont progressé de 16,5%, permettant de présager un atterrissage proche de 110 M€ sur l’ensemble de l’année.
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