Au bord du gouffre, la chaîne américaine de prêt-à-porter est parvenue à séduire les étudiants et les jeunes salariés en surfant sur la vague des années 90.
Nostalgie, quand tu nous tiens… Après plusieurs exercices de chute continue de ses revenus, Urban Outfitters a eu une idée toute simple mais diablement efficace pour revenir à la mode : surfer sur les années 90. Cette décennie n’a pas été choisie au hasard. Elle est en effet celle que préfèrent les… Millennials. Marquée par l’arrivée du grunge incarné par Nirvana et par la popularité des représentants de la britpop tels Oasis et Blur, ces années ont donné naissance à des groupes électro comme Daft Punk et Fatboy Slim. Dans la mode, Tommy Hilfiger, Calvin Klein et Ralph Lauren rencontraient un succès planétaire.
Fondée en 1970 à Philadelphie, l’enseigne Urban Outfitters a longtemps cherché à faire parler d’elle en soulevant des polémiques aussi vaines que de mauvais goût. En 2003, son slogan, imprimé sur un tee-shirt « Everybody loves a jewish girl » (« tout le monde aime une fille juive ») entouré du signe du dollar et de sacs à main, avait créé un vaste scandale. La même année, le distributeur commercialisait une variante non-officielle et un rien raciste du Monopoly, baptisé le Ghettopoly. A l’occasion de la Saint-Patrick, la marque a aussi vendu un tee-shirt vert sur lequel était inscrit : « Embrassez-moi, je suis bourrée ou irlandaise ou que sais-je encore ». Son message, « Nouveau Mexique, plus propre que le Mexique normal », n’a également pas plu à tout le monde tout comme son logo ressemblant à l’étoile de David.
Seuls les ados sont restés…
Cette « stratégie » marketing a provoqué une fuite brutale d’une grande partie de la clientèle de l’enseigne. Les plus âgés ont été les premiers à délaisser ses 200 magasins installés aux Etats-Unis, au Canada et en Europe. Au tournant de la décennie, le groupe ne séduisait presque plus que des jeunes branchés de moins de 16 ans. « Ce n’était pas, à mon avis, un bon positionnement pour nous », expliquait lors d’une conférence organisée pour les analystes financiers, Richard Hayne, le directeur général de la marque américaine « Nous avons toujours dit que nous voulions avoir des étudiants et des post-étudiants comme cœur de clientèle ». Pour se rapprocher des 18-28 ans, Urban Outfitters a choisi de proposer dans ses boutiques, les marques préférées de leur tendre enfance. Des partenariats avec Calvin Klein, Tommy Hilfiger, Wrangler mais aussi Fila et Umbro ont ainsi été signés. Les vêtements de ces griffes aujourd’hui encore en vente ont des designs qui ressemblent à s’y méprendre aux originaux des années 90. Nostalgie, nostalgie…
Réseaux sociaux, quand tu nous tiens…
Parallèlement, le distributeur a choisi d’envahir la toile en étant très actif sur la quasi-totalité des réseaux sociaux à la mode des deux côtés de l’Atlantique. Instagram, Facebook, Pinterest, Twitter, Songdrop, Youtube, Vimeo, Flickr… L’enseigne est partout présente. L’UO Community permet aux internautes de retrouver sur Instagram les meilleurs looks, lieux et sons détectés par la chaîne de boutiques de prêt-à-porter. Son blog devrait, lui, plaire à tous les jeunes « bobos » avec ses portraits de céramistes et d’écolos voulant limiter leurs déchets ou cet article sur ce studio de photo spécialisé dans les clichés minimalistes de nourriture naturelle.
Emojis et deep linking…
Les nouvelles technologies permettent également au groupe basé en Pennsylvanie de trouver les messages et les images qui risquent de séduire la cible visée. Grâce à l’utilisation des big datas et des données de géolocalisation de ses clients, UO a ainsi récemment envoyé un message de promotion de robes de soirée uniquement aux femmes qui ont l’habitude de sortir la nuit dans des bars. L’envoi d’emojis dans ses notifications push et l’emploi de « deep linking » qui consiste à recréer une expérience web entre différentes applications mobiles, ont également aidé l’enseigne à accroître de 146% ses revenus sur la toile lors des douze derniers mois.
En quelques années à peine, Urban Outfitters est ainsi parvenu à devenir la marque préférée des Millennials. Selon une étude des données de 220 millions de consommateurs effectuée par Cambridge Analytical et publiée dans le journal Women’s Wear Daily, ce distributeur est actuellement l’enseigne la plus appréciée de la génération née à partir de la fin des années 90. Pourquoi toujours regarder de l’avant ? La nostalgie, aussi, peut avoir de bons côtés…