La nécessité de dépasser le déclaratif du consommateur est aujourd’hui bien identifiée comme un des enjeux fondamentaux des études marketing. Une compréhension fine du consommateur nécessite en effet d’appréhender à la fois ses décisions rationnelles mais également ses pensées plus inconscientes auxquelles il n’a lui-même pas accès.
Pourquoi les études marketing devraient-elles s’approprier les tests implicites ?
Les mesures auto-rapportées par les consommateurs sont particulièrement problématiques lorsque l’on cherche à étudier le processus de traitement d’une information ou le processus de choix d’un individu. En effet, lors d’un rapport verbal, un individu doit traduire ou, tout du moins, interpréter rétrospectivement son état mental ou affectif. En cas de processus inconscient, cette interprétation est même clairement erronée.
Une mesure explicite étant centrée sur l’objet d’investigation, elle replace en effet cet objet dans l’histoire du consommateur. Ceci explique qu’une telle mesure soit sujette à des erreurs, en particulier lorsque le répondant n’a pas conscience du construit ou du processus étudié ou lorsque la « vraie » réponse va à l’encontre des normes sociales. Une mesure implicite, quant à elle, focalise l’attention du sujet sur la réalisation d’une tâche dont le résultat va indirectement permettre d’estimer le construit ou le processus investigué (Fazio et Olson, 2003). Le consommateur a donc moins la possibilité de contrôler et de construire sa réponse.
En quoi consistent ces mesures implicites ?
Parmi les instruments de mesures indirectes développés par les chercheurs en psychologie sociale, les tests d’association implicite sont sans nul doute ceux qui suscitent le plus grand intérêt. Ils ont pour objectif de vérifier la mémorisation implicite d’un concept unique voire les associations mémorielles entre concepts. Ces associations mémorielles peuvent par exemple concerner une marque et une évaluation (traduisant les attitudes), une marque et un attribut (les croyances) ou encore une marque et le concept de soi (la relation à la marque).
Plusieurs types de mesures permettent de travailler sur les associations mémorielles; nous citerons, par exemple, l’IAT (Implicit Association Test) introduit dans la littérature scientifique en 1998 par Anthony Greenwald, Debbie McGee et Jordan Schwartz ou le SC-IAT (Single-Category Implicit Association Test, Karpinski & Steinman, 2006) ou encore l’amorçage sémantique (Neely, 1977). Ce dernier consiste à demander aux participants d’indiquer le plus rapidement possible si un stimulus présenté (la cible) est ou non un mot du lexique (la moitié des stimuli sont des mots et l’autre moitié des suites de lettres sans signification). Il s’agit d’une tâche de décision lexicale sur la cible. Celle-ci est précédée de la présentation d’un mot (l’amorce) qui peut être sémantiquement ou pas lié à la cible (par exemple, « loup » et « chien » sont sémantiquement liés alors que « loup » et « table » ne le sont pas). On observe typiquement que le temps de réponse à la tâche de décision lexicale sur les mots du lexique est plus rapide, en moyenne, lorsque ces derniers sont précédés d’une amorce sémantiquement congruente que lorsqu’il n’y a pas de relation sémantique entre les deux stimuli. Par analogie, on peut très bien mesurer la force d’association entre une marque (amorce) et des valeurs cibles (modernité, innovation, qualité…) ou encore entre un produit et des bénéfices perçus cibles (sain, authentique…).
Finalement, approches implicites et explicites doivent être utilisées de manière complémentaire
Ces approches implicites sont souvent utilisées en complément d’études déclaratives plus traditionnelles pour un diagnostic plus complet et plus fiable d’une marque, d’un concept ou encore d’un produit. En effet, les approches implicites n’ont pas vocation à se substituer aux approches déclaratives dont elles sont d’ailleurs largement dépendantes. En outre, si le recours à des questionnaires d’évaluation ne permet pas de recueillir des données exhaustives sur le comportement, ces méthodes peuvent néanmoins se révéler utiles lorsque l’on s’intéresse précisément à des informations que l’on sait être construites à partir du raisonnement du consommateur et de son expérience (avis d’expert, par exemple). De plus, même si de nombreuses recherches en psychologie démontrent l’influence des processus inconscients sur le comportement, elles ne remettent pas en question l’existence-même de processus conscients. Il apparaît au contraire que tout comportement implique à la fois des processus conscients et des processus inconscients qu’il semble donc indispensable de mesurer en parallèle.
Rendez-vous le 16 avril 2015 de 18h15 à 19h00 « Les tests implicites, ou comment accéder aux perceptions inconscientes des consommateurs » sur le Printemps des études.