On a beaucoup écrit sur le fait que la communication est le reflet de l’évolution des mœurs et des valeurs sociétales. Mais à l’inverse, les modes de communication s’adaptent aux évolutions du monde et des réalités économiques.
Dans les décennies d’après-guerre, les marchés sont en expansion et les marques occupent le terrain, au sens littéral du terme : l’objectif de notoriété est talonné de près par celui de visibilité. C’est l’époque où les logos Coca-Cola fleurissent partout, jusqu’aux endroits les plus improbables de la planète… Les marques s’affirment, se déclarent haut et fort, se disent telles qu’elles sont. Les discours sont directs, littéraux.
Au fur et à mesure de la saturation des marchés, de la démultiplication des acteurs économiques et des propositions/segmentations marketing, les marques adoptent des stratégies de différenciation. C’est le règne de la fameuse USP (unique selling proposition), de la promesse publicitaire. Les marques cherchent à tout prix à se dé-marquer, faire un pas de côté, trouver l’artefact créatif qui les sauvera dans l’esprit de leur public.
Les marques à l’épreuve du temps
Dans les années 80, dans l’euphorie des dernières années glorieuses, l’heure est aux prises de parole spectaculaires, aux effets spéciaux, aux productions sensationnelles, bref à toutes les formes de divertissement car les marques sont devenues des objets de consommation et de plaisir comme les autres. Puis la crise vient avec les années 90, doublée de l’émergence du digital et de la révolution social média des années 2000. Devant l’éclatement des logiques, des cibles, des marchés et des média, les marques adoptent bon gré mal gré la démultiplication. Dans l’effort de s’appuyer sur tous les moyens possibles pour se faire entendre au milieu du brouhaha conversationnel, les marques sont partout…ou peut-être parfois nulle part. Les frontières fondent, le contenu tend à remplacer le discours.
Transfigurées par la dernière crise, les entreprises avancent, se transforment, se cherchent, dans la rue, sur la toile, auprès de leurs fans, en réalité virtuelle ou pas. La mutation profonde des organisations entraîne l’évolution de leur façon de s’exprimer. Le schéma classique de la communication a évolué de la diffusion d’un message émetteur / récepteur à sens unique, puis à double sens. Aujourd’hui c’est le principe même du message qui est remis en question. Le message porte en lui l’idée de conviction, de promesse, d’argumentation, même s’il est à double sens. Le brand content, plaçant l’échange à un autre niveau, apporte une première réponse. Mais les discours, même désintéressés, ont fait long feu, et l’heure est aux preuves et à la réalité de l’action.
L’intention vaut l’action ?
Concrétement, dans un contexte de fusion au sein d’un grand groupe français, l’agence a proposé de… ne pas communiquer. Ou plutôt, en lieu et place de grands discours lors de la Convention, d’organiser un hackathon pour projeter les top managers et faire l’expérience d’un avenir commun. Qu’est-ce que la communication sans discours, sans promesse ? Il reste l’engagement. L’action comme forme ultime de communication. Faire, ne pas se contenter de dire. Il en est de la communication comme de la plupart des métiers : bien le faire, le faire jusqu’au bout, c’est réussir à le rendre inutile…
La fonction Communication n’est plus seulement une ‘couche supplémentaire’, qui viendrait se rajouter aux opérations pour susciter l’adhésion : elle devient consubstantielle de l’activité de l’entreprise. A nous, agences, de s’éloigner – enfin – de la maîtrise des outils, des médias, des supports pour se recentrer non pas sur les moyens ou la forme (sémantique et visuelle) du discours, mais sur la finalité de la communication : la convergence des représentations des différents publics. S’incarnant sous d’autres formes, non médiatisées, la communication continuera toujours à participer à la projection de la vision de l’entreprise. Derrière la forme se cachait le fond. Derrière le média, le contenu. Et demain, derrière le message, l’intention.