On a jamais vu autant de QR Code en France ! Panneaux d’affichages, médias traditionnels ou Street Art, cette technologie parfois élevée au rang d’icone pop art s’impose sans pour autant convaincre… Un paradoxe expliqué par Guillaume Tassetto, spécialiste du sujet et fondateur de l’agence Kairos
Comment se porte actuellement le QR Code ?
Guilaume Tassetto : Le QR Code est désormais le standard international incontestable: les initiatives occidentales reposant sur des normes propriétaires ont vécu. La force du QR Code repose sur sa norme ouverte: de nombreux lecteurs existent, gratuits, et la plupart des smartphones intègrent désormais un lecteur en natif (dès l’achat). Ce format ouvert lui a permis d’être massivement utilisé dans le monde entier: il est désormais un symbole visuel, reconnu par tous. Ce dernier point rend vaine toute tentative de création de normes concurrentes: l’avance prise par le QR Code dans la reconnaissance par le public, à l’échelle mondiale, est irrattrapable.
Le Marché français et les consommateurs ont du mal à insérer le QR Code dans leur habitudes. Pourquoi ?
Guilaume Tassetto : Se demander si les français scannent ou non les QR Codes, se demander quel est le taux de pénétration du QR Code, etc. toutes ces questions sont de mauvaises questions: elles supposent en effet que l’on scannerait un QR Code uniquement parce que c’est un QR Code. Or le QR Code n’est qu’un outil, un moyen au service d’une promesse.
La vraie bonne question est: si la promesse est bonne, le QR Code est-il un outil efficace pour accéder à un contenu sur son mobile? En l’occurrence la réponse est oui, nombreuses opérations à l’appui. Bien utilisé le QR Code est un outil extrêmement puissant d’engagement. C’est donc aux Marques et aux Agences d’apprendre à appréhender ces nouveaux outils pour proposer des expériences intéressantes
Les annonceurs sont-ils toujours demandeurs sur QR Code ?
Guilaume Tassetto : De plus en plus, il suffit pour cela de regarder autour de soi: dans les magazines, les journaux, dans la ville, à la TV, sur les cartes de visite, les QR Codes sont partout. Pour autant l’expérience proposée est trop souvent pauvre: QR Code non fonctionnel, aucune promesse associée, contenu non mobile une fois le QR Code scanné, voire contenu mobile mais trop long à charger…
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le QR Code suppose une véritable expertise à la fois marketing et technologique pour être efficace. Pour autant, une opération bien menée peu avoir un énorme succès tout en répondant à des problématiques stratégiques pour les Marques (constitution de base de données hautement qualifiées, récolte d’informations à chaud et en temps réel en point de vente, génération de CA, etc.).
Les expériences proposées via les QR Code sont-elle à la hauteur de cette technologie et de son potentiel media ?
Guilaume Tassetto : Jusqu’à présent, rares sont les opérations qui utilisent à pleine puissance le potentiel des QR Codes. Le QR Code est un lien vers internet; il est trop souvent considéré uniquement comme tel par les Marques et les Agences…Cette simplicité qui lui a permis de s’imposer est paradoxalement son plus gros frein: il faut dépasser ce niveau de compréhension pour vraiment sentir tout son potentiel. Et lorsque c’est le cas, il est nécessaire de déployer des architectures techniques complexes et dédiées pour en faire véritablement un outil d’aide à la décision stratégique pour les Marques.
Le potentiel est énorme et nous ne sommes qu’au début de l’aventure des QR Codes.
Quelle a ou ont été les meilleures opérations ou dispositifs de QR Code que vous aillez vu passer ?
Guilaume Tassetto : L’opération menée par Tesco en Corée du Sud (voir ci dessous), répliquée à de multiples reprises par d’autres marques depuis: des QR Codes dans le métro permettaient aux passants de commander de la nourriture et d’être livrés chez eux. L’opération est intéressante car elle s’adapte parfaitement au marché Coréen (les Coréens travaillent énormément, 2193 heures par an contre 1580 environ en France), l’impact sur la marque a été immense et elle est directement liée à l’augmentation du chiffre d’affaire.
– L’Opération Victoria’s Secret, (voir ci dessus) avec des QR Codes disposés directement sur les mannequins dans les publicités qui invitaient à découvrir les produits: elle montre que le QR Code n’est pas incompatible avec l’univers du Luxe, bien au contraire (le premier QR Code designé a d’ailleurs été fait par l’artiste Mukarami, pour Louis Vuitton au Japon), et que cette technologie a un très fort potentiel de création d’engouement autour d’une marque.
Et concernant mon agence j’aime à parler d’un dispositif dont je suis fière avec Canal Plus. Depuis 2010 les magazines des abonnés possèdent des QR Codes qui renvoient vers une sélection de contenus. Le nombre de visites dépassent les versions digitales des magazines pourtant très vus. Cela démontre la capacité du QR Code à faire le lien, même s’il n’y a rien à gagner pour l’utilisateur. Un QR Code est une opportunité (perdue s’il n’est pas présent) pour engager une cible par un support physique, cible que l’on aurait perdue si rien n’était fait pour prolonger l’interaction avec la marque.
Propos recueillis par Gaël Clouzard / @G_ael