28 février 2021

Temps de lecture : 2 min

Clubhouse, un réseau social sans tech mais pas sans failles?

Avec ses dix millions de téléchargements, l’application 100% audio Clubhouse a réussi en moins d’un an à se démarquer dans un écosystème des réseaux sociaux déjà très encombré et concurrentiel. Elon Musk, Oprah Winfrey, Drake, Jared Leto et même Mark Zuckerberg s’y sont inscrits. Clubhouse n’est pour l’instant accessible que sur invitation et pour les seuls possesseurs d’iPhone… Mais ce n’est pas le seul aspect (d)étonnant de cette application, dont quelques petits bugs commencent à apparaître.

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Là où Snapchat ou Tiktok avaient misé sur une débauche de technologie – filtres en réalité augmentée, outils sophistiqués de montage vidéo, algorithmes de découverte élaborés – ClubHouse a pris le parti inverse pour se démarquer. Simple, voire simpliste, l’application, disponible sur iOS exclusivement, ne propose encore que quelques fonctionnalités. En particulier, ses algorithmes de recommandation restent très basiques – ils s’appuient sur contacts de l’utilisateur et des centres d’intérêt que celui-ci a lui-même renseigné à son inscription.

Cela semble voulu. Face à la surenchère technologique de ses concurrents, Clubhouse a misé sur la simplicité d’un concept qui rappelle celui des radios libres, servi par une expérience utilisateur épurée. Cette simplicité est même un de ses arguments premiers. “Clubhouse propose une alternative séduisante à l’heure où nos journées nous transforment en zombies devant nos écrans, avant de passer nos soirées à nouveau face à un PC ou un téléviseur pour regarder une série”, estime par exemple Emmanuel Vivier,  expert du digital et co-fondateur du Hub Institute.

Il y a toutefois une vraie prouesse technologique, en coulisses : la capacité de traiter d’importants volumes audios, sans accroc. Si IA il y a, elle sait se faire oublier des utilisateurs : elle permet d’améliorer la qualité sonore, d’assurer la fluidité des échanges et de compresser les flux audios. Mais, surprise : sur cet aspect-là, Clubhouse n’a rien inventé. Valorisé déjà autour d’un milliard de dollars au dernier comptage, le réseau social n’est même pas propriétaire des outils qui lui permettent d’opérer sa plateforme. D’après l’investisseur américain Justin Caldbeck, Clubhouse a pu être construit en une semaine grâce aux outils de l’entreprise chinoise Agora.

La valorisation de cette startup spécialiste des outils de télécommunications cotée en bourse depuis l’été 2020, a bondi pour atteindre 10 milliards de dollars, lorsque ses liens avec Clubhouse ont été révélés. L’ampleur de la dépendance de Clubhouse vis-à-vis de la technologie d’Agora n’est pas exactement connue – le réseau social n’ayant aucun intérêt à aborder publiquement ce sujet. Néanmoins, « décompiler le code de l’application Clubhouse permet de faire apparaître le nom d’Agora, ce qui signifie que Clubhouse s’appuie au moins en partie sur les outils d’Agora », explique Bloomberg dans une enquête sur le sujet.

Cette dépendance envers une technologie tierce, qui plus est d’origine chinoise, n’est pas sans poser question. D’autant plus que les premières failles de sécurité n’ont pas tardé à apparaître : un rapport du “Stanford Internet Observatory”, publié mi-février, s’inquiète ainsi du fait que les métadonnées des utilisateurs ne soient pas chiffrées – or, ces informations transitent par les serveurs d’Agora. Autre motif d’inquiétude pour les chercheurs de Stanford : le risque que le gouvernement chinois n’exige un accès aux données et aux enregistrements.

Dans la foulée de la publication du rapport, les dirigeants de Clubhouse ont rapidement réagi, en expliquant qu’ils travaillaient au renforcement du chiffrage des données. Mais quelques jours plus tard, un développeur publiait un code permettant d’accéder à toutes les conversations de la plateforme, sans même y être inscrit. Clubhouse a dû reconnaître peu après que des conversations privées avaient bien été diffusées en dehors de la plateforme, en assurant qu’il œuvrait pour que cela ne soit plus possible.

Malgré sa stratégie de croissance maîtrisée par un système d’invitations, la montée en charge ne se fait donc pas sans bugs. Pour durer, Clubhouse n’aura d’autre choix que de muscler son jeu technologique, pour garantir la sécurité de ses utilisateurs, la confidentialité des conversations, mais aussi assurer la modération des échanges en temps réel. Un vaste défi !

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